« Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis l’affaire Dreyfus. Mais il reste des sujets qu’il est malséant d’aborder lors des repas de famille. La politique en fait partie. La République en marche sait pourtant que « les repas de famille donnent souvent lieu à des débats politiques… particulièrement pendant les fêtes ! » Et s’en réjouit car elle voit là l’occasion rêvée de faire sa propagande.
L’an dernier, quand Emmanuel Macron n’était encore que candidat à la succession de François Hollande, l’équipe de campagne d’En Marche ! avait envoyé à ses militants un courriel les invitant à se faire les ambassadeurs de leur favori. En leur indiquant quelques sujets à aborder pour « alimenter [les] conversations ». Fort de ce qui a manifestement été un succès, Christophe Castaner remet le couvert pour vanter la politique du désormais Président, si l’on en croit Le Dauphiné libéré.
La règle du jeu est simple. Dans la famille Trucmuche, la majorité a déjà pioché l’adhérent LREM. Celui-ci va devoir, le temps d’un réveillon, convaincre tous les membres de sa famille de rejoindre les Marcheurs. Mais si le principe est à la portée de tous les entendements, en pratique, l’exercice peut se révéler délicat. Car le parcours est semé d’embûches, les Trucmuche imaginés par M. Castaner comptant dans leurs rangs des grincheux de toutes obédiences : de l’« oncle sceptique sur la capacité du président à réformer le pays » au « cousin soucieux du sort des sans-abris (sic) », en passant par la mamie et la maman inquiètes de leur propre sort (l’augmentation de la CSG des retraités et autres taxes), sans oublier l’écolo qui, lui, tremble pour la planète en cette période de réchauffement climatique.
Que les 350.000 adhérents LREM se rassurent : grâce aux « éléments de conversation », nom festif donné aux habituels « éléments de langage », persuader tous ces bourrus devient un jeu d’enfant. Il suffit d’apprendre par cœur quelques phrases toutes simples (« Le président agit et vite. Il fait ce qu’il a dit pendant la campagne. »), « deux chiffres : 138.000 places d’hébergement ouvertes […] ; hausse de 18 % du budget de l’intégration », un flegmatique « Mamie, cela ne te concerne pas » et un tonitruant « #MakeOurPlanetGreatAgain ».
Les récalcitrants qui ne seront pas ralliés à la cause du Président après le foie gras courront sans nul doute payer leur cotisation avant la bûche. Sinon, il restera à jouer la dernière carte fournie par LREM, le valet d’atout : déclamer, en contemplant sa coupe de champagne façon Hamlet devant son crâne : « Souvenez-vous, au même moment l’année dernière, Emmanuel Macron n’était qu’une “bulle médiatique”, “qu’il n’aurait pas de majorité”, “qu’il ne ferait pas le poids face à Trump ou Poutine”. En un an, nous avons déjoué tous les pronostics et démontré que impossible n’est pas français. » Cette phrase impossible n’est effectivement pas française, mais chut ! il ne serait pas très charitable de leur gâcher la fête. »
Christine Célérier sur BdVoltaire