Gros scandale : le régime français fournit des armes à l’Arabie saoudite dans la sale guerre qu’elle fait aux chiites du Yémen. De plus, le lamentable ministre des armées Florence Parly a menti plusieurs fois frontalement à ce sujet dans les médias ces derniers mois.
Quand on parle d’armes, ce ne sont pas des fusils, mais des chars Leclerc, des avions Mirage 2000, des canons Caesar, etc.
Lu chez France Culture (le gras est de nous) :
« « Je n’ai pas connaissance du fait que des armes [françaises] soient utilisées directement au Yémen« , affirmait la [sic] ministre des Armées, Florence Parly le 20 janvier 2019, sur France Inter (à partir de la cinquantième minute).
Et pourtant : elles sont présentes sur terre, sur mer et dans les airs, si l’on en croit un rapport de 15 pages classé « confidentiel Défense » de la Direction du renseignement militaire (DRM), daté du 25 septembre 2018, révélé par [l’ONG] Disclose, en partenariat avec la cellule investigation de Radio France. Ce document précise que des armes françaises vendues à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, sont bien utilisées dans la guerre que mènent les deux pays au Yémen, contre les rebelles houthis, une minorité chiite soutenue par l’Iran.
Chars Leclerc, obus flèche, Mirage 2000-9, radar Cobra, blindés Aravis, hélicoptères Cougar et Dauphin, frégates de classe Makkah, corvette lance-missiles de classe Baynunah ou canons Caesar :
dans cette note, le renseignement militaire français établit une liste détaillée de l’armement fourni aux Saoudiens et aux Émiriens qui serait impliqué dans le conflit.
« À ma connaissance, les armes qui ont été vendues récemment ne sont pas utilisées contre les populations civiles« , disait également la ministre le 30 octobre 2018 sur BFM TV. La DRM établit cependant une carte des zones à risques dans lesquels les civils yéménites sont susceptibles d’être touchés par les canons français. Or, 28 millions de Yéménites vivent toujours sous les bombardements. Depuis le début du conflit, plus de 8 300 civils ont été tués (dont 1 283 enfants), selon les chiffres publiés en mars 2019 par Yemen data project, une ONG qui collecte et recoupe les informations sur les frappes de la coalition.
Ce document confidentiel intitulé « Yémen – Situation sécuritaire » a été transmis au chef de l’État, Emmanuel Macron, à Matignon, mais aussi à la ministre des Armées, Florence Parly, et au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors du conseil de défense restreint consacré à la guerre au Yémen, qui s’est tenu le 3 octobre 2018, à l’Élysée.
Il vient contredire la version des autorités françaises d’une situation « sous contrôle » et d’une utilisation uniquement « défensive » de l’armement français au Yémen.
Des civils à portée de canons français
Depuis le début de la guerre, une batterie de canons Caesar est déployée le long de la frontière saoudo-yéménite. Fabriqué à Roanne (Loire) par l’entreprise Nexter, détenue à 100 % par l’État français, le canon Caesar, monté sur un châssis de camion, peut tirer six obus par minute, dans un rayon de 42 kilomètres.
« À ma connaissance, ces canons [Caesar] ne sont pas déployés au Yémen mais occupent des positions défensives à la frontière sud de l’Arabie saoudite, face aux rebelles houthis qui cherchent à pénétrer sur le territoire saoudien, affirmait encore la ministre des Armées, Florence Parly, le 4 juillet 2018, devant la Commission de la Défense nationale et des forces armées. Dès lors, je pense qu’il n’y a rien à redire : c’est un État qui se protège et qui se défend. »
La réalité que décrit la note de la DRM est cependant différente.
La Direction du renseignement militaire y précise que ces canons Caesar déployés le long de la frontière avec le Yémen sont au nombre de « 48« , ajoutant qu’ils « appuient les troupes loyalistes, épaulées par les forces armées saoudienne, dans leur progression en territoire yéménite« . Autrement dit : les tirs de canons français ouvrent la voie pour les blindés et les chars déployés au Yémen. Donc pas uniquement dans le cadre d’une action défensive.
S’appuyant sur une carte baptisée « Population sous la menace des bombes », le renseignement militaire français estime par ailleurs que « 436 370 personnes » sont « potentiellement concernée par de possibles frappes d’artillerie. » Y compris donc par les tirs de canons français.
En croisant les zones de tirs des canons Caesar indiquées sur la carte de la DRM, avec les informations fournies par la base de données de l’ONG Acled (Armed Conflict Location and Event Data Project) qui recense tous les bombardements au Yémen on constate qu’entre mars 2016 et décembre 2018, 35 civils sont morts au cours de 52 bombardements localisés dans le champ d’action des canons français.
Itinéraire d’une livraison secrète
Bien qu’étant informé de ces risques, l’État français poursuit ses livraisons.
Ainsi, 147 canons devraient être expédiés vers le royaume saoudien d’ici 2023. Disclose a remonté la piste d’une de ces livraisons expédiée en septembre 2018 : 10 canons Caesar chargés depuis le site de production de Nexter à Roanne (Loire). Direction : Le Havre. Avant d’être embarqués dans les cales du Bahri Jazan, un cargo de la compagnie saoudienne Bahri. Le navire lève l’ancre le 24 septembre 2018, puis arrive à destination 19 jours plus tard, dans le port de Jeddah, en Arabie saoudite.
Par ailleurs, toujours selon nos informations, un contrat secret baptisé ARTIS, signé en décembre 2018, par Nexter avec l’Arabie saoudite, prévoit la livraison de véhicules blindés Titus (la dernière génération des blindés Nexter), mais aussi de canons tractés 105LG.
Ces informations contredisent là encore la version officielle des autorités françaises. Interrogée le 20 janvier 2019 sur France Inter, Florence Parly affirmait : « Nous n’avons récemment vendu aucune arme qui puisse être utilisée dans le cadre du conflit yéménite. » Après avoir dit trois mois auparavant le 30 octobre 2018, sur BFM TV : « Nous n’avons pas de négociations avec l’Arabie saoudite.« »