La Pentecôte est l’une des plus grandes fêtes chrétiennes.
Elle commémore le don – promis par le Christ avant Son Ascension – de l’Esprit-Saint aux apôtres ; le Christ achève là la fondation de l’Église.
Par suite, chaque chrétien est appelé à recevoir l’Esprit-Saint.
En grec, pentêkostê signifie « cinquantième », car l’événement est survenu cinquante jours après Pâques.
En France, avant la Révolution, la semaine qui suivait la Pentecôte était chômée.
Les autorités républicaines ont maintenant depuis des années en ligne de mire le lundi de Pentecôte, qui reste largement chômé.
Chrétien ou simplement Français non renié, il faut s’efforcer, autant que possible, de ne pas travailler ce lundi et de ne pas faire de courses (pour ne pas faire travailler les autres, comme pour les dimanches et autres jours fériés).
« Venez, Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles et allumez en eux le feu de votre amour. » (chant de l’Allélulia à la messe).
L’hymne de circonstance est bien sûr le Veni Creator (paroles en français en fin d’article) :
« L’envoi du Saint-Esprit sur les apôtres ouvre une ère nouvelle dans l’histoire du monde. « Envoyez votre Esprit, et vous renouvellerez la face de la terre » : l’Église est fondée et l’Esprit du Christ, donné d’une façon permanente à l’Église, agit en elle comme une force puissante ; c’est lui qui l’inspire et la dirige dans la prédication de l’Évangile et qui lui permet d’accomplir dans le monde, jusqu’à la fin des temps, l’œuvre de rédemption et de sanctification acquise par le Christ.
Le récit des Actes des apôtres rappelle les faits du jour de la Pentecôte ; il en indique déjà la signification et la portée universelle. La séquence de la messe décrit toutes les richesses de l’action de cet esprit, que Jésus avait promis à ses apôtres de leur envoyer. […] »
Dom G. Lefebvre
Pour lire la longue et belle introduction que Dom Guéranger propose pour cette fête, cliquer ici.
TEXTES AVEC COMMENTAIRE DE DOM GUÉRANGER :
(dans l’Année liturgique – disponible ici avec ses autres livres)
« Le moment de célébrer le saint Sacrifice est arrivé. Remplie de l’Esprit divin, l’Église va payer le tribut auguste de sa reconnaissance en offrant la victime qui nous a mérité un tel don par son immolation. Déjà l’Introït retentit avec un éclat et une mélodie non pareils.
Introït :
L’esprit du Seigneur remplit l’univers, alléluia, et comme il contient tout, il connaît tout ce qui se dit, alléluia, alléluia, alléluia. (Sap. 1, 7)
Que Dieu se lève, et que ses ennemis soient dissipés, et que ceux qui le haïssent fuient devant sa face. (Ps. 67, 2)
Le chant grégorien s’élève rarement à un tel enthousiasme. Les paroles contiennent un oracle du livre de la Sagesse, qui reçoit son accomplissement aujourd’hui. C’est l’Esprit divin se répandant sur le monde, et comme gage de sa présence donnant aux saints Apôtres la science de la parole dont il est la source.
Collecte :
Dieu, qui avez instruit en ce jour les cœurs des fidèles par la lumière du Saint-Esprit : donnez-nous, par le même Esprit, de goûter ce qui est bien ; et de jouir sans cesse de la consolation dont il est la source. Par Notre-Seigneur … en l’unité du même Esprit.
La Collecte nous fournit l’expression de nos vœux pour un si grand jour. Elle nous avertit en même temps que l’Esprit divin nous apporte deux dons principaux : le goût des choses divines et la consolation du cœur ; demandons que l’un et l’autre demeurent en nous, afin que nous devenions parfaits chrétiens.
ÉPÎTRE.
Lecture des Actes des Apôtres (2, 1-11)
Lorsque le jour de la Pentecôte fut arrivé, ils étaient tous ensemble dans un même lieu. Tout à coup il se produisit, venant du ciel, un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître des langues séparées les unes des autres, qui étaient comme de feu, et qui se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l’Esprit Saint leur donnait de s’exprimer. Or il y avait à Jérusalem des Juifs pieux qui y séjournaient, de toutes les nations qui sont sous le ciel. Après que ce bruit se fut fait entendre, ils accoururent en foule, et ils furent stupéfaits, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient tous hors d’eux-mêmes ; et dans leur étonnement ils disaient : Tous ces hommes qui parlent ne sont-ils pas Galiléens ? Comment donc chacun de nous les entend-il parler la langue de son pays ? Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée et la Cappadoce, le Pont et l’Asie, la Phrygie et la Pamphylie, l’Egypte et le territoire de la Libye qui est près de Cyrène, des étrangers résidant à Rome, Juifs ou prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons parler en nos langues des merveilles de Dieu.
Quatre grands événements signalent l’existence de la race humaine sur la terre, et tous les quatre témoignent de la bonté infinie de Dieu envers nous. Le premier est la création de l’homme et sa vocation à l’état surnaturel, qui lui donne pour fin dernière la vision et la possession éternelle de Dieu. Le second est l’incarnation du Verbe divin qui, unissant la nature humaine à la nature divine dans le Christ, élevé l’être créé à la participation de la divinité, et fournit en même temps la victime nécessaire pour racheter Adam et sa race de leur prévarication. Le troisième événement est la descente du Saint-Esprit, dont nous célébrons l’anniversaire en ce jour. Enfin le quatrième est le second avènement du Fils de Dieu qui viendra délivrer l’Église son épouse, et l’emmènera au ciel pour célébrer avec elle les noces éternelles. Ces quatre opérations divines, dont la dernière n’est pas accomplie encore, sont la clef de l’histoire humaine ; rien n’est en dehors d’elles ; mais l’homme animal ne les voit même pas, il n’y songe pas. « La lumière a lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise » [1]Sap. 1, 7..
Béni soit donc le Dieu de miséricorde qui « nous a appelés des ténèbres à l’admirable lumière de la foi » [2]Sept semaines figuratives avaient séparé la sortie d’Égypte de la promulgation de la loi sur le Sinaï, et l’Hymne divise le temps de Pâques à la Pentecôte, comme l’Écriture le fait elle-même, en sept fois sept jours, après lesquels apparaît le cinquantième qui désigne l’éternité ; le nombre sept rappelle aussi les sept sacrements et les sept dons du Saint-Esprit.. Il nous a faits enfants de cette génération « qui n’est ni de la chair et du sang, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » [3]Joël. 2, 28.. Par cette grâce, nous voici aujourd’hui attentifs à la troisième des opérations divines sur ce monde, à la descente de l’Esprit-Saint, et nous avons entendu le récit émouvant de sa venue. Cette tempête mystérieuse, ce feu, ces langues, cette ivresse sacrée, tout nous transporte au centre même des divins conseils, et nous nous écrions : « Dieu a-t-il donc tant aimé ce monde ? » Jésus, quand il était avec nous sur la terre, nous le disait : « Oui, Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique » [4] Comme les Matines de l’Octave de Pâques, les Matines de l’Octave de la Pentecôte ne comporte qu’un seul nocturne de trois psaumes et trois lectures.. Aujourd’hui il nous faut compléter cette sublime parole et dire : « Le Père et le Fils ont tant aimé le monde, qu’ils lui ont donné leur Esprit-Saint. »
Acceptons un tel don, et comprenons enfin ce qu’est l’homme. Le rationalisme, le naturalisme, prétendent le grandir en s’efforçant de le captiver sous le joug de l’orgueil et de la sensualité ; la foi chrétienne nous impose l’humilité et le renoncement ; mais pour prix elle nous montre Dieu lui-même se donnant à nous.
Allelúia, allelúia. V/. Vous enverrez votre souffle et ils seront créés, et vous renouvellerez la face de la terre. Alléluia. (Ps. 130, 30)
Allelúia. (On se met à genoux) V/. Venez, Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles ; et allumez en eux le feu de votre amour.
Le premier Verset alléluiatique est formé des paroles de David où L’Esprit-Saint est montré comme l’auteur d’une création nouvelle, comme le rénovateur de la terre. Le second est la touchante prière par laquelle la sainte Église appelle sur ses enfants l’Esprit d’amour. On la chante toujours à genoux.
Vient ensuite la Séquence, œuvre d’enthousiasme et en même temps d’une ineffable tendresse pour celui qui vit et règne éternellement dans la société du Père et du Fils, et qui va désormais établir son empire dans nos cœurs. Cette pièce est de la fin du XIIe siècle, et on l’attribue, avec vraisemblance, au grand Pape Innocent III.
Séquence. | |
Veni, Sancte Spíritus, et emítte cǽlitus lucis tuæ rádium. |
Venez, ô Saint-Esprit, Et envoyez du ciel Un rayon de votre lumière. |
Veni, pater páuperum ; veni, dator múnerum ; veni, lumen córdium. |
Venez, père des pauvres, Venez, distributeur de tous dons, Venez, lumière des cœurs. |
Consolátor óptime, dulcis hospes ánimæ, dulce refrigérium. |
Consolateur suprême, Doux hôte de l’âme, Douceur rafraîchissante. |
In labóre réquies, in æstu tempéries, in fletu solácium. |
Repos dans le labeur, Calme, dans l’ardeur, Soulagement, dans les larmes. |
O lux beatíssima, reple cordis íntima tuórum fidélium. |
0 lumière bienheureuse, Inondez jusqu’au plus intime, Le cœur de vos fidèles. |
Sine tuo númine nihil est in hómine, nihil est innóxium. |
Sans votre secours, Il n’est en l’homme, rien, Rien qui soit innocent. |
Lava quod est sórdidum, riga quod est áridum, sana quod est sáucium. |
Lavez ce qui est souillé, Arrosez ce qui est aride, Guérissez ce qui est blessé. |
Flecte quod est rígidum, fove quod est frígidum, rege quod est dévium. |
Pliez ce qui est raide, Échauffez ce qui est froid. Redressez ce qui dévie. |
Da tuis fidélibus, in te confidéntibus, sacrum septenárium. |
Donnez à vos fidèles, qui en vous se confient Les sept dons sacrés. |
Da virtútis méritum, da salútis éxitum, da perénne gáudium. Amen. Allelúia. |
Donnez-leur le mérite de la vertu, Donnez une fin heureuse, Donnez l’éternelle joie. Ainsi soit-il. Alléluia. |
ÉVANGILE.
Suite du Saint Évangile selon saint Jean. (14, 23-31)
En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure. Celui qui ne m’aime point ne garde pas mes paroles ; et la parole que vous avez entendue n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé, du Père. Je vous ai dit ces choses pendant que je demeurais avec vous. Mais le Paraclet, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas comme le monde la donne que je vous la donne. Que votre cœur ne se trouble pas, et qu’il ne s’effraye pas. Vous avez entendu que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens à vous. Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais auprès du Père, parce que le Père est plus grand que moi. Et je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent, afin que, lorsqu’elles seront arrivées, vous croyiez. Je ne vous parlerai plus guère désormais ; car le prince de ce monde vient, et il n’a aucun droit sur moi ; mais il vient afin que le monde connaisse que j’aime le Père, et que je fais ce que le Père m’a ordonné.
La venue de l’Esprit-Saint n’est pas seulement un événement qui intéresse la race humaine considérée en général ; chaque homme est appelé à recevoir cette même visite qui aujourd’hui « renouvelle la face de la terre entière » [5]Act. 2, 2.. Le dessein miséricordieux du souverain Seigneur de toutes choses s’étend jusqu’à vouloir contracter une alliance individuelle avec chacun de nous. Jésus ne demande de nous qu’une seule chose : il veut que nous l’aimions et que nous gardions sa parole. A cette condition, il nous promet que son Père nous aimera, et viendra avec lui habiter notre âme. Mais ce n’est pas tout encore. Il nous annonce la venue de l’Esprit-Saint, qui par sa présence complétera l’habitation de Dieu en nous. L’auguste Trinité tout entière se fera comme un nouveau ciel de cette humble demeure, en attendant que nous soyons transportés après cette vie au séjour même où nous contemplerons l’hôte divin, Père, Fils et Saint-Esprit, qui a tant aimé sa créature humaine.
Jésus nous enseigne encore dans ce passage, tiré du discours qu’il adressa à ses disciples après la Cène, que le divin Esprit qui descend sur nous aujourd’hui est envoyé par le Père, mais par le Père « au nom du Fils » ; de même que dans un autre endroit Jésus dit que « c’est lui-même qui enverra l’Esprit-Saint » [6]Ps. 67, 28.. Ces diverses manières de s’exprimer ont pour but de nous révéler les relations qui existent dans la Trinité divine entre les deux premières personnes et le Saint-Esprit. Ce divin Esprit est du Père, mais il est aussi du Fils ; c’est le Père qui l’envoie ; mais le Fils l’envoie aussi ; car il procède de l’un et de l’autre comme d’un même principe. En ce grand jour de la Pentecôte, notre reconnaissance doit donc être la même envers le Père qui est la Puissance, et envers le Fils qui est la Sagesse ; car le don qui nous arrive du ciel vient de tous les deux. Éternellement le Père a engendré son Fils, et quand la plénitude des temps fut venue, il l’a donné aux hommes pour être dans la nature humaine leur médiateur et leur sauveur ; éternellement le Père et le Fils ont produit l’Esprit-Saint, et, à l’heure marquée, ils l’ont envoyé ici-bas pour être dans les hommes le principe d’amour, comme il l’est entre le Père et le Fils. Jésus nous enseigne que la mission de l’Esprit est postérieure à la sienne, parce qu’il a fallu que les hommes fussent d’abord initiés à la vérité par celui qui est la Sagesse. En effet, ils n’auraient pu aimer ce qu’ils ne connaissaient pas. Mais lorsque Jésus a consommé son œuvre tout entière, qu’il a fait asseoir son humanité sur le trône de Dieu son Père, de concert avec le Père il envoie l’Esprit divin pour conserver en nous cette parole qui est « esprit et vie » [7]Ps. 103, 30., et qui est en nous la préparation de l’amour.
Offertoire :
Affermissez, ô Dieu, ce que vous avez fait parmi nous, dans votre temple de Jérusalem, les rois vous offriront des présents, alléluia. (Ps. 67, 29-330)
Secrète :
Rendez saints, nous vous en supplions, Seigneur, les dons qui vous sont offerts, et purifiez nos cœurs au moyen de la lumière du Saint-Esprit. Par N.-S. … en l’unité du même.
L’Offertoire est formé des paroles du Psaume LXVII, où David prophétise l’arrivée de l’Esprit dont la mission est de confirmer ce que Jésus a opéré. Le Cénacle efface toutes les splendeurs du temple de Jérusalem : désormais il n’y a plus que l’Église catholique qui recevra bientôt dans son sein les rois et les peuples.
En présence des dons sacrés qui vont être offerts et qui reposent sur l’autel, l’Église, dans la Secrète, demande que la venue du divin Esprit soit pour les fidèles un feu qui consume leurs souillures, et une lumière qui éclaire leur esprit par une plus complète intelligence des enseignements du Fils de Dieu.
Communion (Act. 2, 2 et 4) :
Tout à coup il se produisit, venant du ciel, un bruit comme celui d’un vent impétueux là où ils étaient assis, alléluia. Ils furent tous remplis du Saint-Esprit, annonçant les merveilles de Dieu, alléluia, alléluia.
L’Antienne de la Communion célèbre par les paroles du texte sacré le moment de l’avènement de l’Esprit divin. Le Seigneur Jésus s’est donné à ses fidèles dans l’aliment eucharistique ; mais c’est l’Esprit qui les a préparés à une telle faveur, lui qui a change sur l’autel le pain et le vin en le corps et le sang de la victime sainte, lui qui les aidera à conserver en eux l’aliment sacré qui garde les âmes pour la vie éternelle.
Postcommunion :
Seigneur, que l’infusion de l’Esprit-Saint purifie nos cœurs et qu’elle les féconde en les pénétrant de sa rosée. Par N.-S … en l’unité du même.
Mise en possession de son Époux par le sacré Mystère, l’Église, dans la Postcommunion, implore pour ses fidèles la permanence de l’Esprit-Saint dans leurs âmes, en même temps qu’elle nous révèle une des prérogatives de ce divin Esprit, qui, trouvant nos âmes arides et incapables de fructifier par elles-mêmes, se transforme en rosée pour les féconder. »
Paroles du Veni Creator :
Latin | Français |
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Notes
1. | ↑ | Sap. 1, 7. |
2. | ↑ | Sept semaines figuratives avaient séparé la sortie d’Égypte de la promulgation de la loi sur le Sinaï, et l’Hymne divise le temps de Pâques à la Pentecôte, comme l’Écriture le fait elle-même, en sept fois sept jours, après lesquels apparaît le cinquantième qui désigne l’éternité ; le nombre sept rappelle aussi les sept sacrements et les sept dons du Saint-Esprit. |
3. | ↑ | Joël. 2, 28. |
4. | ↑ | Comme les Matines de l’Octave de Pâques, les Matines de l’Octave de la Pentecôte ne comporte qu’un seul nocturne de trois psaumes et trois lectures. |
5. | ↑ | Act. 2, 2. |
6. | ↑ | Ps. 67, 28. |
7. | ↑ | Ps. 103, 30. |