Voici la chronique touchante d’un blogueur de Rue89 sur la vie d’une exploitation agricole. C’est affligeant de voir à quel point les paysans sont dépendants des diverses subventions. L’agriculture contemporaine française est incapable de s’auto-suffire.
Ce n’est pas un souvenir gai.
Le voisin est déjà dans la caravane de mon ami quand on y rentre. Une vieille caravane percluse de bord de champ. Il est tôt. C’est juillet. Il fait chaud. On ne s’attendait pas à le voir là. Mais on sait pourquoi il y est. On a deviné la nouvelle.
Il se planque. Silencieux.
Pas un mot. Puis : « C’est fini »Personne ne dit rien. Ses yeux marnent dans l’ombre de sa casquette rase. Sa tête est basse. Son souffle est court. Il se retient.
Mon ami prépare trois cafés. Solubles. On se serre autour de la table unique. Trois tasses fument. Trois bouches se taisent. Trois regards évitent de se croiser. Par la fenêtre : la brume se dissipe. C’est les foins. On entend la batteuse avaler le retard de cette année de pluie. Les vaches pleurent leurs veaux. L’automne est loin devant.
Ça dure un temps. Pas un mot. Pas même une banalité. Rien.
Puis un soupir.
Puis : « C’est fini… » A mi-voix. Cavalcade.
Et puis rien d’autre. Juste une bruyante gorgée de café refroidi. Et mon ami qui secoue la tête en faisant mine de regarder par la fenêtre. « Et ben… »
Parfois, j’aimerais qu’ils explosent, les paysans. Qu’ils se mettent à crier. A pleurer. A se rouler par terre. A lancer des imprécations. Des cris de rage.