Chercheur au MIT, Sherry Turkle détaille comment les smartphones et les réseaux sociaux altèrent notre rapport au monde.
Pas de téléphone à table, en voiture ou dans la chambre. Sherry Turkle, chercheuse au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et auteur de «Seuls ensemble. De plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines» (Editions L’Échappée), impose à ses enfants et à elle-même de limiter l’usage des nouvelles technologies à certains espaces. À l’occasion du Safer Internet Day, une journée de sensibilisation en faveur d’un Internet plus sûr et responsable, elle revient sur les enjeux de notre rapport aux smartphones et aux réseaux sociaux.
Le FIGARO. – Dans une lettre ouverte à Mark Zuckerberg, plus d’une centaine de docteurs et éducateurs ont récemment fait le lien entre un usage intensif des réseaux sociaux et de mauvaises habitudes de sommeil, voire de plus importants risques de dépression. Dans quelle mesure ce lien est-il pertinent?
Sherry Turkle: Plusieurs travaux de recherche ont déjà confirmé l’existence de tels liens. J’ai pu observer dans le cadre de mes propres recherches que les enfants allaient bien souvent se coucher avec leur téléphone. Ils disent à leurs parents qu’ils s’en servent en tant que réveil mais l’utilisent plutôt pour envoyer des SMS ou aller sur les réseaux sociaux dans la nuit. Plusieurs professeurs avec lesquels je suis entrée en contact voient des enfants de sept-huit ans arriver en classe épuisés.
Les travaux de recherche sur la dépression se penchent plutôt sur le cas des adolescents, et plus encore des adolescentes. Elles semblent plus affectées par le «FOMO» («fear of missing out»), cette peur de rater quelque chose, et mettent à profit les réseaux sociaux pour suivre ce que font leurs proches et se comparer. En oubliant bien souvent que les images ou vidéos proposées sont le fruit d’une sélection et ne reflètent pas parfaitement la réalité.
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