« Depuis plus de 58 ans, on l’appelait « Madame Céline », preuve du respect, presque de la déférence, que l’on accordait à cette ancienne professeure de danse au destin hors du commun. En 1935, elle n’a que 21 ans quand elle croise l’écrivain déjà auréolé du succès du Voyage au bout de la nuit et qui s’apprête à publier Mort à crédit [voir ses livres et les livres sur lui ici]. Coup de foudre ! Seule la mort les séparera, celle de Louis-Ferdinand en 1961. Elle est tellement pressée de le rejoindre que sur sa tombe, elle fait graver « Lucette Destouches, 1912-19… » Mais Dieu ne voulait pas d’elle ! Lucette Almanzor (son nom de scène, ou Almansor, son nom de jeune fille) s’est éteinte finalement ce vendredi matin chez elle à Meudon, à l’âge de 107 ans.
Gardienne du temple, elle habitait la maison de Meudon qui fut le dernier domicile de Céline. C’est ici, au premier étage de la villa Maïtou, que l’écrivain décéda le samedi 1er juillet 1961. Dans l’ombre du géant, elle donnait des cours de danse. Et jusqu’à son dernier souffle, elle perpétua son souvenir… Avec l’aide de François Gibault, elle s’oppose à la reparution de ses pamphlets antisémites en France : Bagatelles pour un massacre, L’École des cadavres ou Les Beaux Draps. [Elle avait, en 2017, autorisé Gallimard à faire reparaître ces œuvres, ce qui avait suscité un tollé du monde politiquement correct et fait reculer l’éditeur. – NDCI]. Toujours avide de découvrir de nouveaux talents, elle fit de son repaire du bas de Meudon un passage obligé pour tous ceux qui voulaient entendre parler de l’écrivain ou recueillir des conseils artistiques. Fabrice Lucchini, Pascal Sevran, Patrick Poivre d’Arvor, Marc-Édouard Nabe – qui lui consacra l’un de ses meilleurs livres –, Frédéric Vitoux, mais aussi Patrick Besson, les 2be3 vinrent régulièrement partager son dîner. […] Figure discrète des lettres et des arts de la seconde moitié du XXe siècle, Lucette Almanzor fut intime de figures aussi considérables que les écrivains Paul Morand, Antoine Blondin, Roger Nimier ou Marcel Aymé, des prestigieux comédiens Michel Simon et Arletty, du peintre Jean Dubuffet, du chanteur Mouloudji… Sa maison était devenue un lieu de pèlerinage où, malgré deux incendies à la fin des années 1960 puis en 1975, on conservait pieusement les reliques du maître. […] »
Source et suite Le Point