Ci-dessous, l’éditorial du dernier numéro de l’Afrique réelle, revue sur internet de Bernard Lugan.
Contrairement aux apparences, l’année 2011 a bien commencé en Afrique puisque trois des grands principes mortifères qui lui sont imposés depuis des décennies par les nantis des pays du Nord viennent de voler en éclats :
1) La démocratie reposant sur le système du « One man, one vote » et qui, en Afrique, débouche sur l’ethnomathématique, s’est écrasée sur les réalités ethniques ivoiriennes, les résultats des deux tours des élections présidentielles ayant été une simple photographie de la démographie ethnique du pays (voir l’Afrique Réelle n°11 et n°12).
2) Le diktat démocratique s’est pulvérisé sur l’obstination d’un Laurent Gbagbo qui n’a rien à craindre d’un embargo, la Chine étant prête à lui acheter, outre son pétrole, toutes ses productions de cacao et de café, quitte à les remettre ensuite sur le marché en réalisant de gros bénéfices. Quant à la menace militaire, elle n’a pas fini de faire rire dans les maquis (bars). Comment une Cedeao divisée et qui ne dispose d’aucun moyen maritime, héliporté ou aéroporté, pourrait-elle en effet prendre le contrôle des ports d’Abidjan et de San Pedro avant d’y faire débarquer le seul contingent « opérationnel » dont elle dispose, celui du Nigeria anglophone, qui ferait l’unanimité contre lui ? Tout ceci fait que ce pauvre M. Ouattara, tellement porté par la « communauté internationale » qu’il en a perdu tout crédit, va bientôt apparaître comme un gêneur que tous vont abandonner, à commencer par ses « alliés » baoulé qui regrettent déjà d’avoir lié leur destin à un perdant. Jouant le tout pour le tout, certains de ses partisans vont peut-être s’en prendre aux Français pour tenter de provoquer une intervention de Paris.
3) L’intangibilité des frontières issues de la colonisation est désormais un principe obsolète depuis le référendum du Sud Soudan. Après l’indépendance de l’Erythrée en 1993, celle du Sud Soudan va automatiquement entraîner des revendications sécessionnistes multiples suivies de recompositions frontalières jusque là interdites. Comme elles se feront par les armes, nos hommes politiques devront alors faire preuve de courage afin de ne pas céder au chantage interventionniste nourri des jérémiades émotionnelles de ces ONG irresponsables qui, depuis des décennies, infantilisent l’Afrique en lui interdisant de redevenir elle-même.
La nécessaire sécession du Sud Soudan n’est cependant pas un remède miracle, et loin de là. Elle va en effet immanquablement déboucher sur de sanglants conflits tribaux entre Dinka, Nuer, Shillouk et autres Nuba. Sans parler du partage de la manne pétrolière de ce futur Etat rentier dont l’or noir va constituer près de 100% des revenus. Quant au Soudan, par un extraordinaire retour à la longue durée historique, le voilà de nouveau ramené à la seule Nubie[1]. Privé de l’essentiel des zones pétrolières qui sont situées au Sud et du cours amont des deux Nil, le pays n’existe plus ; il n’a d’ailleurs jamais existé. Il est donc peut-être temps de laisser se refermer la parenthèse de son indépendance et de repenser à son rattachement, sous une forme ou sous une autre, à l’Egypte comme cela était le cas avant la colonisation puis à l’époque du Soudan anglo-égyptien.
Si ces trois exemples étaient contagieux, l’ordre naturel africain pourrait peut-être enfin reprendre le cours d’une longue durée interrompue, d’abord par la colonisation, puis par le diktat démocratique. L’année 2011 va donc être un tournant pour le continent.
[1] Et à un fragile prolongement au Darfour.
Enfin un discours qui correspond à la réalité de l’Afrique et non à la pensée unique post-coloniale qui intoxique la France sur les jeunes nations de l’ex-Empire !