Le pape François a aussi parlé d’une Europe « envahie », stérile et coupée de ses racines

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Les deux discours que le pape François a prononcé aujourd’hui à Strasbourg n’étaient pas les premiers qu’il adressait au vieux Continent.

Le 3 octobre dernier, en effet, le pape recevait en audience à Rome les participants à l’assemblée plénière du Conseil des conférences épiscopales d’Europe (CCEE) qui avait pour thème : “Famille et avenir de l’Europe”. Ce jour-là, le pape avait choisi de ne pas lire le texte qui avait été préparé mais d’improviser un discours…

Très peu politiquement correct et très intéressant. Voici sa retranscription.

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Chers frères dans l’épiscopat,

Je vous salue tous avec affection à l’occasion de cette assemblée plénière du Conseil des conférences épiscopales d’Europe. Et je remercie le cardinal Peter Erdõ de l’allocution par laquelle il a ouvert cette rencontre. Je vais vous faire remettre le discours que j’ai ici et, à sa place, je vais me permettre de vous communiquer quelques idées que j’ai dans le cœur et qui m’ont été inspirées par les propos de Son Éminence.

Que se passe-t-il, aujourd’hui, en Europe ? Qu’y a-t-il dans le cœur de notre mère l’Europe ? Est-ce qu’elle continue à être notre mère l’Europe ou bien est-elle devenue notre grand-mère l’Europe ? Est-elle encore féconde ? Est-elle tombée dans la stérilité ? Est-ce qu’elle ne parvient plus à faire naître de nouvelles vies ? D’autre part, cette Europe a commis quelques péchés. Il faut bien le dire, avec amour : il y a une de ses racines qu’elle n’a pas voulu reconnaître. Voilà pourquoi elle se sent chrétienne sans se sentir chrétienne. Ou alors, elle se sent chrétienne un peu en cachette, mais elle ne veut pas la reconnaître, cette racine européenne.

Aujourd’hui l’Europe est envahie. Est-ce la seconde invasion des barbares ? Je n’en sais rien. Mais ses portes sont ouvertes en premier lieu au profit des travaux. Mais maintenant elle ressent cette « invasion », entre guillemets, de gens qui viennent chercher du travail, qui fuient leur patrie et recherchent la liberté et une vie un peu meilleure.

L’Europe est blessée. Pour reprendre une image que je trouve très parlante, je vais dire que l’Église, aujourd’hui, me fait penser à un hôpital de campagne, parce qu’il y a beaucoup de blessés dans l’Église. Mais l’Europe est blessée, elle aussi. Elle est blessée par beaucoup d’expériences qu’elle a faites. Elle est passée de l’époque du bien-être, du grand bien-être, à une crise préoccupante, dans laquelle les jeunes sont eux aussi exclus. Dans les journaux, avant-hier, il était indiqué qu’ici, en Italie, le chômage des jeunes atteint 43 %, me semble-t-il. En Espagne ce chiffre est de 50 %. Et les évêques espagnols m’ont dit que, en Andalousie, il est tout près de 60 %.

Le cardinal Erdö nous a parlé de l’exclusion des enfants et des personnes âgées. Et ce qu’il a dit est vrai. Mais maintenant on constate également l’exclusion de toute une génération de jeunes. Je ne sais pas si cela concerne seulement l’Europe, ou bien l’Europe et les pays développés, mais on parle de 75 millions d’individus âgés de 25 ans et moins. Cela fait toute une génération. En tant qu’évêques européens, que devons-nous faire pour les jeunes ? Leur donner à manger ? Oui, c’est la première chose. Mais cela ne donne pas de dignité à un jeune, à un être humain. Ce qui donne de la dignité, c’est d’offrir du travail. Et les enfants de cette mère l’Europe, qui est presque une grand-mère aujourd’hui, risquent de perdre leur dignité parce qu’ils n’ont pas de travail et qu’ils ne peuvent pas rapporter de pain à la maison. L’Europe a exclu les enfants. Un peu triomphalement. Je me rappelle que, à l’époque où j’étais étudiant dans un certain pays, les cliniques qui pratiquaient l’avortement s’arrangeaient pour tout envoyer à des unités de fabrication de produits cosmétiques. La beauté du maquillage produite avec le sang des innocents. C’était une raison pour se vanter d’être progressiste : les droits de la femme, la femme qui a droit à son corps.

Aujourd’hui l’Europe est pleine de personnes âgées. Je ne sais pas ce qu’il en est ici, en Italie, je ne veux pas en parler parce que je ne suis pas sûr. Mais que va-t-il se passer lorsque l’État ne pourra pas payer les retraites, parce qu’il n’y aura pas suffisamment de jeunes qui travailleront de manière légale, parce qu’il y a des gens qui travaillent travail au noir, pas toujours, mais… Et les personnes âgées – cela, je l’ai dit à propos de l’Amérique Latine, de mon pays, mais je crois que c’est un problème universel, ou de beaucoup de pays, ou de certains autres continents – les personnes âgées, on se débarrasse d’elles au moyen d’une euthanasie dissimulée. La sécurité sociale rembourse les médicaments jusqu’à un certain point et ensuite il faut se débrouiller !

Une Europe fatiguée parce qu’elle est désorientée. Et je ne voudrais pas être pessimiste, mais disons la vérité : après l’alimentation, les vêtements et les médicaments, quelles sont les dépenses les plus importantes ? Les produits de beauté et puis, je ne sais pas comment cela se dit en italien, les « mascottas », les animaux de compagnie. Les gens ne font pas d’enfants, mais ils donnent leur affection à un petit chat, ou à un petit chien. C’est le second poste de dépense après les trois principaux. Le troisième poste correspond à toute l’industrie qui favorise le plaisir sexuel. Donc l’alimentation, les médicaments, les vêtements, les cosmétiques, les animaux de compagnie et la vie de plaisir. Nos jeunes entendent cela, voient cela, vivent cela.

Ce qu’a dit Son Éminence m’a beaucoup plu, parce que c’est vraiment le drame de l’Europe aujourd’hui. Mais nous ne sommes pas à la fin. Je crois que l’Europe a beaucoup de ressources pour aller de l’avant. C’est comme si l’Europe avait aujourd’hui une maladie. Une blessure. Et sa plus grande ressource, c’est la personne de Jésus. Europe, reviens à Jésus ! Reviens à ce Jésus dont tu as dit qu’il n’était pas dans tes racines ! Voilà le travail des pasteurs : prêcher Jésus là où se trouvent ces blessures. Je n’en ai cité que quelques unes, mais ce sont de grosses blessures. Prêcher Jésus. Et je vous demande ceci : n’ayez pas honte d’annoncer Jésus-Christ ressuscité qui nous a tous rachetés. Et que le Seigneur ne nous réprimande pas, comme il réprimandait les deux villes dans l’Évangile de Luc, aujourd’hui.

Le Seigneur veut nous sauver. J’y crois, moi. Notre mission, c’est cela : prêcher Jésus-Christ, sans honte. Et Lui est disposé à ouvrir les portes de son cœur, parce que c’est surtout dans la miséricorde et dans le pardon qu’Il manifeste sa toute-puissance. Allons de l’avant dans la prédication. N’ayons pas honte. Il y a de nombreuses manières de prêcher, mais à notre mère l’Europe – ou à notre grand-mère l’Europe ou à l’Europe blessée – il n’y a que Jésus-Christ qui puisse dire aujourd’hui une parole de salut. Il n’y a que Lui qui puisse ouvrir une porte de sortie.