Messe du 19e Dimanche après la Pentecôte (textes et commentaires)

« Les Juifs ont refusé de prendre part au festin de noces. Aussi c’est vers les Gentils que les Apôtres et l’Église, remplis de l’Esprit-Saint aux fêtes de la Pentecôte, se sont tournés. L’union béatifique que désigne ce festin de noces est annoncée, préparée et en quelque sorte commencée par la communion sacramentelle. »

Dom G. Lefebvre

Introït :
« Moi je suis le salut du peuple, dit le Seigneur ; en quelque tribulation qu’ils crient vers moi, je les exaucerai, et je serai leur Seigneur pour toujours. »
PS 77, 1 : « Mon peuple, soyez attentif à ma loi, prêtez l’oreille aux paroles de ma bouche. »

Collecte :
« Dieu tout-puissant et miséricordieux, éloignez de nous, dans votre bonté, tout ce qui s’oppose à notre salut, afin que, libres d’esprit et de corps, nous accomplissions ce qui est de votre service avec des cœurs dégagés de toute entrave. »

Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre aux Éphésiens :
« Mes frères, renouvelez-vous de l’esprit de votre intelligence, et revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité. C’est pourquoi, renonçant au mensonge, dites chacun la vérité avec son prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres. Si vous vous mettez en colère, ne péchez point ; que le soleil ne se couche pas sur votre colère. Ne donnez pas prise au diable. Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais plutôt qu’il s’occupe en travaillant des mains à quelque chose de bon, pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin. »

Graduel :
« Que ma prière soit dirigée comme l’encens qui monte en votre présence, Seigneur.
– Que l’élévation de mes mains vous soit agréable comme le sacrifice du soir. »
Allelulia, Alleluia (PS 104, 1)
« Rendez hommage au Seigneur et invoquez son nom ; annoncez ses œuvres parmi les nations. Alléluia. »

Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu :
« En ce temps-là, Jésus, prenant la parole, parla de nouveau en paraboles, et il dit : Le royaume des deux est semblable à un roi qui fit faire les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler ceux qui étaient invités aux noces, mais ils ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs, en disant : Dites aux invités : J’ai préparé mon festin, mes bœufs, et mes animaux engraissés sont tués ; tout est prêt, venez aux noces. Mais ils ne s’en inquiétèrent point, et s’en allèrent, l’un à sa ferme et l’autre à son négoce ; les autres se saisirent de ses serviteurs, et les tuèrent, après les avoir accablés d’outrages. Lorsque le roi l’apprit, il fut irrité ; et ayant envoyé ses armées, il extermina ces meurtriers, et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : Les noces sont prêtes, mais ceux qui avaient été invités n’en étaient pas dignes. Allez donc dans les carrefours, et appelez aux noces tous ceux qui seront là. Ses serviteurs, s’en allant par les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, mauvais et bons, et la salle des noces fut remplie de convives. Le roi entra pour voir ceux qui étaient à table, et il aperçut là un homme qui n’était pas revêtu de la robe nuptiale. Il lui dit : Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir la robe nuptiale ? Et cet homme demeura muet. Alors le roi dit aux serviteurs : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. »

Credo
Offertoire :
« Quand j’aurai marché au milieu des tribulations, vous me vivifierez, Seigneur ; vous étendrez votre main contre la fureur de mes ennemis et votre droite me sauvera. »

Secrète :
« Nous vous en supplions, Seigneur, accordez-nous que ces dons que nous offrons aux regards de votre majesté, servent à notre salut. »
Préface de la Sainte Trinité ; mais les jours de Féries, où l’on reprend la Messe de ce Dimanche, on dit la Préface Commune.

Communion :
« Vous avez ordonné que vos commandements soient très fidèlement observés ; puissent mes voies être dirigées de manière à ce que je garde vos justes ordonnances. »

Postcommunion :
« En vertu de votre clémence, ô Seigneur, que l’opération de votre grâce salutaire nous délivre de nos tendances perverses et nous fasse demeurer attachés toujours à vos commandements. »

Commentaire du Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

« Selon les anciennes listes romaines, le dimanche précédant la fête des martyrs Corne et Damien, la station était dans leur basilique sur la Voie sacrée ; selon le Capitulaire de Würzbourg, cette station est indiquée après le second dimanche suivant la solennité de saint Cyprien. Mais, en réalité, il s’agissait d’une fête mobile et c’est peut-être la raison pour laquelle la messe de ce jour, à commencer par l’introït Salus populi, conserve comme un dernier souvenir de cette solennité en l’honneur des deux célèbres médecins « Thaumaturges » dont le peuple de Rome, durant la période byzantine, attendait la santé de l’âme avec celle du corps.

Combien admirable est la discrétion que l’Église révèle dans sa liturgie, aussi éloignée de tout spiritualisme exagéré que d’excessive condescendance envers les faiblesses de la nature humaine. Le corps est un instrument nécessaire pour que l’âme puisse agir et se sanctifier, et sous cet aspect, la santé est l’un des plus désirables dons de Dieu.

L’introït est peut-être tiré de l’Itala ; il a été déjà exécuté lors de la station quadragésimale à la basilique des martyrs Anargyres, sur la Voie sacrée. « Je suis le salut du peuple, dit le Seigneur. » Les besoins et les insuffisances de l’humanité déchue constituent comme un abîme de misère ; seule une miséricorde et une grâce infinie ne dédaigne pas de lui rendre la vigueur première. Il est donc vain d’espérer en un bras de chair qui meurt et se corrompt ; personne au contraire n’a jamais été déçu après s’être adressé au Seigneur pour être aidé par lui.

Dans la collecte on demande aujourd’hui au Seigneur d’éloigner de nous tout ce qui pourrait rompre la splendide harmonie et l’équilibre de notre corps et de notre esprit. L’ordre établi par Dieu, auquel l’Église fait allusion aujourd’hui, est celui-ci : le corps sain et agile doit se mouvoir docilement sous l’empire de l’âme ; celle-ci est poussée en haut, vers Dieu, par la grâce ; quicumque Spiritu Dei aguntur ii sunt filii Dei [31] en sorte que, moyennant cet ordre, tout l’homme, suavement, sans difficultés ni obstacles, se dirige vers Dieu comme vers sa fin ou plutôt, pour le dire dans les mêmes termes que la collecte, il accomplit en toute liberté ce qui se rapporte à Dieu. Qu’elle est belle et glorieuse cette liberté des fils de Dieu, résultat de l’ordre, de l’harmonie et de la soumission de la créature au Créateur !

Dans la lecture de l’épître aux Éphésiens (4, 23-28) saint Paul présente la sainteté évangélique sous le symbole d’un vêtement neuf qu’il convient de prendre. Ce vêtement est Jésus-Christ Lui-même, avec ses vertus et ses sentiments divins. Tous les fidèles étant les membres d’un même corps mystique, il en résulte des devoirs réciproques de charité, de sincérité, de loyauté et de compassion.

Le répons, tiré du psaume 140, est commun au mardi et au samedi après le premier dimanche de Carême, et à la pannuchis des Quatre-Temps d’automne. Dans la vie présente, notre oblation à Dieu est toujours un sacrifice du soir, car elle est enveloppée dans la pénombre de la foi, et les années fugitives de notre pèlerinage sont déchirées par la douleur. C’est pourquoi Jacob, interrogé par le pharaon d’Égypte sur son âge, répondit que ses ans avaient été pauci et mali. Le Psalmiste ajoute en effet : Ad vesperum demorabitur fletus, et ad matutinum laetitia. Contrairement à nos calculs astronomiques, dans l’Écriture sainte la journée humaine commence toujours le soir, parce qu’avant d’arriver à la joie de la vision béatifique matutinale il convient de passer avec Jésus dans le labeur et dans les larmes l’après-midi de la Parascève précédente.

Le verset alléluiatique est tiré du psaume 104. « Publiez la gloire de Dieu et invoquez son nom ; annoncez ses entreprises à tous les peuples. » Les Apôtres, et, après eux, les évêques et les pasteurs d’âmes reconnaissent comme leur premier devoir cette fonction de la prédication évangélique, grâce à laquelle, par l’opération du Saint-Esprit, des âmes en grand nombre sont chaque jour engendrées à Dieu et naissent de Lui — ex Deo nati sunt — à la vie surnaturelle. Toutefois pour que cette sorte de conception toute sainte et toute divine ait lieu, la parole du prédicateur doit être non la sienne mais celle du Christ. En outre, elle doit être dite non avec l’esprit humain qui pourra tout au plus faire des savants, mais avec l’Esprit Saint qui seul peut faire des fidèles. C’est pourquoi il est écrit des saints Apôtres : Repleti sunt omnes Spiritu Sancto, et coeperunt loqui.

La parabole du banquet nuptial du fils du roi (Matth., 22, 1-14) est omise dans le Capitulaire de Würzbourg, lequel indique au contraire pour ce jour la péricope qui, dans le Missel, est attribuée au XXIe dimanche après la Pentecôte. L’allégorie du banquet nuptial fut commentée par saint Grégoire le Grand au peuple dans la basilique de Saint-Clément ; mais nous ignorons en quelle circonstance, puisque le saint dut probablement modifier par la suite l’antique liste évangéliaire.

La fin principale de la prédestination des âmes au banquet béatifique, c’est la glorification suprême du Christ en tant que premier-né de la famille humaine et chef de l’Église. De fait, Jésus ressuscité des morts et élevé à la droite de Dieu le Père transmet sa vie et sa sainteté aux membres de son corps mystique, en sorte que l’Église soit sa vivante image comme II est lui-même celle du Père. Ainsi, selon la pensée de l’Apôtre, Dieu sera finalement tout en tous, et ce parfait unisson sera l’hymne béatifique qui retentira dans le ciel durant toute l’éternité : Amen, alléluia.

« Ami, comment es-tu arrivé jusqu’ici sans le vêtement nuptial ?… » Le Seigneur appelle les âmes, mais il veut que celles-ci correspondent à leur vocation, en sorte que la grâce de l’éternelle béatitude soit aussi la récompense due, la couronne de justice, comme l’appelle saint Paul, que Dieu donne au serviteur fidèle et au soldat vainqueur.

Le verset de l’offertoire, tiré du psaume 137, est commun à la station quadragésimale de la basilique des Anargyres sur la Voie sacrée. « Tant que sévira la tempête et la tribulation, tant que semblera manquer tout humain espoir de salut, vous, Seigneur, étendez en maître votre bras, et mettez-moi en sûreté. »

II faut remarquer qu’il y a deux heures, comme il y a deux providences : celle de l’homme et celle de Dieu. Tant que dure le temps de l’homme, il semble que le Seigneur demeure en une tranquille attente ; quand au contraire cesse toute espérance humaine, c’est alors que, en générai, Dieu commence son œuvre de salut et nous met inopinément en sûreté. C’est pourquoi souvent l’heure où Dieu nous exauce est précisément la plus sombre et la plus triste de notre épreuve, selon ce qu’il dit Lui-même dans le psaume : Exaudivi te in abscondito tempes-tatis ; probavi te apud aquam contradictionis.

Dans la secrète, on demande aujourd’hui que l’oblation sacrée non seulement rende gloire à Dieu, mais soit aussi le gage du salut éternel pour ceux qui y participent.

La sainte Eucharistie est toujours, en elle-même, gage de salut éternel, car elle contient la grâce dans sa source première. Toutefois, comme l’effet subjectif des Sacrements se mesure aux dispositions personnelles de celui qui les reçoit, on implore précisément aujourd’hui ces dispositions afin que la mystique oblation sacramentelle, ne trouvant pas d’obstacles dans l’âme, puisse opérer avec toute la plénitude de son efficacité.

L’antienne pour la Communion est tirée du psaume 118 : « Vous, ô Seigneur, vous avez ordonné que vos préceptes soient immanquablement observés. Que mes pas tendent donc à maintenir intacte votre loi ! » Ici, non seulement le Psalmiste manifeste ses généreux propos, mais dans cette exclamation — en latin utinam — il exprime la joie puisée dans le doux service de Dieu. Cette douceur est la même qu’expérimentaient les martyrs dans la voie étroite de leur passion. Celui qui n’a pas la foi ne voit, dans la vie chrétienne et surtout dans la vie religieuse, que le côté extérieur et pénible. Crucem videt, disait saint Bernard, unctionem non videt. Au contraire, l’onction intérieure du Saint-Esprit rend si aimables les douleurs et les travaux soutenus pour le Seigneur, que le Psalmiste, se déclarant embrasé, comme il le dit, par la parole divine, chante : Ignitum eloquium tuum vehementer, et servus tuus dilexit.

Dans la collecte d’action de grâces, nous demandons que la vertu médicinale de l’Eucharistie — beau concept, qui suppose l’infirmité et l’empoisonnement de notre nature, conséquence du fruit fatal de l’Éden — nous affranchisse des passions perverses, et nous fasse adhérer constamment à la volonté divine. Chacun veut selon la nature de son esprit. Pour que nous puissions avoir des goûts célestes et un idéal divin, il faut donc que l’Esprit de Dieu non seulement corrige par sa grâce notre esprit humain et charnel, mais s’y substitue pour ainsi dire, en nous faisant vivre de Lui. »

Commentaire de Dom Pius Parsch, dans le Guide dans l’année liturgique

« Nous sommes des invités dans la salle de festin de l’Église.

Ce dimanche nous présente une magnifique image de l’automne liturgique : Nous voyons une salle de festin brillamment éclairée, où sont assis de nombreux invités, revêtus d’habits d’une blancheur éclatante. Dans l’attente, tous portent leurs regards vers la porte qui doit s’ouvrir à tout instant pour laisser entrer le Roi venant rendre visite aux invités ; les invités, c’est nous, chrétiens ; la blanche robe nuptiale, c’est le vêtement baptismal de la filiation divine ; le roi qui arrive, c’est le Seigneur dont le retour est attendu. La grande préoccupation de notre vie doit être de posséder la blanche robe nuptiale ; c’est l’homme nouveau que nous devons revêtir dans la vraie justice et sainteté (Épître) ; c’est l’accomplissement de la volonté de Dieu (Oraison).

1. La Messe (Salus populi). — Dans cette messe souffle bien l’esprit de l’Église antique : dans les souffrances et les afflictions extérieures, sous les blancs vêtements de la pureté, elle attend avec impatience le retour du Seigneur. Cette fois-ci, l’Introït présente une scène toute différente : A l’entrée dans l’église, le Christ vient à notre rencontre et nous adresse une parole de consolation, mais aussi l’avertissement suivant : « Ne soyez pas tristes si vous avez encore actuellement beaucoup à souffrir ; je suis avec vous, je suis votre Dieu et bientôt votre suprême bonheur. » Puis il lève le doigt en signe d’avertissement : « n’ayez qu’un souci ; gardez mes commandements ! ».

L’Oraison est une prière de pèlerins : nous nous élançons d’un coup d’aile léger vers la céleste patrie ; et pourtant le démon et la mauvaise nature se pendent, comme des poids de plomb, à notre âme et à notre corps ; nous prions pour être délivrés des obstacles afin de « pouvoir accomplir d’un cœur libre la volonté de Dieu ».

L’Épître nous trace le devoir le plus important de notre vie : « revêtir l’homme nouveau dans la justice et la sainteté », c’est-à-dire « la robe nuptiale » dont il est question dans l’Évangile ; nous devons dépouiller le vêtement du péché, le vieil homme, avant le « coucher du soleil » (avant que se couche le soleil de la vie) ; nous devons pratiquer la charité, « car nous sommes membres » du corps du Christ.

Le nuage d’encens qui s’élève à l’Évangile et nos mains tendues vers le ciel symbolisent, au Graduel, l’ardent désir du ciel. Le chant de l’Alléluia est la glorification pascale du Divin Roi qui fait son entrée à l’Évangile.

Maintenant le Christ nous parle dans l’Évangile. L’allégorie de la robe nuptiale est avant tout un enseignement : Il ne suffit pas d’appartenir par la foi à l’Église (de prendre place dans la salle du festin), nous devons encore mener une vie conforme à la volonté de Dieu, revêtir par conséquent la robe nuptiale de la grâce. Les noces désignent l’œuvre du salut ; le Christ est l’Époux, l’Église est l’Épouse ; nous, chrétiens, nous sommes les invités. La visite du roi désigne le retour du Christ ; la robe nuptiale, la grâce sanctifiante. Il n’y a guère d’autre image qui puisse mieux que celle-ci caractériser notre vie chrétienne. Mais l’Évangile est aussi l’image de la messe du dimanche : la salle du festin brillamment éclairée, c’est la maison de Dieu dans laquelle l’assemblée des « invités aux noces » est maintenant réunie. La Sainte Eucharistie est le festin nuptial, à la fois image et gage du festin nuptial du ciel. Ici encore, le Roi apparaît et rend visite aux invités ; c’est la préfiguration de son futur retour. C’est ainsi que la parabole se réalise dans notre messe du dimanche. Toutes nos préoccupations doivent tendre à ne pas être des invités dépourvus de la robe nuptiale.

L’Offertoire est aujourd’hui un chant de route et l’image du triste pèlerinage de la vie : « si j’avance parmi les tribulations… » ; l’Église primitive pouvait adresser en toute vérité cette prière au milieu de ses persécutions ; mais c’était alors aussi que les offrandes étaient agréables ; c’est ici qu’elle puisait toute sa force. La Communion est, elle aussi, l’image de notre pèlerinage terrestre accompli selon les commandements de Dieu. La Postcommunion réunit brièvement les pensées de la messe en deux supplications : délivrance du péché, accomplissement des commandements. Une très belle messe ! Remarquons que de nombreux passages (Intr., Or., Comm., Postc.) insistent sur l’accomplissement des commandements. C’est pour nous une obligation. De la sorte seulement nous pourrons aller, avec la robe blanche du baptême, au-devant du Roi qui vient.

2. Notre parabole dans l’année liturgique : Nous comprendrons mieux la messe d’aujourd’hui si nous replaçons la parabole de la robe nuptiale dans la vie liturgique du chrétien et dans l’année liturgique. La parabole décrit un arc d’or sur toute l’année liturgique et réunit Noël, Pâques et le temps après la Pentecôte.

a) Dans la parabole, il est question d’une noce que le roi célèbre pour son fils. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est l’œuvre du salut que Jésus-Christ a accomplie sur terre. Pourquoi est-elle comparée à une noce ? C’est une antique comparaison, déjà chère à l’Ancien Testament, qui est employée tout particulièrement dans le Nouveau Testament par saint Jean-Baptiste (il se nomme le héraut de l’Époux), par saint Jean l’Évangéliste (dans sa mystérieuse Apocalypse : l’Épouse de l’Agneau) et par saint Paul (le mariage, un grand sacrement dans le Christ et l’Église). De plus, le Christ se nomme lui-même l’Époux de l’Église (Matth., IX, 15). Où est le nœud de la comparaison ? Le péché a séparé l’homme de Dieu, mais la rédemption devait l’unir de nouveau à Dieu. Cette union serait la plus intime que l’on puisse concevoir, non point celle de l’esclave et du maître, non point celle de l’ami avec l’ami, mais aussi intime que celle de l’épouse et de l’époux. Nous pouvons distinguer trois étapes de cette union du Christ avec l’humanité : la première est son incarnation et sa naissance ; l’humanité s’est alors unie à la divinité dans la personne du Verbe Divin ; la seconde suivit sa mort sur la croix ; par elle le Christ a objectivement racheté l’humanité et l’a ainsi unie à Dieu ; la rédemption s’applique subjectivement à chacun par le baptême et le pardon de ses fautes. Par la grâce de la filiation divine, le Verbe s’unit avec l’âme de l’enfant de Dieu. La troisième étape, c’est l’union définitive de l’Église et de l’âme avec l’Époux divin dans le ciel, celle que saint Jean a dépeinte de façon saisissante dans l’Apocalypse (c. 21, 2) : « Je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem…, vêtue comme une épouse qui est parée pour son époux. »

Nous pouvons donc comparer tout le cycle de Noël, qui a pour objet l’incarnation et la naissance du Christ, à la célébration d’un mariage. La liturgie nous aide à-établir cette comparaison. Pendant l’Avent, nous entendons l’ardent appel que l’Épouse adresse à son divin Époux ; l’Épouse se prépare à sa venue. A Noël, nous voyons l’Époux sortir de la chambre nuptiale (ps. 18). C’est à l’Épiphanie seulement que l’Église célèbre ses noces. Il suffit de penser à la fameuse antienne : « C’est aujourd’hui que l’Église est unie à son céleste Époux, car le Christ a lavé ses péchés dans le Jourdain ; les Mages accourent avec leurs présents aux noces royales et les convives se réjouissent du changement de l’eau en vin. » Nous avons là l’image la plus haute du mariage. A la fête qui termine le cycle de Noël, à la Chandeleur, nous chantons : « Orne ta chambre nuptiale, Sion, reçois le Christ, ton Roi… » Tout le cycle de Noël est donc une célébration des noces du Christ avec l’Église.

b) Lorsque les citoyens de la ville eurent dédaigneusement décliné l’invitation, le roi envoya chercher tous ceux qui se trouvaient aux carrefours, les mauvais comme les bons ; et la salle fut remplie. Nous savons que c’est là le symbole de la réprobation des Juifs et de la vocation des païens.

Après la conclusion du cycle de Noël, commence, dans l’Église, un temps empreint de gravité. Pendant l’avant-carême, ses messagers et ses gardes se tiennent aux carrefours des chemins et adressent l’invitation aux noces. C’est la signification des trois dimanches de l’avant-carême (les ouvriers de la vigne) ; l’Église appelle au catéchuménat et à la pénitence. Le carême commence, qui est exclusivement consacré au souci de la robe nuptiale. Pour une partie des invités, elle doit être tissée (enfants à baptiser) ; pour les autres, elle doit être lavée (pénitents). Que ce temps soit très important pour l’Église, on le voit à sa durée, à sa liturgie, à son caractère de gravité : c’est dans les larmes de la pénitence, dans le jeûne et l’aumône, dans la prière, que la robe doit être lavée et tissée. Alors arrivent deux jours importants dans la vie de l’Église : le jeudi saint et la veillée de Pâques. Le jeudi saint, nous quittons avec les pénitents les vêtements de pénitence et nous recevons de nouveau la robe nuptiale ; à la veillée de Pâques, les catéchumènes reçoivent la robe nuptiale immaculée et nous la recevons avec eux. Le prêtre dit : Reçois la robe blanche et porte-la sans tache au tribunal de Dieu. A Pâques, la salle du festin est remplie ; les invités sont tous assis là, revêtus de la blanche robe nuptiale.

c) Mais le roi arrive pour rendre visite aux invités. C’est une figure du retour du Seigneur, pour chacun à l’heure de la mort, pour tous au jugement dernier. Seul, alors, sera reçu celui qui sera trouvé revêtu de la robe nuptiale de la grâce baptismale ; quiconque en sera dépourvu entendra de la bouche de l’éternel Juge l’arrêt de condamnation. Le temps pascal jusqu’à la Pentecôte est l’heureux temps de la filiation divine ; la blanche robe nuptiale est alors dans tout son éclat et préservée de toute atteinte. A la Pentecôte, les baptisés sont déclarés majeurs et envoyés dans le monde extérieur. Puis commence la dernière partie de l’année liturgique, le temps après la Pentecôte ; celui-ci peut être brièvement caractérisé comme ceci : le temps où l’Église se préoccupe de sauvegarder la pureté de la robe nuptiale. Chaque dimanche, l’Église évoque le baptême et la fête de Pâques ; chaque dimanche, elle purifie, à l’Asperges, la robe nuptiale ; et, à la messe du dimanche, l’Eucharistie est le grand moyen de préservation et de purification de la robe nuptiale (mundet et muniat). Inlassablement l’Église avertit les chrétiens d’avoir à dépouiller le vieil homme et à se revêtir de l’homme nouveau dans la justice et la sainteté, et prie à cette intention. Mais, à partir du XVIIe dimanche après la Pentecôte, l’Église porte un regard de désir et d’attente sur le retour du Seigneur. Elle va, en habit de pèlerin, comme une étrangère, à travers le monde et veille à ce que la lampe soit garnie d’huile pour attendre le moment où le Seigneur viendra aux noces. Actuellement, le grand souci de notre mère l’Église est que ses enfants se présentent sans faute et sans châtiment à la venue du Seigneur.

Nous avons donc retrouvé l’année liturgique dans notre parabole. Mais nous pouvons voir aussi dans les trois phases principales l’essentiel de la vie du chrétien : les noces sont l’œuvre de la rédemption que nous voulons nous appliquer ; la robe blanche est la grâce de la filiation divine que nous voulons garder en observant les commandements, et notre fin est le retour du Seigneur qui se présente à nos yeux comme le but essentiel de notre vie, et que nous pouvons, par la miséricorde divine, anticiper à chaque messe. »

Source Introibo