« Une décision de justice rendue juste avant Noël n’a pas fait grand bruit.
Elle est pourtant lourde de conséquences puisque, selon certains, cette jurisprudence pourrait faire disparaître l’article 212 du Code civil comportant l’obligation de fidélité dans le mariage.
Le député LR Patrick Devedjian, marié et père de famille, avait porté plainte contre Point de Vue qui avait fait état d’une liaison qu’il aurait eue avec Valérie Trierweiler. Affirmation qui portait selon lui « une grave atteinte à son honneur et à sa considération ».
Il a été débouté. Non que la Cour de cassation se soit prononcée sur la véracité des faits, mais elle a jugé que « l’évolution des mœurs […] ne [permettait] plus de considérer l’infidélité conjugale contraire à la représentation commune de la morale ». Et pour appuyer son raisonnement, a fait valoir que « l’adultère [avait] été dépénalisé depuis près de quarante ans ». Autrement dit, puisque l’adultère n’est plus un délit, il est légal. S’il est légal, il est moral. S’il est moral, il est normal.
Comme tout est simple.
N’importe qui peut donc affirmer dans ce domaine n’importe quoi, puisque l’acte est innocent, aucune réputation ne s’en trouvera entachée.
Le juge serait-il parfois, comme le Dauphin du conte d’Alphonse Daudet, un petit despote persuadé que ses ordres souverains sauront mettre au pas les lois éternelles ? Il est des réalités contre lesquelles on ne peut rien : le Dauphin ne peut rien contre la mort. Et le juge ne peut rien contre la souffrance.
Il y a quarante ans, le délit a été aboli, mais pas le sentiment de trahison. Il pétrit toute notre littérature, tragique ou comique… et toute l’actualité aussi. Tiens, justement : Valérie Trierweiler. Pourquoi donc un président de la République se serait-il ridiculement déguisé en Daft Punk, si l’adultère n’avait pas risqué de porter atteinte à sa réputation, et à sa compagne en titre ? Celle-ci n’a-t-elle pas confié avoir eu l’impression de « s’être pris un TGV dans le buffet » ?
Sans parler des anonymes : pourquoi donc les utilisateurs de Gleeden se planqueraient-ils ? Pourquoi ce site aurait-il prévu une touche « escape » permettant, à l’approche du conjoint, d’afficher instantanément la page d’accueil de L’Équipe, si l’adultère était un acte ordinaire ?
Ces lois éternelles sont agaçantes. Car admettre la souffrance, c’est de facto remettre en cause l’acte. Ainsi en va-t-il aussi de l’IVG. Qui prétendrait que faire mal est moral ?
Le Dauphin a boudé, tempêté, ordonné, mais à la fin du conte, il est quand même mort. Le juge devrait y songer. »
Article de Gabriel Cluzel dans Famille chrétienne