De Marie Delarue sur Bvoltaire :
« C’est une petite bonne femme sèche et nerveuse qu’on imagine autoritaire. C’est aussi un exemple de réussite à l’ancienne, de celles que la France offrait à ses immigrés venus du Maghreb à la fin des années 60.
Agnès Saal, nous dit sa fiche Wikipédia, est d’une famille juive séfarade venue de Tunisie après la guerre des Six Jours, en 1967. Elle avait alors dix ans. La petite fille jouera à fond la méritocratie puisqu’elle sort de l’ENA en 1983. Et la voilà sur les rails de la haute fonction publique, en route pour une belle carrière au sein des cabinets ministériels et des grands machins culturels.
La voilà patronne du CNC, le fameux Centre national de la cinématographie, qui octroie aux copains les avances sur recettes jamais remboursées ; elle travaille auprès des ministres de la Culture de Jospin, devient directrice générale de la BNF, puis directrice générale du Centre Pompidou. Elle fait carrière à gauche, là où se trouvent le cœur et la culture, comme chacun sait. En 2014, sa copine Aurélie Filippetti la nomme directrice de l’Institut national de l’audiovisuel (INA).
Mais patatras ! Un an plus tard, la voilà qui tombe méchamment d’un taxi. Ou plutôt, voilà 40.000 euros de notes de taxi qui lui tombent dessus.
C’est Le Figaro qui sort l’affaire, aimablement informé de l’envoi d’un courrier anonyme aux administrateurs de l’INA à la veille du conseil d’administration. On y découvre qu’en dix mois d’exercice, la dame a dépensé 40.915 euros de frais de taxi, soit 7.000 euros pour l’abonnement et 32.000 euros de déplacement. C’est que je n’ai pas le permis, dit-elle pour sa défense. Certes, mais elle a un chauffeur. Surtout, on va découvrir que, sur ce total, 6.700 euros concernent les déplacements de son fils.
La dame rembourse donc une partie des frais, soit 15.940 euros, mais le scandale persiste. Pourtant, croyez-le ou pas, la CGT Culture la soutient. Au nom des cadences infernales, sans doute…
La polémique enflant, Agnès Saal démissionne de l’INA le 28 avril 2015… et se trouve aussitôt recasée par sa copine Filippetti au ministère de la Culture, comme « chargée de mission sur les questions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ». Une planque, avec un titre aussi creux qu’il est ronflant.
Mais les « chiens galeux » sont à ses trousses et voilà la malheureuse qui, un mois plus tard, se retrouve de nouveau sous les feux : cette fois, c’est le parquet de Créteil qui révèle qu’Agnès Saal est suspectée d’avoir fait usage de taxis pour des motifs « non exclusivement professionnels » durant son mandat au Centre Pompidou. L’ardoise, cette fois, est colossale. L’Express avance le chiffre ahurissant de 400.000 euros en sept ans, ramené sans doute autour de 90.000 euros, « dont 38.000 euros pour la période allant de janvier 2013 à avril 2014 », écrit alors Le Figaro.
Devant le scandale qui enfle, François Hollande prend, en janvier 2016, une décision terrible : Agnès Saal est suspendue par décret de la fonction publique pour deux ans, dont six mois fermes (sic).
En avril suivant, elle comparaît devant le tribunal correctionnel selon la nouvelle procédure de « plaider-coupable ». Elle est alors condamnée à 150 jours-amende, soit 4.500 euros, et 3.000 euros de dommages-intérêts au profit d’Anticor, l’association de lutte contre la corruption. À cela s’ajoutent trois mois de prison avec sursis pour les mêmes faits en tant que directrice du centre Pompidou.
Et alors ? direz-vous. Alors, retour au bercail.
Agnès Saal vient en effet de retrouver un poste prestigieux. Selon un arrêté publié hier au Journal officiel, la voici devenue « haut fonctionnaire à l’égalité, la diversité et la prévention des discriminations auprès du secrétaire général du ministère de la Culture ».
Comme quoi, haut fonctionnaire un jour, haut fonctionnaire toujours ! »