Bonne fête de l’Ascension ! (textes et commentaire de la messe)

Ce jeudi les chrétiens fêtent la montée aux Cieux du Christ, 40 jours après Pâques, devant ses disciples. Les âmes qu’il a délivrées des limbes lui font escorte (cf Alleluia), elles entrent avec lui dans le céleste royaume où elles participent glorieusement à sa divinité (cf Préface).
Pendant ces quarante jours qui avaient suivi sa Résurrection, Jésus posa les fondements de son Église, à laquelle il allait bientôt envoyer l’Esprit-Saint (ce sera la Pentecôte).

 

TEXTES AVEC COMMENTAIRE DE DOM GUÉRANGER
(dans l’Année liturgiquedisponible ici avec ses autres livres)

« Dans ces deux augustes basiliques [Saint-Pierre et Latran], comme dans les plus humbles églises de la chrétienté, le symbole liturgique de la fête est le Cierge pascal, que nous vîmes allumer dans la nuit de la résurrection, et qui était destiné à figurer, par sa lumière de quarante jours, la durée du séjour de notre divin Ressuscité au milieu de ceux qu’il a daigné appeler ses frères. Les regards des fidèles rassemblés s’arrêtent avec complaisance sur sa flamme scintillante, qui semble briller d’un éclat plus vif, à mesure qu’approche l’instant où elle va succomber. Bénissons notre mère la sainte Église à qui l’Esprit-Saint a inspiré l’art de nous instruire et de nous émouvoir à l’aide de tant d’ineffables symboles, et rendons gloire au Fils de Dieu qui a daigné nous dire : « Je suis la lumière du monde » (Johan. VIII, 12.).

Introït :
Hommes de Galilée, pourquoi vous étonnez-vous en regardant le ciel ? Alléluia. De la même manière que vous l’avez vu monter au ciel, il reviendra, alléluia, alléluia, alléluia. (Act. 1, 11)
Nations, frappez toutes des mains ; célébrez Dieu par des cris d’allégresse. (Ps. 46, 2)


L’Introït annonce avec éclat la grande solennité qui nous rassemble. Il est formé des paroles des Anges aux Apôtres sur le mont des Oliviers. Jésus est monté aux cieux ; Jésus en doit redescendre un jour.

Collecte :
Nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant, faites-nous cette grâce : nous qui croyons que votre Fils unique, notre Rédempteur, est aujourd’hui monté aux cieux ; que nous habitions aussi nous-mêmes en esprit dans les demeures célestes.

La sainte Église recueillant les vœux de ses enfants dans la Collecte, demande pour eux à Dieu la grâce de tenir leurs cœurs attachés au divin Rédempteur, que leurs désirs doivent désormais chercher jusqu’au ciel où il est monté le premier.

ÉPÎTRE.
Lecture du livre des Apôtres (Act. 1, 1-11) :
Dans mon premier livre, ô Théophile, j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le commencement, jusqu’au jour où, après avoir donné ses ordres, par l’Esprit-Saint, aux apôtres qu’il avait choisis, il fut enlevé au ciel. Il s’était aussi montré à eux vivant, après sa passion, par des preuves nombreuses, leur apparaissant pendant quarante jours, et leur parlant du royaume de Dieu. Comme il mangeait avec eux, il leur ordonna de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre la promesse du Père, que vous avez, dit-il, entendue de ma bouche ; car Jean a baptisé dans l’eau, mais vous, vous serez baptisés dans l’Esprit-Saint dans peu de jours. Ceux donc qui se trouvèrent réunis l’interrogèrent en disant : Seigneur, est-ce maintenant que vous rétablirez le royaume d’Israël ? Il leur répondit : Ce n’est point à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité ; mais vous recevrez la force du Saint-Esprit qui descendra sur vous ; et vous serez mes témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. Après qu’il eut dit ces paroles, sous leurs regards il fut élevé et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils contemplaient attentivement le ciel pendant qu’il ’en allait, voici que deux hommes se présentèrent en vêtements blancs, et dirent : Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder au ciel ? Ce Jésus, qui du milieu de vous a été élevé dans le ciel, viendra de la même manière que vous l’avez vu aller au ciel.

Nous venons d’assister, en suivant cet admirable récit, au départ de notre Emmanuel pour les cieux. Est-il rien de plus attendrissant que ce regard des disciples fixé sur leur Maître divin qui s’élève tout à coup en les bénissant ? Mais un nuage vient s’interposer entre Jésus et eux, et leurs yeux mouillés de larmes ont perdu la trace de son passage. Ils sont seuls désormais sur la montagne ; Jésus leur a enlevé sa présence visible. Dans ce monde désert, quel ne serait pas leur ennui, si sa grâce ne les soutenait, si l’Esprit divin n’était au moment de descendre sur eux et de créer en eux un nouvel être ? Ce n’est donc plus qu’au ciel qu’ils le reverront, celui qui, étant Dieu, daigna durant trois années être leur Maître, et qui, à la dernière Cène, voulut bien les appeler ses amis !

Mais le deuil n’est pas pour eux seulement. Cette terre qui recevait en frémissant de bonheur la trace des pas du Fils de Dieu, ne sera plus foulée par ses pieds sacrés. Elle a perdu cette gloire qu’elle attendit quatre mille ans, la gloire de servir d’habitation à son divin auteur. Les nations sont dans l’attente d’un Libérateur ; mais, hors de la Judée et de la Galilée, les hommes ignorent que ce Libérateur est venu et qu’il est remonté aux cieux. L’œuvre de Jésus cependant n’en demeurera pas là. Le genre humain connaîtra sa venue ; et, quant à son Ascension au ciel en ce jour, écoutez la voix de la sainte Église qui dans les cinq parties du monde retentit et proclame le triomphe de l’Emmanuel. Dix-huit siècles se sont écoulés depuis son départ, et nos adieux pleins de respect et d’amour s’unissent encore à ceux que lui adressèrent ses disciples, pendant qu’il s’élevait au ciel. Nous aussi nous pleurons son absence ; mais nous sommes heureux aussi de le voir glorifié, couronné, assis à la droite de son Père. Vous êtes entré dans votre repos, Seigneur ; nous vous adorons sur votre trône, nous qui sommes vos rachetés, votre conquête. Bénissez-nous, attirez-nous à vous, et daignez faire que votre dernier avènement soit notre espoir et non notre crainte.

Allelúia, allelúia. V/. Dieu est monté au milieu des cris de joie, et le Seigneur au son de la trompette. (Ps. 46, 6)
Allelúia. V/. Le Seigneur dans son sanctuaire comme au Sinaï, montant sur la hauteur, a emmené des captifs. Alléluia. (Ps. 67, 18-19)

Les deux Versets de l’Alléluia répètent les accents de David célébrant d’avance le Christ qui monte dans sa gloire, les acclamations des Anges, les sons éclatants des trompettes célestes, le superbe trophée que le vainqueur entraîne après lui dans ces heureux captifs qu’il a délivrés de la prison des limbes.

ÉVANGILE.
Suite du Saint Évangile selon saint Marc (16, 14-20) :
En ce temps-là, Jésus se montra aux Onze eux-mêmes, tandis qu’ils étaient à table ; et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui avaient vu qu’il était ressuscité. Et il leur dit : Allez dans le monde entier, et prêchez l’évangile à toute créature. Celui qui croira et qui sera baptisé, sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné. Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons, ils parleront des langues nouvelles, ils prendront les serpents, et s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains sur les malades, et ils seront guéris. Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut élevé dans le ciel, et il est assis à la droite de Dieu. Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant leur parole par les miracles dont elle était accompagnée.

Le diacre ayant achevé l’Évangile, un acolyte monte à l’ambon, et éteint silencieusement le Cierge mystérieux qui nous rappelait la présence de Jésus ressuscité. Ce rite expressif annonce le commencement du veuvage de la sainte Église, et avertit nos âmes que pour contempler désormais notre Sauveur, il nous faut aspirer au ciel où il réside. Que rapide a été son passage ici-bas ! Que de générations se sont succédé, que de générations se succéderont encore jusqu’à ce qu’il se montre de nouveau !

Loin de lui, la sainte Église ressent les langueurs de l’exil ; elle persévère néanmoins à habiter cette vallée de larmes ; car c’est là qu’elle doit élever les enfants dont le divin Époux l’a rendue mère par son Esprit ; mais la vue de son Jésus lui manque, et si nous sommes chrétiens, elle doit nous manquer aussi à nous-mêmes. Oh ! Quand viendra le jour où de nouveau revêtus de notre chair, a nous nous élancerons dans les airs à la rencontre du Seigneur, pour demeurer avec lui à jamais ! » [1]I Thess. IV, 16. C’est alors, et seulement alors, que nous aurons atteint la fin pour laquelle nous fûmes créés.

Tous les mystères du Verbe incarné que nous avons vu se dérouler jusqu’ici devaient aboutir à son Ascension ; toutes les grâces que nous recevons jour par jour doivent se terminer à la nôtre. « Ce monde n’est qu’une figure qui passe » [2]I Cor. VII, 31. ; et nous sommes en marche pour aller rejoindre notre divin Chef. En lui est notre vie, notre félicité ; c’est en vain que nous voudrions les chercher ailleurs. Tout ce qui nous rapproche de Jésus nous est bon ; tout ce qui nous en éloigne est mauvais et funeste. Le mystère de l’Ascension est le dernier éclair que Dieu fait luire à nos regards pour nous montrer la voie. Si notre cœur aspire à retrouver Jésus, c’est qu’il vit de la vraie vie ; s’il est concentré dans les choses créées, en sorte qu’il ne ressente plus l’attraction du céleste aimant qui est Jésus, c’est qu’il serait mort.

Levons donc les yeux comme les disciples, et suivons en désir celui qui monte aujourd’hui et qui va nous préparer une place. En haut les cœurs ! Sursum corda ! C’est le cri d’adieu que nous envoient nos frères qui montent à la suite du divin Triomphateur ; c’est le cri des saints Anges accourus au-devant de l’Emmanuel, et qui nous invitent à venir renforcer leurs rangs.

Sois donc béni, ô Cierge de la Pâque, colonne lumineuse, qui nous as réjouis quarante jours par ta flamme joyeuse et brillante. Tu nous parlais de Jésus, notre flambeau dans la nuit de ce monde ; maintenant ta lumière éteinte nous avertit qu’ici-bas on ne voit plus Jésus, et que pour le voir désormais, il faut s’élever au ciel. Symbole chéri que la main maternelle de la sainte Église avait créé pour parler à nos cœurs en attirant nos regards, nous te faisons nos adieux ; mais nous conservons le souvenir des saintes émotions que ta vue nous fit ressentir dans tout le cours de cet heureux Temps pascal que tu fus chargé de nous annoncer, et qui à peine te survivra de quelques jours.

Offertoire :
Dieu est monté au milieu des cris de joie, et le Seigneur au son de la trompette, alléluia.

Pour Antienne de l’Offertoire, l’Église emploie les mêmes paroles de David qu’elle a fait retentir avant la lecture de l’Évangile. Elle n’a qu’une pensée : le triomphe de son Époux, la joie du ciel qu’elle veut voir partagée par les habitants de la terre.

Secrète
Agréez, Seigneur, les offrandes que nous vous présentons en l’honneur de la glorieuse ascension de votre Fils et concédez-nous avec bonté d’être délivrés des périls de la vie présente, puis de parvenir à la vie éternelle.

Entrer à la suite de Jésus dans la vie éternelle, éviter les obstacles qui peuvent se rencontrer dans la voie, tels doivent être nos désirs en ce jour, telle est aussi la demande que la sainte Église adresse pour nous à Dieu dans l’oraison Secrète.

Communicantés :
Unis dans une même communion et célébrant le jour très saint où votre Fils unique Notre Seigneur a placé à la droite de votre gloire notre fragile nature unie en lui à sa Divinité, et vénérant la mémoire en premier de la glorieuse Vierge Marie, Mère du même Jésus notre Dieu et notre Seigneur (…)

Communion (Ps. 67, 33-34) :
Célébrez le Seigneur qui s’élève au plus haut des cieux vers l’Orient, alléluia.

Un nouveau verset de David fournit l’Antienne de la Communion. Le roi-prophète y annonce, mille ans à l’avance, que c’est à l’Orient que l’Emmanuel s’élèvera aux cieux. C’est en effet de la montagne des Oliviers située au Levant de Jérusalem que nous avons vu aujourd’hui Jésus partir pour le royaume de son Père.

Post-communion :
Nous vous en supplions, Dieu tout-puissant et miséricordieux, accordez-nous que ce que nous avons reçu en nourriture durant ces mystères visiblement célébrés, nous en obtenions l’effet invisible.

Le peuple fidèle vient de sceller son alliance avec son divin Chef en participant à l’auguste Sacrement ; l’Église demande à Dieu que ce mystère, qui contient Jésus désormais invisible, opère en nous ce qu’il exprime à l’extérieur.

Extrait d’un sermon du pape Saint Léon :

« Aujourd’hui, bien-aimés, s’achèvent les jours de la sainte quarantaine qui ont suivi la Bienheureuse et Glorieuse Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ quand il releva le troisième jour par la puissance divine, le vrai temple de Dieu que l’impiété judaïque avait détruit.
Cette période, établie par une économie très sacrée, a servi utilement à notre instruction, car, en prolongeant durant tout ce temps sa présence corporelle, le Seigneur donnait ainsi les preuves nécessaires à la foi en Sa Résurrection.

La mort du Christ, en effet, avait profondément troublé le cœur des disciples. Leurs esprits étaient appesantis de tristesse par le supplice de la croix, le dernier soupir, et la mise au tombeau du corps inanimé. Une sorte de torpeur née du manque de foi s’était insinuée en eux. Aussi les très saints Apôtres et tous les disciples que la mort sur la croix avait rendu tremblants et qui avaient hésité à croire à la Résurrection, furent à ce point fortifiés par l’évidence de la vérité qu’ils ne furent affectés d’aucune tristesse, lorsque le Seigneur partit pour les hauteurs des cieux, mais qu’ils furent même remplis d’une grande joie. Grande et ineffable était en vérité la cause de leur joie ! En présence d’une sainte multitude, la nature humaine accédait à une dignité plus haute que celle des créatures célestes. Elle allait dépasser les chœurs angéliques et s’élever au-delà de la sublimité des archanges, elle ne trouverait à aucun niveau, si haut fût-il, la mesure de son exaltation jusqu’à ce que, admise à siéger près du Père éternel, elle soit associée sur le trône à la gloire de Celui qui l’avait unie dans son Fils à sa propre nature. L’Ascension du Christ est donc notre propre élévation et là où a précédé la gloire de la tête, là aussi est appelée l’espérance du corps. Laissons éclater notre joie comme il convient, bien-aimés, et réjouissons-nous dans une sainte action de grâces. Aujourd’hui, en effet, non seulement nous sommes confirmés dans la possession du paradis, mais, en la personne du Christ, nous avons même pénétré les hauteurs des cieux; par la grâce ineffable du Christ, nous avons obtenu plus que nous n’avions perdu par la haine du diable. Car les hommes qu’un ennemi venimeux a exclu du bonheur de leur premier séjour, le Fils de Dieu se les est incorporés pour les placer ensuite à la droite du Père avec lequel il vit et règne, dans l’unité du Saint-Esprit, car il est Dieu pour les siècles des siècles. Amen ».

Notes   [ + ]

1. I Thess. IV, 16.
2. I Cor. VII, 31.