Sur les 76 établissements universitaires britanniques, 51 ont connu en 2016 une chute dans le classement mondial : une tendance qui touche même les plus prestigieuses d’entre elles comme Cambridge. Longtemps à la tête du classement mondial, Cambridge est restée ensuite pendant 10 ans parmi les trois premières, mais la voici rétrogradée vers la cinquième place selon QS World University Rankings. Selon des experts au Royaume-Uni, cette tendance au déclin s’explique par la pression exercée sur ses universités en vue d’accueillir davantage d’étudiants défavorisés. C’est donc la discrimination positive qui serait responsable de la chute du niveau.
Cela est particulièrement visible parmi les universités les plus sélectives, membres du Russell Group qui comprend 24 établissements traditionnellement attachés au recrutement de leurs étudiants selon des critères très sévères. Le classement de 16 d’entre eux a été revu à la baisse, y compris celui d’Oxford, l’autre université historiquement la plus prestigieuse d’Angleterre.
Les universités britanniques les plus prestigieuses chutent dans les classements internationaux
Selon le Pr Alan Smithers, chef du centre pour l’éducation et l’emploi à l’université de Buckingham, la baisse s’explique par le fait que « les universités n’ont plus la liberté de décider elles-mêmes et de recruter les étudiants les plus talentueux, ce qui leur assurerait les meilleures places au classement ».
Au contraire, les universités sont contraintes de respecter « toutes sortes d’exigences en termes de quota ethnique, de niveaux de revenus des étudiants et de leur provenance ou non d’une zone défavorisée ». Il s’agit bien de discrimination positive selon l’origine et le statut social qui n’ont rien à voir avec les capacités académiques des étudiants.
Ces contraintes frappent notamment les universités dont les frais de scolarité dépassent les 6.000 livres sterling annuels : elles sont obligées de conclure un accord d’accessibilité approuvé par l’office OFFA pour « l’accès équitable » à l’enseignement supérieur. Cet accord contient les engagements de l’université en vue de recruter et de garder les jeunes qui normalement, ne suivraient pas une formation universitaire. La pression s’exerce de plus en plus fortement sur les établissements de tête britanniques afin qu’ils acceptent davantage d’étudiants « pauvres ».
La discrimination positive défavorise les universités les plus prestigieuses
Alors que le directeur d’OFFA répète que les arguments des recruteurs des universités, selon lesquelles les notes des candidats d’origine défavorisée ne sont tout simplement pas assez élevées, « ne tiennent pas la route ». Ereintant au passage le Russell Group qui a osé affirmer que le nombre d’étudiants pauvres qu’il pouvait recruter était « limité », le Pr Smithers tient un langage plus réaliste. Selon lui, la pression exercée sur les meilleures universités a « détourné leur attention de la nécessité de proposer des sujets et des cursus d’études qu’ils estiment les meilleurs et capables d’attirer les étudiants les plus doués ». « Si la Ligue Un mettait en place toute sorte d’exigences obligeant au recrutement de joueurs gauchers ou droitiers, les équipes n’auraient pas le même niveau de succès », a-t-il ironisé.
Il dénonce une interférence avec « la raison d’être des universités qui est d’identifier les étudiants les plus talentueux et de les mener jusqu’au sommet de leur matière ».
Une partisane de cette discrimination positive, le Dr Joanna Williams, professeur d’enseignement supérieur à l’université de Kent, se réjouit de ce que les universités touchent désormais des groupes sociaux élargis. Mais, reconnaît-t-elle, « cela signifie que les étudiants n’arrivent pas avec un corpus de connaissances que l’on peut tenir pour acquis, et il faut passer du temps pour les amener à niveau ».
De la discrimination positive au décervelage
Elle reconnaît également que ce qui allait de soi jadis n’est plus d’actualité : on ne peut plus dire aux étudiants d’aller lire tel livre ou d’écrire tel essai de manière autonome : « Les universités ressemblent de plus en plus aux écoles pour ce qui est de la manière d’enseigner, et cela fait disparaître une bonne part du défi intellectuel. »
Elle ne le sait sans doute pas, mais cela concorde avec ce que constate Elisabeth Nuyts dans L’école des illusionnistes : soumis à une pédagogie du « cerveau droit », qui inhibe l’analyse et la pensée autonome au profit de l’analogie et de la capacité à « faire du même », bien des jeunes sont réduits à un apprentissage purement scolaire et finalement irréfléchi.
Pour la petite histoire, l’Ecole normale supérieure est le premier établissement français cité dans ce classement de près de 1.000 établissements, à la 43e place, tandis que l’Ecole polytechnique la suit à la 59e place. Une université comme Paris 1 Panthéon-Sorbonne est classée 269e. Il faut préciser que les critères comprennent notamment la « réputation académique », celle auprès des employeurs, la proportion d’étudiants par rapport aux enseignants et la proportion d’étudiants étrangers accueillis, dernier point qui réduit tout de même le champ pour des établissements francophones.
Anne Dolhein pour Reinformation.tv