Un entretien du Figaro avec un géopolitologue qui alerte les Français depuis de nombreuses années sur la politique catastrophique de la République en Syrie. Il parle aujourd’hui de la bataille de Mossoul et des dommages causés par la coalition internationale sur la population civile et de la différence de traitement médiatique avec Alep.
FIGAROVOX. – La bataille de Mossoul continue. Après avoir pris l’Est de la ville, les forces de la Coalition internationale vont attaquer l’Ouest, de l’autre côté du Tigre, toujours aux mains de Daech. Comment s’annonce cette nouvelle phase de la lutte militaire contre l’Etat islamique?
Frédéric PICHON. – Ardue, du fait des densités urbaines et de l’interpénétration entre la population sunnite et les hommes de l’Etat Islamique. La dissimulation des centres opérationnels ou de commandement dans le tissu urbain ne peut que donner les «dommages collatéraux» inévitables à ce type d’opération, mais qui sont devenus le principal problème des guerres modernes à l’heure de la société de l’information. Ajoutons que l’usage massif et très poussé de la communication informationnelle, à base d’intoxication ou d’images chocs, est une partition dont sait jouer à merveille l’organisation terroriste.
Mais bizarrement, personne n’a l’air de s’étonner ni de s’émouvoir que les frappes de la Coalition (essentiellement américaines) aient pu viser un hôpital dans la partie ouest de Mossoul le 18 février dernier : les djihadistes font état d’un bilan de 18 morts, principalement femmes et des enfants tandis que le Pentagone (et les médias occidentaux) parlent d’une « cible militaire importante », cet hôpital étant camouflé en centre de commandement. La dépêche Reuters précise même: «Les djihadistes se sont retranchés parmi les civils dans la partie occidentale de la ville, stockant des armes dans des hôpitaux, des écoles, des mosquées et des églises pour se protéger». Jamais personne n’avait osé admettre cela quand il s’est agi de la reprise des quartiers Est d’Alep en décembre dernier, où la même stratégie était pourtant à l’oeuvre.