Le gouvernement islandais, à l’initiative du ministre de l’Intérieur, Ogmundur Jonasson, travaille actuellement à la réalisation d’un objectif louable, mais semé d’embûches : il projette en effet d’éradiquer la pornographie dans le pays, sur internet comme ailleurs. Première motivation : l’enfant, qu’il faut préserver à tout prix, et qu’il ne faut donc pas exposer à l’image.
Le projet a ses détracteurs : la censure du web, selon eux, encouragera d’une part les régimes totalitaires, d’autre part affectera la réputation de l’Islande, en pointe dans la liberté d’expression. Il reste, et c’est ce qu’indiquent les défenseurs du projet, que l’objectif de l’initiative en cours, en dehors de toute considération idéologique, est de protéger l’enfant. C’est ainsi qu’une conseillère politique du ministre Jonasson a expliqué qu’un enfant de 12 ans qui chercherait le mot «pornographie» sur Google n’obtiendrait pas l’image d’une femme nue étendue dans un champ à la campagne.
A vrai dire, la loi existe déjà, mais son imprécision interdit qu’elle soit mise en œuvre : la pornographie est ainsi interdite en Islande depuis des décennies, mais aucune définition du terme n’étant explicitée, la loi n’est jamais appliquée. Il s’agirait donc, explique le gouvernement, de donner à la loi les outils nécessaires pour être enfin appliquée : aucune restriction supplémentaire n’étant effectivement envisagée. Ainsi, d’après les critères que les experts veulent donner à la pornographie, tout matériel au contenu violent ou humiliant serait dorénavant visé par la loi.
C’est une mesure de bon sens, lequel semble avoir définitivement quitté les opposants au projet. Car la liberté d’expression, comme toute liberté en générale, à partir du moment où elle a une dimension sociale, et qu’elle peut avoir une incidence sur le bien public, doit être réglée par la loi. L’exercice de la liberté est en effet relatif à l’intérêt supérieur de la société, chaque fois qu’une activité, sortant de la sphère privée, engage le bien commun. C’est évidemment le cas des librairie et des kiosques, comme d’internet. Que l’on puisse invoquer la liberté d’expression, tel un dogme intangible, sans autres formes d’argumentation, pour s’opposer à un projet qui vise la protection morale de l’enfant, cela en dit beaucoup sur l’absence totale de responsabilité et de discernement d’une partie de la classe médiatico-politique, dont le sens commun semble totalement étouffé par l’idéologie…