Michel Alibert, vient de nous quitter à l’âge de 85 ans. Il illustra bien l’honneur et le panache français, au moment de la trahison gaulliste en Algérie, qui allait entraîner le massacre de milliers d’Européens et de centaines de milliers de musulmans pro-français.
« Après avoir participé aux combats dans les djebels contre le FLN, il s’était engagé, tout d’abord en 1961 en faveur du putsch des généraux, puis dans les derniers combats pour maintenir le territoire algérien à la France, l’OAS. Il fut l’adjoint de « Conan », Pierre Chateau-Jobert, célèbre chef de l’OAS (et auteur de livres politiques importants).
« Saint-Cyrien de la promotion 1954-1956, j’ai servi une première fois en Algérie en décembre 1956. J’étais alors sous-lieutenant au 4e régiment cuirassier, à Tebessa. A la mi-1958, j’ai été rappelé en métropole pour terminer mon école d’application à Saumur. Après ce stage de six mois, j’intégrais le 13e dragon parachutiste et repartais, fin 1958, dans le djebel comme lieutenant.
Mais comme nous manquions de capitaines, je me suis retrouvé à commander un escadron d’une trentaine d’hommes. Je vivais avec eux. Je combattais au milieu d’eux. A mes yeux, l’armée était une grande famille.
Dans les semaines qui ont suivie le putsch d’avril 1961, tous les officiers présents lors du coup de force ont été mis aux arrêts. Simple peine de principe, car les ordres de Paris étaient de retourner en opérations. Le doute commençait à saisir nos hommes sur les intentions finales du gouvernement concernant l’Algérie. Mais grâce à l’esprit de corps qui régnait dans les escadrons, ce retour au terrain se fit sans encombre. Un peu plus tard, au cours de l’été 1961, fut décidé une trêve unilatérale, en même temps, l’armée reçut l’ordre de désarmer progressivement les troupes supplétives…
M’engager envers ces malheureux de toutes confessions que la France allait abandonner, en dépit de ses promesses, voila qui m’est apparu comme un devoir absolu. Et c’est un peu sous le coup de l’indignation que j’ai quitté clandestinement mon unité pour organiser l’autodéfense d’une population qui voyait en nous son ultime salut. Je suis parti seul, et sans arme, car je ne me sentais pas le droit d’entrainer mes frères d’armes dans cette folle aventure. Et quand plus tard, des hommes de mon escadron, m’ont fait savoir par les Constantinois qu’ils étaient prêts à me rejoindre, je n’ai pas donné suite à leur demande. J’ai mesuré plus tard à quel point j’avais bien fait. Car il m’est apparu bien vite que la tache était impossible. Trouver des armes, de l’argent, organiser des groupes d’actions psychologiques et de combat, rendre confiance à des civils en proie au désespoir…tout en continuant la lutte contre le FLN. Et pour cela nous n’étions qu’une poignée de soldats que les forces de police et de gendarmerie traquaient avec application depuis que le FLN n’était plus leur ennemi !
Mon propos n’est pas de raconter ces épreuves. Ni comment serré de près à maintes reprises, j’ai pu en réchapper, à l’heure où les prisons françaises étaient bourrées jusqu’à la gueule. Dans les dernières semaines avant l’indépendance, l’Algérie s’est vidée de sa population européenne en catastrophe. On a vu des familles dormir sur les plages provençales. Passons!
Et c’est seulement quelques jours plus tard que j’ai regagné clandestinement la mère patrie, avec une poignée de lieutenants. Tous à fond de cale dans un cargo qui en temps habituels, transportait des moutons. Notre patron, le célèbre colonel Château-Jobert avait trouvé refuge en Espagne. Nous n’allions plus le revoir pour longtemps.
Pendant ma clandestinité, la marraine du régiment, Alix princesse Napoléon, s’inquiétait pour nous. Le couple princier me conviait à lui rendre visite. Je m’y suis rendu avec mes jeunes compagnons en cavale avec moi. Quand, des années plus tard, l’amnistie de 1968 ayant définitivement effacé les délits liés à l’Algérie Française, les titres de guerre que j’avais récoltés, jadis à la tête de mon escadron, m’ont valu la légion d’honneur. Et c’est notre chère marraine qui me l’a épinglée sur la poitrine.
Dernière coquetterie de ma part, je confesse avoir été sensible au double honneur qui m’était fait, j’ai murmuré à son oreille délicate « Des soldats plus décorés que moi, Madame on en trouve. Mais des mieux décorés, ça n’existe pas ! ».