Hors de question pour la République de voir des Français qui ne vivent plus sur notre territoire se soustraire aux prélèvements sociaux (CSG) de 15.5% sur les revenus du capital. Michel Sapin, le ministre de l’Économie et des Finances, tente une magouille pour se conformer à la jurisprudence de l’UE.
On ne renonce pas comme ça à plusieurs centaines de millions de recettes fiscales. Malgré la condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), confirmée en juillet par le Conseil d’Etat, la France devrait maintenir les 15,5 % de CSG-CRDS prélevés sur les revenus du capital des non-résidents affiliés à un régime de Sécurité sociale dans un autre Etat de l’Union européenne. Selon nos informations, Bercy envisage de changer l’affectation du produit de la CSG sur le capital pour contourner l’arrêt de la justice européenne. Il est notamment envisagé de flécher cette recette, non pas vers le régime général de la Sécurité sociale, mais vers le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), organisme qui finance notamment le minimum vieillesse. Cette manœuvre permettrait de se mettre en règle. Considérant que la CSG est une cotisation sociale et non un impôt, la CJUE avait estimé que les contribuables n’étant pas affiliés au régime français de Sécurité sociale ne pouvaient pas se voir réclamer la CSG et la CRDS (en l’occurrence sur des revenus fonciers générés par des biens immobiliers dans l’Hexagone), car ils ne bénéficient pas des prestations.
Le contentieux remonte à l’été 2012. Le Parlement tout juste élu assujettit les revenus immobiliers (loyers et plus-values de cessions) des non-résidents aux prélèvements sociaux de 15,5 %. Son rendement, à l’époque, est évalué à 250 millions par an. Une estimation plus récente chiffrait les recettes entre 300 et 320 millions. La CJUE ayant remis en cause la légalité de ce prélèvement, Bercy doit faire face à des milliers de réclamations et revoir sa copie dans le prochain budget de la Sécurité sociale. L’option la plus radicale aurait été de revenir sur la nature hybride de la CSG, entre impôt et cotisation mais ceci impliquerait une réforme majeure. Bercy aurait pu aussi abandonner la taxation des non-résidents. Le changement d’affectation de la CSG sur le capital est privilégié afin de sauvegarder des recettes précieuses. Reste à savoir si cela convaincra la Cour.
Le débat s’annonce aussi houleux à l’Assemblée. Député des Français de l’étranger, Frédéric Lefebvre (Les Républicains) a déposé une proposition de loi afin de supprimer la CSG des non-résidents. « Le gouvernement serait prêt à faire une différence entre les résidents de l’Union européenne et hors UE. Beaucoup de nos compatriotes sont l’arme au pied, prêts à saisir le tribunal administratif », affirme-t-il. Bien que Bercy envisage de maintenir ce prélèvement, les expatriés concernés sont toujours en droit de demander le remboursement pour les années 2013 à 2015. Pour l’instant, le fisc joue la montre. L’administration attend « les consignes qui seront données en fonction des conséquences que le gouvernement décidera de tirer de la décision juridictionnelle rendue cet été », comme il est indiqué dans le courrier reçu par les non-résidents concernés.
Source : Les Echos