Non, les féministes du XXIème siècle ne luttent pas pour permettre aux femmes de sortir des griffes de l’ignorance (imposé par le patriarcat) ou d’hommes dangereux. Ces militantes se battent pour imposer leur vision névrosée de la société. Elles considèrent l’homme comme dominant, donc comme des ennemis pour les femmes. Partant de ce postulat, c’est impossible pour elles d’entretenir de relations amoureuses normales, elles ne peuvent pas se permettre de « coucher avec l’ennemi ».
Il faut lire ce papier délirant (et les pages liées) trouvé sur Le Monde : «
« Sortir de l’hétérosexualité » : le programme de la seconde édition du festival Des sexes et des femmes, en septembre dernier à Paris, pouvait difficilement passer inaperçu. De fait, la polémique ne s’est pas fait attendre ! Les conservateurs ont immédiatement dégoupillé le spectre du séparatisme, de l’hystérie et de l’effondrement de la civilisation, de manière plus ou moins caricaturale (l’interrogation chez Valeurs actuelles, l’outrage chez Marianne). Et pourtant. Virginie Despentes le déclarait elle-même au Monde en 2017 : « Sortir de l’hétérosexualité a été un énorme soulagement. »
Si l’icône du féminisme français a franchi le pas, pourquoi pas vous, pourquoi pas moi ? L’idée de se passer des hommes fait son chemin : sous la plume de Juliet Drouar pour Mediapart, dans les pages du Globe and Mail, dans la vie privée de militantes. Certaines femmes renoncent carrément au sexe. Elles expriment leur ras-le-bol dans le magazine Slate, dans le Guardian, dans l’essai Les Corps abstinents, d’Emmanuelle Richard (Flammarion, 288 p., 19 €, parution la semaine prochaine).
Cette médiatisation est d’autant plus remarquable qu’elle s’effectue à l’approche d’une Saint-Valentin aux codes un chouïa embarrassants, reposant sur un folklore romantique manifestement coincé dans les années 1950 (monsieur se fend d’un cadeau calorique ou de couleur rouge, madame joue les gigots d’agneau dans sa guêpière made in China).
Les modèles peinent à s’adapter aux avancées féministes
Le constat est amère : mouvement #metoo ou pas, le modèle amoureux comme le modèle sexuel peinent à s’adapter aux avancées féministes. La penseuse Peggy Sastre portait d’ailleurs cette critique dès 2018, dans un essai au titre lapidaire : Comment l’amour empoisonne les femmes (éditions Anne Carrière). Quelques mois plus tard, la philosophe Manon Garcia en remettait une couche dans son ouvrage On ne naît pas soumise, on le devient (Flammarion).
Les enjeux sont considérables, et bousculent des consensus auparavant inamovibles. Résumons : 1) le lesbianisme politique et le féminisme séparatiste, qui incarnaient le repoussoir absolu, gagnent progressivement en respectabilité. 2) L’orientation sexuelle, considérée comme une donnée impossible à déconstruire, est désormais sujette à des reconstructions.
Que s’est-il passé, ces cinq dernières années, qui ait favorisé un tel retournement ? Eh bien, non seulement les études de genre ont conquis une solide assise médiatique (impossible de comprendre le mouvement #metoo sans disposer de cette grille de lecture), mais cette évolution s’est produite précisément quand les marges ont commencé à interroger les normes (la masculinité, la blanchité, la complémentarité hommes-femmes).
L’hétérosexualité, une simple option
Autrefois perçue comme naturelle, l’hétérosexualité se voit renvoyée à une simple option. Ces thèses sont soutenues par l’histoire et l’anthropologie (comme l’Antiquité grecque l’a démontré, on peut bâtir une civilisation brillante sans norme hétérosexuelle), par la décorrélation du biologique et du social (prétendre qu’il faille se marier et vivre ensemble pour qu’un spermatozoïde soit absorbé par un ovule serait aberrant, l’espèce n’a donc pas besoin de système hétérosexuel), et par une critique du « dressage » hétérosexuel (si la majorité d’entre nous sont attirés par le sexe « opposé », c’est parce que, des contes de fées aux films hollywoodiens, des clubs sportifs aux maisons de retraite, des parents aux copains, tout nous y engage de manière implicite).
Venons-en donc aux actes d’accusation : que reproche-t-on au couple homme-femme ? Les charges sont abordées avec une grande clarté dans le podcast « Adieu, monde hétéro », qui donne la parole à des dissidentes. Je vous recommande notamment les témoignages de Sarah et Roxane. La première évoque une hétérosexualité du « michetonnage » constant, où chaque geste de tendresse se monnaie à coups de rapports pas toujours désirés. Le couple n’existe alors que pour fournir de la gratification sexuelle aux hommes. La seconde décrit une triple oppression économique, domestique et sexuelle.
Se dessine alors, en creux, le portrait d’hommes pas forcément méchants mais égoïstes et immatures (ironiquement, ces arguments recoupent pile-poil ceux des hommes du mouvement MGTOW, « men going their own way », qui dressent le même constat d’une incompatibilité fondamentale… mais en leur défaveur).
Coucher avec l’ennemi
La cohabitation homme-femme est présentée comme intrinsèquement violente et contre-productive. Car coucher avec le dominant, c’est coucher avec l’ennemi, tout en renforçant son pouvoir. Pour citer Juliet Drouar, activiste, qui a fondé le fameux festival Des sexes et des femmes : « Le couple hétérosexuel (…) met une personne dominante en vis-à-vis et en huis clos avec une personne structurellement dominée par “il”. Comment mieux surveiller, exploiter et punir ? L’hétérosexualité propose basiquement que le dominant puisse, à l’abri des regards, toujours surveiller la dominée, même quand elle dort. » La messe est dite : le couple met les femmes en danger (malheureusement, la réalité statistique des viols et des féminicides valide cette opinion).
De manière moins dramatique, certaines dissidentes décrivent leur lassitude face à des hommes qu’il va falloir « éduquer » : batailler sur les tâches ménagères, expliquer le concept de charge mentale, inclure dans les choix contraceptifs, éveiller aux dynamiques de pouvoir, etc. De fait, convertir un homme en début de transition féministe est épuisant (surtout quand on mène déjà ces combats par ailleurs). Face au risque de burn-out militant, certaines préfèrent quitter le navire.
Enfin, les dissidentes évoquent une sexualité infligée selon des modalités strictement masculines : les rapports sont considérés comme un dû, y compris quand la répétition de la pénétration vaginale tue le désir (c’est exactement ce que décrit le magazine Time cette semaine). Non seulement cette sexualité phallocentrée est inefficace et humiliante, mais les copains ou maris sont décrits comme manquant d’attrait, de curiosité et de sensualité.
Ces problématiques produisent un ras-le-bol. Légitime. Et une angoisse : comment être encore hétérosexuelle aujourd’hui ? Dans ses émanations les plus condescendantes, le séparatisme va jusqu’à réduire la femme hétéro à une éternelle victime, voire une traîtresse. Quant aux hommes, ils seraient irrécupérables (bisou à tous ceux qui, depuis des décennies, se remettent en question). »