Depuis dimanche dernier, la presse, les féministes, les militants invertis, les syndicalistes tombent à bras raccourcis sur François Fillon en l’accusant de vouloir revenir « 50 ans en arrière ». Il est accusé d’être contre : l’avortement, les pédérastes, les migrants, les musulmans, les fonctionnaires etc. Fillon peut les remercier, grâce à eux, beaucoup de patriotes s’emballent pour sa candidature. Le vote de dimanche prochain ne devrait être qu’une formalité pour lui.
Malheureusement pour la France et pour les âmes, Fillon n’est pas le sauveur…
Daniel Schneidermann, journaliste pour Libération et @rrêt sur images résume en quelque lignes ce qu’il se joue lors du scrutin de dimanche prochain :
Patronage catho ou colo laïque, beaucoup ont vécu enfants ces exercices d’impro pour journées pluvieuses. Alain tu fais le papa sévère, François tu fais la maman indulgente. Après on tournera. François tu fais le client, Alain tu fais le marchand. Tu fais le prof, tu fais l’élève. Tu fais le papa, tu fais l’enfant. Tu fais le méchant, tu fais le gentil.
On fait razzia de matériel dans la cuisine, la buanderie, et la penderie du directeur. Vestes trop grandes, panoplie de balais et moustaches tracées à la suie : c’est parti. Tu fais la gauche de la droite, tu fais la droite de la droite. Et allez-y à fond, les enfants, qu’on comprenne bien.
Tout y est, comme pour de vrai. Commentateurs télé qui construisent un suspense insoutenable, bandeaux dramatisants : « le ton monte », souffleurs des radios du matin qui redonnent de l’énergie aux rôles de composition :
« Il a dit que vos attaques étaient basses, que répondez-vous ? »
Choix déchirant
Tout y est, pour créer l’illusion, pour faire oublier que en vrai, Juppé n’est pas un homme de gauche féministe. En vrai, Fillon n’est pas un homophobe fascisant. En vrai, Juppé n’est pas le meilleur ami des fonctionnaires et des 35 heures. En vrai, Fillon ne sera pas le bourreau des policiers et des gendarmes. En vrai, c’est le même fromage.
Et le choix dramatique offert au peuple de la droite et du centre n’est rien d’autre qu’un choix déchirant entre un comté 24 mois et un comté 36 mois, après élimination du camembert.
Tous deux parleront à Poutine. Ils lui diront à peu près la même chose. L’un sourira peut-être davantage que l’autre. Tous deux plieront pareillement devant Merkel, ou son successeur. Tous deux n’auront à la bouche que dette et déficit, tous deux mèneront la même non-politique envers les migrants.
‘Mon équipe m’a conseillé de me laisser applaudir’, soupire Juppé, déjà las, au meeting de Toulouse. Tout est dit.
Fausses moustaches
Et le pire, c’est que ce sont deux types sérieux, deux grandes personnes, qui se sont ainsi mis de fausses moustaches. Deux pères nobles de la droite. Ce que la droite française de 2016 a de plus construit, de plus solide, de moins folâtre. Deux hommes faits, comme on disait jadis.
Rien à voir avec des pas finis, des mal cuits à la Sarkozy, et son éperdu besoin d’amour. Ou avec ce cœur d’artichaut de Trump, manifestement dévoré par le même besoin d’amour, à en croire les récits surréalistes de son lunch avec l’équipe du New York Times (lire ici et ici).
Ah Trump. Attablez-le avec le gratin des medias pourris, et soudain il n’est plus tout à fait sûr que le réchauffement climatique soit un canular ; soudain, après avoir tapé la discute avec un général, il a découvert que la torture était peut-être moins efficace que des clopes et quelques bières ; soudain il est impatient de récupérer le Rubik’s Cube préféré de tous ses prédécesseurs : arriver à faire la paix entre Israéliens et Palestiniens, pour qu’enfin, enfin, le New York Times dise du bien de lui.
Source : Rue89