En France, le lien le plus récent entre tricot et espionnage remonte à il y a un peu plus de trente ans déjà. Le nom du conseiller d’État qui a enquêté sur l’affaire du Rainbow Warrior, ce navire de Greenpeace détruit par les services secrets français en 1985, causant la mort de l’un des membres de l’équipage, s’appelait Bernard Tricot. Mais si on remonte le temps, cette paire surprenante a souvent fait bon ménage.
Bien avant 1985 et avant les applications de messagerie sécurisées, les femmes espions avaient trouvé un moyen original d’encoder des messages en morse: une maille à l’endroit pour les points, une maille à l’envers pour les traits. «Pendant les guerres, là où il y avait des tricoteuses, il y avait aussi des espionnes», raconte Natalie Zarrelli dans Atlas Obscura, au point que l’envoie d’habits à motifs tricotés a été interdit pendant les deux guerres mondiales.
Les espionnes pouvaient aussi utiliser un système de noeuds sur des fils pour crypter des informations et les envoyer ensuite aux alliés. Un système qui se rapproche finalement du code informatique binaire, fait de 0 et de 1. Certains articles se demandent même si apprendre à tricoter ne pourrait pas aider à apprendre à coder.
Tricoter, une couverture efficace
Plusieurs livres d’histoire de l’espionnage rapportent que les messages cryptés dans les tricots étaient rares mais bien réels, notamment en Angleterre, en Belgique et pendant la révolution américaine. Dans la fiction, la plus célèbre des tricoteuses est une héroïne française d’un roman de Dickens –Le Conte de deux cités. Cette madame Defarge y crypte les noms des nobles qui vont se faire guillotiner pendant la révolution française.
Pour les longs messages, en revanche, plus difficile de passer par le tricot. Natalie Zarrelli raconte qu’un article publié en octobre 1918 révélait que les Allemands tricotaient des pulls entièrement couverts de messages. Un fait peut-être «un peu exagéré». En revanche, le tricot était fréquemment utilisé comme une couverture. Des résistants comme le «réseau Alice» en ont fait leur spécialités: ils recrutaient des locaux pour surveiller les environs des gares. Des vieilles femmes passaient ainsi leur journée à intercepter des bribes de conversation aux alentours des lieux de passage… tout en tricotant.
Source : Slate