Editorial de Jérôme Bourbon dans Rivarol :
« SOIXANTE ANS se sont écoulés depuis ce jour d’octobre 1962 qui vit la réunion dans la basilique Saint-Pierre de Rome, à l’appel de Jean XXIII, de 2 381 évêques venus du monde entier (hormis les prélats des pays communistes qui furent absents, à quelques significatives exceptions près, comme Wojtyla) pour la cérémonie d’ouverture du « Second Concile œcuménique », qui allait s’éterniser jusqu’au 8 décembre 1965. Si l’on devait répertorier les principaux événements du XXe siècle, Vatican II y figurerait à l’évidence tant il a occasionné dans les consciences, les mœurs et les institutions des bouleversements fondamentaux dont nous n’avons pas encore pris toute la mesure. Cette assemblée d’évêques qui, à la différence des vingt conciles œcuméniques de Nicée à Vatican I, n’a pas défini ni explicité des dogmes, n’a pas procédé par canons et anathèmes, a ouvert la voie à une nouvelle religion qui porte toujours officiellement le nom de catholique mais dont la substance et les finalités ne sont plus du tout les mêmes. Est-ce un hasard si les sectateurs de Vatican II ont parlé dès le début, tel le “cardinal” Benelli, d’« église conciliaire » ou, comme Paul VI, de « nouvelle Pentecôte » ? De même, le “cardinal” Suenens remarquait-il que « Vatican II, c’est 1789 dans l’Eglise », tandis que le Père Congar ajoutait éloquemment que par le concile « l’Eglise avait accompli pacifiquement sa révolution d’Octobre ». Expressions qui démontrent que Vatican II marque une rupture radicale avec près de 2000 ans de catholicisme et inaugure une nouvelle religion, celle de l’humanité.
LE CONCILE a introduit une nouvelle manière de se situer par rapport à Dieu. Prétendant que l’homme a changé, les Pères conciliaires en déduisent qu’il faut aussi modifier le rapport de l’homme à Dieu en passant du théocentrisme à l’anthropocentrisme. Inversion radicale des fins : la religion n’est plus au service de Dieu mais au service de l’humanité. « L’homme est la seule créature de Dieu créée pour elle-même », « L’homme est le centre et le sommet de toutes choses » ose clamer la constitution Gaudium et Spes. Et Paul VI, dans son ahurissant discours de clôture de Vatican II, ira jusqu’à dire : « La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion — car c’en est une — de l’homme qui se fait Dieu. […] Nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme ».
Si ce dernier est la fin et le sommet de tout, il faut évidemment repenser toute la théologie catholique. L’église conciliaire se définit comme un moyen, une institution (parmi beaucoup d’autres), un signe au service de l’homme. C’est la fameuse théorie de l’Eglise-sacrement. Jean-Paul II pourra ainsi dire que « l’Eglise a révélé l’homme à lui-même », ou encore que « l’homme est le chemin de l’Eglise ». Si tel est le cas, l’on comprend que la liturgie ait alors pour objectif de célébrer l’humanité, sujet du rite sacré et du sacerdoce. D’où les autels retournés vers l’assemblée des fidèles dont le prêtre n’est que l’animateur, la nouvelle messe n’étant pas hiérarchique mais démocratique. D’où le rejet du caractère propitiatoire du saint sacrifice de la messe. La « messe de Luther » (dixit Mgr Lefebvre), dont des études détaillées ont prouvé les origines non seulement protestantes mais talmudiques, se définit comme la « synaxe sacrée des fidèles », ainsi que l’affirme l’article 7 du Novus ordo missae de Paul VI. La célébration dite de l’eucharistie n’est plus le mémorial de la croix mais celui de la cène. C’est la doctrine de la messe-repas.
SELON CETTE NOUVELLE THÉOLOGIE, ce n’est plus l’Eglise catholique qui est le royaume de Dieu mais l’humanité tout entière. La mission de l’église conciliaire sera alors de préparer l’avènement de ce royaume temporel vers lequel convergent toutes les religions puisque le genre humain tend en effet à une unité croissante dont les signes sont « la socialisation de toutes choses, le partage des richesses, la revendication des droits de l’homme ». Le rôle de la nouvelle église se réduit à hâter ce processus d’unification. C’est ainsi que se justifient le dialogue inter-religieux, l’œcuménisme libéral, lesquels sont au service d’une paix en devenir. D’où des rassemblements syncrétistes comme Assise ou cathodiques comme les Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ) destinés, selon les desseins de l’ONU, à préparer l’avènement d’un mondialisme politico-religieux, c’est-à-dire d’un gouvernement mondial et d’une religion elle-même mondiale confinée dans le rôle d’animatrice spirituelle de la démocratie universelle. Dans ce schéma, la royauté sociale de Jésus-Christ apparaît évidemment obsolète. Aussi l’église conciliaire se rallie-t-elle d’enthousiasme à la laïcité de l’Etat et au besoin l’impose par la force comme en Espagne (1967) et en Colombie (1973) qui, à la demande expresse de Paul VI, abandonnent leurs constitutions catholiques.
Cette unité spirituelle du genre humain se décline en différents degrés de communion, en multiples cercles concentriques ; les consciences sont plus ou moins éclairées par la foi mais personne ne saurait être exclu, car « d’une certaine manière, le Christ s’est uni à tout homme » (Gaudium et Spes). Plus besoin alors d’être baptisé et de croire pour être sauvé. La question du salut et de la damnation a perdu toute urgence et même tout sens. Et en effet la pastorale conciliaire fait l’économie du péché originel et de la déchéance de la nature humaine. Le salut n’est jamais qu’une prise de conscience personnelle, l’homme affirmant son extraordinaire dignité.
C’est dire que Vatican II est en rupture totale non seulement avec la Tradition catholique mais plus généralement avec la religion catholique puisque ce conciliabule consiste à exalter la personne humaine et à assurer l’unité du genre humain.
QUEL EST le déroulement des événements qui a conduit à une telle révolution copernicienne ? En fait, tout débute, dix-neuf jours après la mort de Pie XII, avec l’“élection” à soixante-dix-sept ans, au onzième tour de scrutin, le 28 octobre 1958, il y a soixante-quatre ans, du patriarche de Venise Angelo Giuseppe Roncalli. Ce dernier qui, de façon très révélatrice, prend le nom d’un antipape du Moyen Age impliqué dans le grand schisme d’Occident, Jean XXIII, entend rompre spectaculairement avec les grandes orientations définies par Pie XII. Roncalli met en œuvre une stratégie qui aboutira à ce qu’il appellera “l’aggiornamento” c’est-à-dire à la révolution dans l’Eglise.
A peine élu, celui qui sera appelé par les media « le bon pape Jean » reçoit significativement les plus vifs encouragements des principaux ennemis de l’Eglise catholique. Yves Marsaudon dans son livre L’œcuménisme vu par un franc-maçon de tradition écrit ainsi : « Nous eûmes tout d’abord la très grande joie de recevoir dans les 48 heures un accusé de réception à nos respectueuses félicitations. Pour nous c’était une grande émotion, mais pour beaucoup de nos amis ce fut un signe ». De même, Jean XXIII reçoit les félicitations du grand rabbin d’Israël Isaac Herzog, de l’archevêque anglican Geoffroy Fischer, de Paul Robinson, président des Eglises fédérées et enfin du chef de l’Eglise orthodoxe russe, le patriarche Alexis.
Le 15 décembre 1958, moins de deux mois après son “élection”, Jean XXIII décide tout à coup d’augmenter sensiblement le nombre des cardinaux fixé invariablement depuis le pape Sixte V en 1586 à 70 — plafond confirmé par le Code de droit canon de 1917 —, pour rappeler les 70 anciens d’Israël qui assistaient Moïse dans le gouvernement du peuple hébreu sous l’Ancien Testament. Cette augmentation brusque et soudaine du nombre de cardinaux est destinée à faciliter, accélérer et rendre irréversible la prise de pouvoir par les usurpateurs modernistes. Quarante jours plus tard, le 25 janvier 1959, Roncalli, qui décidément ne perd pas de temps, annonce publiquement depuis la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs la convocation du « Second concile œcuménique du Vatican ». Pie XII avait lui aussi songé à réunir une telle assemblée, mais, devant les dangers de l’entreprise, il s’était rapidement ravisé : « J’entends autour de moi des novateurs, disait-il, qui veulent démanteler la Chapelle sacrée, détruire la flamme universelle de l’Eglise, rejeter ses ornements, lui donner le remords de son passé historique… Un jour viendra où le monde civilisé reniera son Dieu, où l’Eglise doutera comme Pierre a douté. Elle sera tentée de croire que l’homme est devenu Dieu, que son Fils n’est qu’un symbole, une philosophie comme tant d’autres, et dans les églises, les chrétiens chercheront en vain la lampe rouge où Dieu les attend, comme la pécheresse criant devant le tombeau vide : où l’ont-ils mis ? » (Mgr Roche : Pie XII devant l’Histoire).
Pie XII et Jean XXIII étaient tous les deux au courant de cette situation pré-révolutionnaire dans l’Eglise, mais alors que le premier ne voulait pas céder aux sirènes des nouveautés, le second au contraire brûlait de tout transformer. Appeler à la convocation d’un concile le 25 janvier 1959 n’était à cet égard pas un acte innocent, puisque cette date marquait la clôture de la semaine de prières pour l’unité des chrétiens. Le concile à venir ne serait donc pas œcuménique (c’est-à-dire universel, comme le furent les vingt conciles de Nicée à Vatican I), mais œcuméniste. Au reste, dès l’année suivante, le 5 juin 1960, Jean XXIII crée un Secrétariat pour l’unité des chrétiens dont il confie la direction au “cardinal” Bea, lequel est directement à l’origine du décret sur l’œcuménisme de Vatican II qui rompt radicalement avec le magistère antérieur.
Dans son discours d’ouverture, Jean XXIII tient un discours qui fit sensation et dans lequel il disait sa “foi” en l’avenir et dans le progrès. A soixante ans de distance, cet optimisme tapageur apparaît totalement déplacé. Qu’on en juge : « Dans la situation actuelle de la Société, certains ne voient que ruines et calomnies ; ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré, par rapport aux siècles passés… Il nous semble nécessaire de dire notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de sa fin… Il faut que l’Eglise se tourne vers les temps présents qui entraînent de nouvelles voies à l’apostolat catholique ».
DÈS LORS, le décor était en place, pour la plus grande révolution que l’Eglise ait subie depuis sa naissance. Parmi les 2 381 évêques présents, seuls quelque trois à quatre cents Pères conciliaires (dont Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer) tentèrent de résister aux assauts des modernistes en se regroupant au sein du Cœtus internationalis patrum, mais ce combat ne fut hélas pas couronné de succès, tant la minorité activiste était habile dans la manipulation des masses, experte dans les formules volontairement équivoques, d’autant, et c’est là l’essentiel, qu’elle pouvait s’appuyer sur un allié indispensable en la personne de Jean XXIII puis, à partir de 1963, de son successeur Paul VI.
Il faudrait des études détaillées — et ces dernières décennies n’en ont pas manqué — pour analyser, disséquer, commenter les quelque deux mille pages de documents signés par les Pères conciliaires et “promulgués” par Paul VI le 7 décembre 1965 et pour expliquer l’absence d’autorité et de légitimité de Vatican II et des hommes en blanc qui s’en réclament. On peut à bon droit considérer que Vatican II était en fait un conciliabule, et non un vrai concile, tant ces décrets ont rompu avec le magistère traditionnel. Il est clair que Vatican II a voulu faire passer l’Eglise du théocentrisme à l’anthropocentrisme. Rien à cet égard n’est plus parlant que le discours de clôture de Paul VI : « L’Eglise du concile s’est aussi beaucoup occupé de l’homme, de l’homme tel qu’en réalité il se présente à notre époque, l’homme vivant, l’homme tout entier occupé de soi, l’homme qui se fait non seulement le centre de tout ce qui l’intéresse, mais qui ose se prétendre le principe et la raison dernière de toute réalité. L’humanisme laïc et profane, enfin, est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion — car c’en est une — de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver, mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du concile. Une sympathie sans bornes l’a envahi tout entier. La découverte des besoins humains (et ils sont d’autant plus grands que le fils de la terre s’est fait plus grand) a absorbé l’attention du concile. Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme. Nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. »
ON NE SAURAIT mieux dire que les hiérarques de l’Eglise ont renoncé à être un signe de contradiction, en s’ouvrant totalement au monde c’est-à-dire à l’erreur, au mensonge et à l’apostasie, tournant le dos aux injonctions de l’Apôtre Saint Jacques le Mineur qui, dans son Epître, s’écrie fortement : « Adultères, ne savez-vous pas que l’amitié du monde, c’est l’inimitié contre Dieu ? Quiconque veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu. » Par là même, l’Eglise catholique s’éclipsait, était mise au tombeau, cédant la place à l’église conciliaire et à sa « révolution d’Octobre ».
De fait Vatican II a réussi à mettre en application la devise de la révolution : la “liberté” s’est introduite par la liberté religieuse ou liberté des religions qui met sur le même plan l’erreur et la vérité, promeut la laïcité de l’Etat et nie le règne social de Jésus-Christ ; l’“égalité” s’insinue par la collégialité et le vénéneux principe de l’égalitarisme démocratique (dans ce schéma l’évêque n’est plus le maître dans son diocèse avec les conférences épiscopales, le curé dans sa paroisse avec les conseils paroissiaux, etc.) ; enfin la “fraternité” s’accomplit sous la forme de l’œcuménisme libéral qui embrasse toutes les erreurs et les hérésies et tend la main à tous les ennemis de l’Eglise catholique, à commencer par les juifs considérés comme « nos frères aînés ». L’église conciliaire va même jusqu’à enseigner que l’Ancienne Alliance est toujours valable et qu’elle n’a pas été abrogée par la Nouvelle Alliance, ce qui est une façon de dire, si l’on est logique, que la venue du Christ sur terre, sa Passion, sa mort et sa Résurrection étaient finalement inutiles.
L’académicien Jean Guitton, confident et ami de Paul VI, aimait à répéter que Vatican II marquait la disparition (au moins apparente) de l’Eglise catholique et sa substitution par l’église œcuménique romaine. De fait, la nouvelle église conciliaire ne possède aucune des quatre notes qui permettent de reconnaître à coup sûr l’Eglise catholique : elle n’est ni une puisqu’elle est démocratique et pluraliste (à chaque prêtre son hérésie), ni sainte puisqu’elle a profondément altéré les sacrements en créant de nouveaux rites douteux voire invalides pour la plupart (sujet essentiel dont on ne se préoccupe pas assez), s’acharnant ainsi à obstruer les canaux de la grâce sanctifiante, ni catholique puisqu’elle est œcuméniste et qu’elle rompt radicalement avec le magistère antérieur, ni apostolique puisqu’elle n’a pas la foi des Apôtres.
DANS CETTE gigantesque entreprise de destruction rien n’est laissé intact : ni la liturgie désacralisée, ni le catéchisme traditionnel interdit et remplacé par une vague catéchèse droit-de-l’hommiste et œcuméniste, ni les constitutions religieuses, ni l’habit ecclésiastique, ni les Etats, syndicats, écoles et partis chrétiens tous appelés à faire leur mue.
A Eglise nouvelle correspondent sacerdoce nouveau, ecclésiologie nouvelle, messe nouvelle, catéchisme nouveau (1968 avec Pierres Vivantes et 1992 avec le “Catéchisme (dit) de l’Eglise catholique”), sacrements nouveaux, communautés nouvelles, nouveau chemin de Croix (1991) avec la création d’une quinzième station, nouveau Rosaire (2002) avec l’introduction de cinq mystères lumineux qui, dans une perspective de dialogue œcuménique, diminuent le rôle central de la Sainte Vierge Marie dans l’Evangile et dans l’économie du salut, nouveau code de droit canon (1983) qui inverse les fins du mariage, lève l’excommunication des francs-maçons, permet la participation active dans certains cas à des rites acatholiques, y compris la réception de l’eucharistie (ou de ce qui en tient lieu), nouveau rite de sacre épiscopal et d’ordination sacerdotale (18 juin 1968) qui crée un doute sérieux sur la validité des ministres ordonnés ou sacrés dans ce rite (ou ordonnés dans le rite traditionnel mais par un évêque lui-même sacré dans ce nouveau rite), nouvelle messe (3 avril 1969), nouveau baptême où l’on a supprimé tous les exorcismes (1969), nouveau mariage (1969), nouvelle confirmation (1971), nouvelle extrême-onction (1972), nouvelle confession (1973), nouveau bréviaire (1970), nouveau calendrier liturgique (1969), nouvelles huiles saintes (1970), nouveau rite des exorcismes (1999) qui ne semble pas beaucoup effrayer le diable de l’aveu même de nombreux exorcistes qui constatent son inefficacité, nouveau Notre Père (1966) — avec le tutoiement de la Première Personne de la Sainte Trinité et surtout l’affreux blasphème « Et ne nous soumets pas à la tentation » —, nouveau Credo (1970) — où l’on a remplacé l’expression « consubstantiel au Père » par la formule équivoque « de même nature que le Père » —.
Tout a été dit sur les origines talmudiques de la synaxe voulue par Paul VI, l’offertoire étant réduit à un simple rituel de bénédictions juives, la notion de sacrifice étant totalement évacuée (et quel est ce « Dieu de l’univers » dont il est question dans le nouvel offertoire ?), sur l’abandon du caractère propitiatoire du saint sacrifice de la messe, sur l’hétérodoxie du nouveau code de droit canon du 25 janvier 1983 dont des prélats traditionalistes ont pu dire à juste titre qu’il était encore pire que Vatican II qu’il met en forme et codifie. Il n’est pas jusqu’à la morale qui ne soit elle-même corrompue par l’inversion des fins du mariage, par l’abandon du principe traditionnel de l’autorité de l’homme sur la femme, par les discours ahurissants tenus par nombre de clercs sans que ceux-ci ne soient jamais sanctionnés. Dans cette affaire les choses n’ont cessé de s’aggraver au fil des décennies puisque, avec Amoris Laetitia (2016), on s’en prend à l’indissolubilité du mariage que seule défend dans sa plénitude la religion catholique (on ne le sait pas assez mais chez les schismatiques orientaux on peut se marier et divorcer trois fois !) en permettant aux divorcés remariés non repentis de s’approcher des sacrements (d’aucuns ont pu parler avec ironie de l’institutionnalisation d’un « divorce catholique ») et, bien pire encore, on introduit la possibilité des unions homosexuelles. Avec les chemins synodaux bergogliens, on explicite la pensée de François Zéro en ouvrant la voie à la bénédiction pure et simple des “couples” homosexuels dont les relations intimes sont considérées désormais comme moralement acceptables voire voulues par Dieu ! On est là à des années-lumière du Catéchisme de Saint Pie X qui enseigne que les péchés contre l’ordre de la nature crient vengeance devant Dieu, au même titre que l’homicide volontaire, l’oppression des pauvres et le refus de salaire aux ouvriers.
Imitant les anglicans dont la secte conciliaire n’est finalement qu’une variante, Bergoglio entend ouvrir aux femmes l’accès à des ministères sacrés (alors que le Christ a choisi douze Apôtres, tous de sexe masculin, pour leur conférer le sacerdoce et l’épiscopat) qui iront demain ou après-demain, n’en doutons pas, jusqu’à l’“ordination” et au “sacre” voire jusqu’au “cardinalat” et au-delà. Les modernistes fonctionnent toujours de la même manière : ils procèdent par étapes successives, selon la technique du voleur chinois, pour démanteler une vérité de foi, une règle morale ou la discipline traditionnelle de l’Eglise. C’est ainsi que François a nommé le 26 août 2021 une religieuse italienne, Alessandra Smerilli, secrétaire du dicastère du développement humain intégral (sic !) pour ouvrir graduellement la voie à un sacerdoce féminin, ce dont ne se cachent même plus dans leurs documents de travail les responsables des chemins synodaux.
On peut également noter que les “pontifes” conciliaires — qui s’en prennent sans cesse à l’être historique de l’Eglise, multipliant les repentances et les reptations devant les ennemis de la religion catholique, frappant non leur poitrine mais celle des 260 authentiques vicaires du Christ, de saint Pierre à Pie XII — se “béatifient” et se ”canonisent” cyniquement les uns les autres avec une stupéfiante rapidité. C’est ainsi qu’en moins de cinq ans nous avons eu droit sous Bergoglio à la “canonisation” de Jean XXIII et de Jean-Paul II le même jour (27 avril 2014), puis à celle de Paul VI (14 octobre 2018), et, tout récemment, le 4 septembre 2022, à la “béatification” de Jean-Paul 1er avant sa prochaine et inévitable “canonisation”. Au point où ils en sont, pourquoi ne pas “béatifier” et “canoniser” de leur vivant Ratzinger puis Bergoglio ? Ils seraient ainsi au complet. Eux qui aiment innover pourraient ainsi créer la surprise ! Là encore, les intrus modernistes avaient dès le départ procédé par ruse : Wojtyla avait ainsi “béatifié”, le même jour, le 3 septembre 2000, Pie IX et Jean XXIII, le pape du Syllabus et l’homme de Vatican II. On ne pouvait pas choisir profil plus opposé. Mais la “béatification” de Pie IX a permis habilement de faire passer la pilule de celle, concomitante, de Jean XXIII auprès de moult conservateurs et traditionalistes. Wojtyla, pas plus que ses successeurs, n’avait l’intention de “canoniser” Pie IX. La suite des événements l’a amplement démontré. En revanche, cette “béatification” de Roncalli était la première étape vers sa “canonisation” quatorze ans plus tard, et celle de ses successeurs conciliaires. En déclarant saints Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II, les occupants modernistes du siège de Pierre savent parfaitement ce qu’ils font : il s’agit de canoniser Vatican II et toutes les réformes désastreuses et révolutionnaires qui en sont issues. C’est aussi simple que cela. On est là en pleine inversion. Là aussi, là surtout, c’est Satan qui mène le bal !
Dans une volonté diabolique de destruction, les modernistes s’en sont même pris aux congrégations religieuses dont les constitutions ont toutes été profondément modifées, y compris celle des Chartreux qui n’avait pourtant jamais été remaniée depuis son fondateur saint Bruno. Et les églises elles-mêmes sont transformées : au maître-autel tourné vers Dieu se substitue une simple table orientée vers l’assemblée ; le prêtre (ou ce qui en tient lieu) étant réduit au rôle d’animateur et de président d’une cérémonie sécularisée. Les confessionnaux sont délaissés et font souvent l’office de placards à balais. Les bancs de communion où l’on communiait sur la langue et à genoux sont démontés et supprimés tandis que la communion se donne debout et dans la main. Le tabernacle qui était traditionnellement mis en évidence sur le maître-autel est transporté dans de modestes chapelles latérales voire enlevé. Quant à la lumière rouge qui indique la Présence réelle du Christ, elle est souvent absente […] »