Extraits de l’entretien accordé par Éliette Abécassis (auteur de Bébé à vendre) pour Alexandre Devecchio du Figaro :
Vous ne croyez pas à la GPA éthique ?
La GPA est un marché : c’est grossesse contre argent. D’ailleurs, ne nous laissons pas égarer par la novlangue, ce n’est pas à proprement parler une «gestation pour autrui». Gestation, indique le dictionnaire, est un mot qui s’applique exclusivement aux animaux. Et ce n’est pas pour autrui puisque dans la GPA, il y a toujours de l’argent – pour les industries procréatives ; pour les médecins sans qui ce processus ne peut être accompli ; pour les avocats qui établissent les contrats ; pour les vendeuses d’ovocytes et pour les mères qui portent les enfants. Même dans les cas où la GPA est permise et l’argent interdit, comme en Angleterre, il y a toujours ce que l’on appelle un «dédommagement». Donc il n’y a pas de GPA éthique, par définition, car on ne peut pas vendre un enfant, ni louer un utérus. C’est immoral et anticonstitutionnel, en vertu du principe d’indisponibilité du corps humain.
Du reste, même si c’était un don, on ne peut pas donner ce que l’on ne possède pas. Or les enfants ne sont pas à nous car ils ne sont pas des objets.
Comment ce marché de la GPA s’organise-t-il?
C’est un marché mondial. La GPA va s’externaliser dans les pays où elle est moins coûteuse. Elle est aussi un marché ouvert au «tourisme procréatif». Au Mexique, l’on peut acheter un bébé durant ses vacances. C’est un marché noir dans les pays pauvres, où les femmes surstimulées hormonalement portent souvent deux enfants, pour un couple qui n’en veut qu’un. L’autre jumeau est vendu à moindre coût au marché noir. Les profits vont à ceux qui exploitent le désir d’enfant, la pauvreté ou l’attrait pour l’argent.
Vous allez jusqu’à parler de marché néocolonial. Pourquoi?
Les femmes de couleur sont inséminées avec des ovocytes de femmes blanches. On choisit les ovocytes sur catalogue en fonction du physique et du quotient intellectuel des jeunes femmes, voire de leurs notes en classe. Aux États-Unis, ce sont souvent des étudiantes, qui se payent ainsi leurs études. Mais ces ovocytes sont placés dans des utérus de femmes de couleur de pays pauvres, car cela coûte moins cher. En Inde, les dérives étaient telles que le pays a été obligé de l’interdire aux étrangers. Des «centres de naissances» s’ouvraient partout à Anand [ville située à 200 kilomètres au nord de Bombay, NDLR]. Là, les femmes étaient parquées dans des centres pendant neuf mois, avec interdiction de tout contact extérieur pour ne pas risquer de tomber malade.