Article intéressant du Figaro sur les ravage de la fiscalité des succession en France. La terre passe des mains de petits propriétaires à celles des grands groupes.
C’est entendu: il faut que tout change pour que rien ne change. Mais entre la fiscalité des successions défendue par l’État, et les vignerons de la Champagne qui se battent pour léguer leur terre à leurs enfants, qui gagnera le droit de ne pas changer? À plus d’un million d’euros l’hectare, le prix du vignoble continue de flamber, et lors des héritages, le fisc oblige les propriétaires à toutes les contorsions, voire à abandonner leurs vignes.
En effet, le fisc prend la part belle lors des successions, taxant les terres champenoises comme rentes et actifs classiques, et non comme biens professionnels. Exploitante à Trois-Puits (Marne), Marie-France Baillette connaît ce genre de tracasserie: à 64 ans, elle envisage de prendre sa retraite et de céder ses 63 derniers ares à ces deux filles, mais se dit «terrifiée par les prix» de la succession. «Je trouve ça triste que demain il n’y ait plus de petits vignerons parce que l’État nous aura trop taxés», déplore-t-elle.
La plupart du temps, deux choix s’offrent aux familles. Dans le premier cas, on divise la terre, pour en donner une partie à chaque enfant, car aucun d’entre eux ne peut racheter la part d’héritage de ses frères et sœurs. Dans le second cas, et parfois après de nombreuses générations à son service, la terre est vendue, la mort dans l’âme, à une entreprise: exploitation voisine, groupe viticole… Le Syndicat général des vignerons de la Champagne (SGV) a ainsi relevé qu’entre 2006 et 2016, les exploitations de moins d’un hectare sont passées de 8300 à 9000 et celles de plus de 5 hectares ont augmenté également, de 1600 à 1800. Et ce sont des exploitations moyennes – familiales – qui ont disparu, morcelées ou vendues: les propriétés entre 1 et 5 hectares ont chuté, passant de 5200 à 4900.
« Ça a un effet structurel sur la Champagne, car une exploitation qui se divise, ce sont des gens qui sont moins vendeurs de bouteilles, donc plus dépendants des maisons de champagne…», s’inquiète Maxime Toubart, du SGV. Le syndicat tente de faire entendre sa voix dans le cadre de réforme de la fiscalité agricole incorporée dans la loi de finances 2019.