par Olivier Piacentini, essayiste (ses livres ici) :
Dès l’annonce de l’accord à Bruxelles concernant le plan de relance européen, après quatre jours d’âpres négociations, Macron, le gouvernement, et les médias de concert ont plongé dans une véritable euphorie : une salve de satisfecits, cocoricos, congratulations et oufs de soulagement s’est déversée sur l’ensemble de la presse et de la classe politique.
Pays du nord frugaux, pays du sud cigales, tout le monde a trouvé son bonheur, l’Europe est sauvée.
Macron s’est empressé de venir sur TF1 rendre compte de ce qu’il nous présente comme un succès sans précédent, historique.
Sauf qu’au delà de l’avancée certaine de l’Europe sur la voie de l’intégration, pour nous Français ce plan d’aide est une véritable Bérézina, l’abandon complet de nos intérêts nationaux au profit de ceux des autres.
Pour la première fois, l’Europe va emprunter des fonds, 750 milliards, les répartir entre pays en fonction des sommes négociées, et rembourser ces sommes de façon commune. Cela est nouveau.
Sauf que la somme en jeu n’est pas à la hauteur de la crise : 750 milliards, ce n’est même pas 5% du PIB européen…
Sauf qu’avant d’arriver à un accord, il en aura fallu, des concessions : chaque pays a défendu bec et ongles ses intérêts. Les pays du Sud arguaient que la pandémie les avaient frappés plus que les autres, qu’il fallait les soutenir au risque d’un effondrement économique. Sur les 750 milliards sur la table, le Président du conseil Italien Conte a arraché 81 milliards de subventions, 128 milliards de prêts : il a raflé la mise, près d’un tiers des sommes en jeu, plus encore que l’espagnol Sanchez…
Les pays du Nord ont cédé, mais pas pour rien ; ils ont obtenu un rabais de plusieurs milliards d’euros sur leurs contributions annuelles nettes.
Orban a pu lui obtenir l’absolution quant à ses prétendues violations des droits démocratiques, que l’UE dénonçait depuis trois ans et s’apprêtait à sanctionner.
Et la France, dans tout ça ?
De tous les pays engagés, c’est le seul à n’avoir jamais entravé l’avancée des débats pour défendre ses intérêts.
De facto, alors que la France a obtenu 39 milliards d’aides, l’Italie en a obtenu 209 milliards, l’Espagne 170 milliards.
La France est-elle a ce point en meilleure santé que ces deux pays au point de recevoir quatre à cinq fois moins d’aides ?
Bien sûr que non, nous sommes le pays le plus atteint de tous par la récession, -11% cette année dixit Bruno le Maire, c’est plus encore que l’Italie.
Si on regarde en détail, on se rend compte que la France va rembourser probablement deux fois plus que ce qu’elle va toucher : tout cet argent n’est pas un cadeau du ciel, il va se payer sur un impôt européen dont les contours sont mal définis pour l’instant. Mais si on se base sur la clé de répartition des contributions du Mécanisme Européen de Stabilité, et nous n’en serons probablement pas loin, la France remboursera environ 20 % de la partie subventions, soit 80 milliards d’euros : 80 milliards à payer pour une aide de 39 milliards, merci Macron.
Conte est revenu à Rome en triomphateur : pour lui, le rapport est inverse, il décroche 209 milliards et devra en rembourser 140, entre prêts et impôts…
Depuis deux ans, l’Italie se dote des outils pour sortir de l’euro, et laisse planer le doute quant à son maintien dans l’Union Européenne : c’est cette politique là, qui s’apparente à un chantage, qui a payé à Bruxelles.
Pendant que l’Italie a monnayé au prix fort son maintien dans l’Union, la France a elle défendu l’UE, l’euro, tout sauf ses intérêts !
C’est avec notre argent que Macron a sauvé l’union, et s’est assis sur les intérêts de son pays. Il fût bien le seul pendant ces quatre jours de négociations, et c’est nous tous qui allons le payer dans les années à venir… »