L’évêché grec catholique de Zahlé, petite ville de la plaine de la Bekaa, dans la région libanaise frontalière avec la Syrie, s’occupe depuis le début de la guerre en Syrie des réfugiés chrétiens ayant fui leur pays. Reportage.
Aucun chrétien ne vit dans les camps de tentes qui ont fleuri partout au Liban depuis trois ans, ils n’ont pas l’habitude de vivre comme les musulmans et vivre sous la tente leur est impossible. La plupart d’entre eux tente donc de louer une petite pièce pour toute la famille… Mais les aides aussi bien financières que matérielles n’arrive pas jusqu’à eux, si ce n’est pas l’intéremédiaire de l’Eglise locale.
L’immense majorité de ces familles chrétienne ne reçoit aucune aide de la part des organisations internationales, puisqu’elles ne sont pas inscrites auprès des Nations Unies.
Parce qu’ils ont peur.
Ils sont nombreux à affirmer que les nations unies leur demande de préciser s’ils soutiennent le régime de Bachar et Assad au moment de l’enregistrement. Une réponse qu’ils refusent de donner à cause de la situation en Syrie, de la présence sur place d’une partie de leur famille et du danger que représenterait une telle prise de position pour cette minorité chrétienne qui a toujours choisi de rester loin des conflits politiques dans le pays. Mais tous regrettent que l’aide internationale soit conditionnée par une prise de position politique dans une guerre ou toute déclaration peut représenter un réel danger.
Quelques uns arrivent à trouver des petits travaux à effectuer temporairement, à l’instar de Sameer*, qui travaille pour offrir quelques mètres carrés aux 11 personnes de sa famille.
Ils sont originaires de Qusayr, petite ville de la province de Homs, et ont vu leur vie basculer en quelques semaines.
« Tout a commencé avec les prêches d’un imam d’origine syrienne installé en Arabie Saoudite et qui parlait le soir sur la chaîne saoudienne retransmise en Syrie. Il appelait à prendre ou détruire les maisons chrétiennes et à s’amuser avec les femmes chrétiennes » explique sa femme.
Ils racontent comment leur ville si tranquille a sombré dans l’enfer en quelques jours : des habitants avec lesquels ils vivaient sans l’ombre d’un problème depuis des années ont commencé à devenir menaçants et à scander des slogans anti-chrétiens en venant dans le quartier dit « des nazaréens ».
Une jeune chrétien a été tué alors qu’il s’opposait à ces « rebelles » puis son frère, son père et les chrétiens ont commencé à fuir.
« La vie était devenue impossible… Ces terroristes avaient occupé notre église pour y faire leurs prêches » raconte Sameer en montrant une vidéo, tournée dans l’église, d’une prêche appelant à chasser les chrétiens, à prendre leurs femmes et leurs maisons. « Ils nous poussaient à partir au Liban, nous avons souvent entendu leur slogan – Les Chrétiens à Beyrouth, les alaouites à la tombe- »
A la question de savoir s’ils imaginent un jour revivre avec ces voisins musulmans, ils répondent : « ce n’est pas tellement à nous qu’il faut le demander. Nous sommes chrétiens et nous acceptons de vivre avec tous ceux qui le veulent et cela se passait toujours très bien. Avec les musulmans qui le veulent bien évidemment, avec ces terroristes, c’est évidemment inimaginable puisqu’ils souhaitent notre mort ».
Leurs enfants passent leurs journées à la maison, les écoles libanaises sont pleines et les programmes scolaires tellement différents. Les enfants de la voisine, également réfugiée non plus : « imaginez mon angoisse, cela fait deux ans qu’ils ne vont plus à l’école, c’est leur avenir qui me préoccupe le plus » confie leur mère, le petit Tony, l’avant dernier, dans les bras.
Son travaille dans les champs quelques heures par semaine, pas de quoi vivre ailleurs qu’à Zahlé ou dans un endroit plus grand que ce deux pièces…
Ils ne rêvent tous que de repartir chez eux… Mais la situation est encore instable même si leurs villages ont été récupérés par l’armée.
« Regardez notre maison » sourit cette jeune mère de famille en montrant une photo de son portable, « elle est en ruine. Il n’y a plus rien à nous, où pouvons-nous aller ? Sans compter que les terroristes sont tout prêts, dans les montagnes, et que nous ne supporterions pas un deuxième exil… »
Mais maintenant qu’ils sont au Liban, ces réfugiés syriens ont peur d’une chose : que la guerre qu’ils ont fuit les rattrape : « Il y a plus de deux millions de réfugiés syriens au Liban et nous savons que des islamistes se cachent parmi eux. Il y a eu une attaque contre l’armée libanaise il y a quelques jours dans le nord de cette région… Comment le Liban va pouvoir réagir ? » questionne Saamer.
Depuis quelques jours, des inscriptions anti-chrétienne et des drapeaux djihadistes fleurissent à Tripoli, dans le nord du Liban, et les Chrétiens recommencent à s’armer, prêt à contrer une offensive de l’Etat Islamique…
*Prénom changé à la demande des personnes