Sans commentaire.
« Un nombre croissant de femmes paient pour se confronter à leurs privilèges – et leur racisme – lors de dîners à 2 500$
Des pâtes fraîchement préparées sèchent sur les rampes en bois qui bordent le hall d’une belle maison de Denver, dans le Colorado. Des photos de chasse au renard décorent les murs d’une pièce remplie de livres. Un feu est en train de brûler. Et en bas, un groupe de femmes blanches de gauche s’est réunie autour d’une longue table en bois pour admettre à que point elles sont racistes.
« Récemment, je me suis promenée en voiture, j’ai vu une personne noire et j’ai eu l’impression qu’elle n’avait pas de bonnes intentions », dit Alison Gubser. Immédiatement après, je me suis dit : « C’est pas bon ! C’est un humain, qui vit sa vie. Pourquoi est-ce que je pense comme ça ? »
C’est un « Race to Dinner ». Une femme blanche se porte volontaire pour accueillir un dîner chez elle pour sept autres femmes blanches – souvent des étrangères, peut-être des connaissances. (Chaque dîner coûte 2 500 $, qui peuvent être couverts par un hôte généreux ou répartis entre les invités). Une discussion franche est menée par les co-fondatrices Regina Jackson, qui est noire, et Saira Rao, qui s’identifie comme Indienne américaine. Elles ont lancé l’opération « Race to Dinner » pour inciter les femmes blanches de gauche à accepter leur racisme, aussi inconscient soit-il. « Si vous faisiez cela dans une salle de conférence, elles partiraient », dit Saira Rao. « Mais on a appris aux riches femmes blanches à ne jamais quitter la table du dîner. »
Rao et Jackson pensent que les femmes blanches progressistes sont le public le plus réceptif parce qu’elles sont ouvertes à un changement de comportement. Elles ne s’occupent pas des 53% de femmes blanches qui ont voté pour Trump. Les hommes blancs, pensent-elles, sont également une cause perdue. « Les hommes blancs ne changeront jamais en quoi que ce soit. S’ils avaient pu le faire, ils l’auraient déjà fait », dit Jackson.
Les femmes blanches, d’un autre côté, sont dans une position unique pour défier le racisme en raison de leur proximité avec le pouvoir et la richesse, dit Jackson. « Si elles n’occupent pas ces postes elles-mêmes, les hommes blancs au pouvoir sont souvent leur famille, leurs amis et leurs partenaires ».
Il semble improbable que quelqu’un puisse se rendre volontairement à un dîner où deux femmes de couleur lui demanderaient, une après l’autre, « Qu’avez-vous fait de raciste récemment ? », avant que les amuse-gueules ne soient servis. Mais Jackson et Rao n’ont guère pu faire de pause depuis qu’elles ont commencé ces dîners au printemps 2019. Jusqu’ici 15 dîners ont été organisés dans de grandes villes des États-Unis.
Les femmes qui s’inscrivent à ces dîners ne sont pas celles que la plupart des gens considèrent comme racistes. Elles sont bien informées et bien intentionnées. Elles sont pour la plupart démocrates. Certaines ont adopté des enfants noirs, beaucoup ont des partenaires de couleur, certaines font un travail d’intégration et de diversité depuis des décennies. Mais elles reconnaissent aussi avoir des préjugés non contrôlés. Elles sont là parce qu’elles « savent qu’elles font partie du problème et veulent faire partie de la solution », comme le rappelle l’hôte Jess Campbell-Swanson avant le début du dîner.
Campbell-Swanson apparaît comme une étudiante trop enthousiaste pour postuler à un stage prestigieux. Elle peut parler pendant des jours de son travail de consultante politique, mais lorsqu’il s’agit de parler de racisme, elle s’étrangle.
« Je veux engager des gens de couleur. Pas parce que je veux être… une white savior [héros/sauveteur blanc]. J’ai exploré mon besoin de validation… Je travaille là-dessus… Oui. Hum… Je me bats [contre ça] », bégaie-t-elle, avant de finalement abandonner.
En face de Campbell-Swanson, Morgan Richards admet qu’elle n’a rien fait récemment quand quelqu’un l’a félicitée avec condescendance d’avoir adopté ses deux enfants noirs, comme si elle les avait sauvés. « Avec ce que j’ai vécu pour être mère, je m’en fichais qu’ils soient noirs », dit-elle, ouvrant ainsi à Rao une fenêtre pour la confronter : « Alors, vous admettez que c’est rabaissant d’adopter un enfant noir ? » Et alors Morgan Richards admet que le sous-entendu de sa déclaration est raciste.
A mesure que de telles confessions sont révélées, Rao et Jackson semblent faire pression sur celles qui semblent pouvoir l’encaisser, tout en sympathisant avec celles qui ne le peuvent pas. « Bravo d’avoir reconnu cela », dit Jackson, pour apaiser une femme. « Nous faisons tous partie du problème. Nous devons accepter cette idée pour faire partie de la solution. »
La carbonara s’accumule sur les assiettes, et un sentiment d’autosatisfaction semble envahir les huit femmes blanches. Elles se sont présentées, ont admis leurs méfaits et sont prêtes à changer. Ne méritent-elles pas une petite tape dans le dos ?
[…] « Si Trump était destitué demain et que nous avions un nouveau président, beaucoup de Blancs de gauche reprendraient leur vie comme avant, et c’est ce que nous devons empêcher », dit-elle. « La seule chose qui s’est passée, c’est qu’on peut voir le racisme maintenant, alors qu’avant on pouvait le dissimuler. C’est pourquoi nous avons besoin de ces dîners. Ainsi, quand nous accueillons une nouvelle personne et que le racisme n’est pas si évident, nous ne nous contenterons pas de ce qui laisse à l’aise ».
Source The Guardian
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