Lu chez E&R :
« Une mythomanie ordinaire
Les actes antisémites remplissent les colonnes des journaux, font régulièrement la une des JT, et sont au cœur de l’attention des pouvoirs publics. Des agressions ou des propos dont le mobile est a priori un antisémitisme dont on annonce chaque jour l’expansion galopante en France. Mais une fois passé le matraquage médiatique, ces « actes antisémites » s’avèrent souvent être des faux. Entre temps, le mensonge répété mille fois est devenu une idée répandue, une vérité : « La France est un pays antisémite »… […]
10 – Un prétexte pour changer de HLM
10 février 2015 au matin. Des dépêches pleuvent. Dans le 16ème arrondissement de Paris, une vingtaine de voitures ont été retrouvées taguées du mot « juif ». Un acte antisémite odieux dans une France encore sous le choc des attentats qui ont secoué Paris un mois auparavant. Le site Internet du Point titre sur « l’antisémitisme ordinaire » et l’information est immédiatement relayée par l’organisation qui s’est donné pour mission la lutte contre l’antisémitisme : la LICRA.
Dans l’après-midi, on apprend que celui qui a tagué « juif » sur des véhicules stationnés sur les avenues du Général-Clavery et Dode-de-la-Brunerie, un homme âgé de 73 ans, a été pris en flagrant délit la veille au soir. C’était en réalité la quatrième tentative d’un couple de septuagénaires (dont la femme est de confession juive), de se faire passer pour victime d’antisémitisme afin de changer de HLM…
En effet, le couple se rend une première fois au commissariat de police en juillet 2014 pour signaler la présence de croix gammées sur sa boîte aux lettres, sur son palier et sur la porte de son logement situé dans un immeuble de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP). En août, ils portent plainte pour dénoncer les mêmes faits. En décembre, de nouvelles inscriptions sont retrouvées dans le HLM : des croix gammées et des inscriptions « sale juif ». Et encore le mois suivant, en janvier 2015. Quand la police prend en flagrant délit l’auteur des tags « juif » sur les voitures, les enquêteurs comparent l’écriture avec celle des précédents « graffitis antisémites », notamment les tags retrouvés sur les murs et la boîte aux lettres de l’immeuble. Une source proche du dossier rapporte alors :
« Ça commençait à faire beaucoup. Plusieurs personnes ont été interrogées et des tests d’écriture ont été réalisés… C’est là que les policiers ont estimé qu’il y avait quelque chose de vraiment bizarre dans cette histoire. Autre coïncidence, le couple B. a indiqué qu’il était parti un moment de son logement pour se protéger. Pendant cette période, il n’y a eu aucune inscription. Les policiers étaient convaincus que c’était lui, mais il leur manquait une preuve. Avec ce flagrant délit, ils ne pouvaient être mieux servis. […] Le couple voulait changer de logement. On ne sait pas pourquoi car il vivait à deux dans 59 m². Il avait fait deux demandes à la RIVP qui ont été refusées. Il s’agissait peut-être d’une stratégie pour obtenir gain de cause. » (Metronews, 10 février 2015)
Une question reste en suspend : les quatre plaintes précédant le flagrant délit ont-elles été comptabilisées dans les chiffres de l’antisémitisme en France ?
9 – Le coup de l’assurance
1er novembre 2003, 23h40. Le restaurant casher L’Atrium, à Aubervilliers, appartenant à un certain Richard B., âgé de 51 ans, est le théâtre d’un violent incendie. Le patron avance aussitôt la thèse d’un acte antisémite, dont la communauté juive se fait aussitôt l’écho. La preuve ? La mezouzah [1] de la porte arrière a été arrachée et jetée à terre !
Sauf qu’au cours de l’enquête, la police découvre que l’homme croule sous les dettes de loyer (6 000 €), que son affaire n’est pas rentable et qu’il avait reçu, quinze jours avant le sinistre, une notification d’expulsion de l’établissement. Pour s’en sortir financièrement, Richard B. a alors décidé d’incendier son restaurant karaoké afin de se retourner vers son assurance, qui prévoyait un dédommagement de 300 000 € en cas de sinistre. Le laboratoire scientifique de la préfecture de police n’a pas été long à dénoncer un acte criminel. L’homme, placé en garde-à-vue, avouera rapidement son forfait. À sa décharge, il n’est ni le premier ni le dernier à tenter cette petite escroquerie quelque peu éculée, mais toujours bien rentable. Cette coupure du Quotidien de Paris du 26 septembre 1980 relate un fait similaire. Le « fascislamisme » n’étant pas encore à la mode, le vendeur de prêt-à-porter avait dénoncé un « attentat nazi » :
- Quotidien de Paris, 26 septembre 1980
8 – L’incendie du Centre social juif de la rue Popincourt
22 août 2004, 3h30 du matin. Le centre social juif de la rue Popincourt (Paris 11ème) est en flammes. Les pompiers découvrent, après avoir maîtrisé l’incendie, que les murs sont couverts de tags antisémites. Outre des croix gammées, on peut lire ces inscriptions au feutre : « Les juifs dehors », « Sans les juives, le monde serait heureux », « Itler = la France », « Vive l’Islames ».
Les réactions ne se font pas attendre : immédiatement, le président de la République, Jacques Chirac, renouvelle sa pleine solidarité à l’ensemble de la communauté juive. Dès 9 heures du matin, Bertrand Delanoë, maire de Paris, arrive sur les lieux accompagné du rabbin du XIe arrondissement.
Il est rapidement rejoint par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, rentré en urgence de Poitiers, qui déclare :
« Le parquet requerra la peine maximale, et l’ensemble des forces du pays sera mobilisé pour que l’arrestation des auteurs soit rapide. »
Le trésorier de l’Union israélite sépharadite de France, dont dépend le centre, un certain Marcel Gotlib (également dessinateur de bandes dessinées), appelle les autorités à « prendre des mesures draconiennes ». Au micro d’Europe 1, Roger Cukierman, déjà président du CRIF, dénonce le « laxisme » de la justice, qui a « créé un véritable sentiment d’impunité par des relaxes systématiques ». Et de conclure :
« Ce laxisme permet aux antisémites de tous bords de s’exprimer librement. Pourquoi se priver quand on ne risque rien ? »
Trois jours plus tard, lors d’une visite en France, le ministre des Affaires étrangères israélien, Sylvan Shalom, se rend sur place et appelle les autorités françaises à prendre le phénomène de l’antisémitisme à bras-le-corps, évoquant la nécessité de « lois plus dures ».
Une semaine plus tard, un certain Raphaël Benmoha, âgé de 52 ans, né à Casablanca, au Maroc, est mis en examen pour « incendie volontaire ». Ce marginal fréquentait le Centre social juif et allait être expulsé d’un studio qui lui avait été prêté par le biais d’un « rabbin ». Fulminant contre les « rabbins », Benmoha se serait vengé. Même s’il nie tout en bloc, le double des clés du local et le marqueur qui a servi aux inscriptions sont retrouvés à son domicile. Raphaël Benmoha se serait inspiré d’un épisode de la série télévisée PJ, tourné un an auparavant au centre de la rue Popincourt.
7 – Les Farhi, une famille de rabbins au-dessus de tout soupçon
3 janvier 2003. Le rabbin Gabriel Farhi est victime d’une odieuse agression antisémite à l’arme blanche dans sa synagogue du 23 rue Piéton dans le 11ème arrondissement. Transféré à l’hôpital Saint-Antoine, il en sort le soir même. L’agression est survenue vers 16h30, alors qu’il était seul à ce moment dans la synagogue avant le début de l’office du shabbat prévu à 18h30. Il déclare :
« Quelqu’un a sonné à la porte. J’ai ouvert, un homme un peu plus petit que moi – environ 1,75 mètre –, la tête couverte d’un casque de moto intégral avec la visière opaque rabaissée, a prononcé « Allahou Akbar » – Dieu est grand – et m’a donné un coup de couteau. Son accent était très français. »
Le matin même, une lettre anonyme était arrivée au siège du Mouvement juif libéral de France (MJLF), affirmant :
« Nous aurons la peau du rabbin Gabriel Farhi et nous vengerons le sang de nos frères palestiniens […] Après avoir mis le feu à sa synagogue, nous nous vengerons directement sur lui. »
Tout est clair : l’agression porte la marque de l’antisémitisme et la lettre anonyme revendique l’incendie qui s’est déclaré dans la synagogue en mai 2002. Et l’on oublie que les expertises ont conclu que c’est un court-circuit qui a déclenché le sinistre (cf. Le Parisien, 4 mai 2002).
Immédiatement, le président de la République Jacques Chirac fait porter à la victime une lettre pour condamner « avec la plus grande fermeté cet acte de violence intolérable qui vise un militant de la paix et du dialogue entre les religions […] Il ne peut y avoir dans notre République de place pour l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie, ni pour les manifestations d’intolérance religieuses. » Le rabbin Farhi est immédiatement placé sous protection policière et le ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, fait part de sa « détermination » à élucider l’affaire. Cinq jours plus tard, une « prière pour la fraternité et la solidarité » est organisée à la synagogue. Sont présents : Nicolas Sarkozy, Bertrand Delanoë (maire de Paris), Jack Lang, Guy Béart, Mgr Jean-Marie Lustiger (archevêque de Paris), Dalil Boubakeur (recteur de la Mosquée de Paris), ainsi que quatre anciens premiers ministres : Édouard Balladur, Alain Juppé, Laurent Fabius et Lionel Jospin.
Neuf jours plus tard, non seulement l’affaire n’est pas résolue, mais les enquêteurs de la PJ sont de plus en plus perplexes face à « une quinzaine d’éléments accréditant des zones d’ombre qui fragilisent la version de M. Farhi ». Les enquêteurs soulignent également les « déclarations contradictoires du rabbin ». Marianne (20 janvier 2003) et Le Figaro (21 janvier) rapportent une note du médecin-chef des pompiers décrivant une « plaie hésitante pouvant correspondre à une automutilation »…
Les enquêteurs vont également creuser une autre piste, plus « têtue », celle d’un « ami » du rabbin, l’universitaire Charles Leselbaum, directeur du Centre d’études ibéro-latino-américaines appliquées (CEILA) de Paris IV, qui, suspecté d’être l’auteur des menaces de mort par écrit, sera mis en examen. Il démentira vigoureusement dans Le Parisien, puis sera également blanchi. L’enquête durera 5 ans au total, au terme desquels le juge Marie-Antoinette Houyvet a rendu une ordonnance de non-lieu le 4 septembre 2008.
Cette affaire aura mis en cause une personnalité importante du judaïsme français (il a guidé Dany Boon dans sa conversion, par exemple), qui a dirigé entre 1995 et 2007 le Mouvement juif libéral de France, MJLF lancé par son père, le rabbin Daniel Farhi, en 1977. Ce dernier, Chevalier dans l’ordre national du Mérite (1988), Chevalier puis Officier de la Légion d’honneur, a été placé en garde en vue en 2012 pour présomption d’agression sexuelle sur mineure par le Brigade de protection des mineurs de la PJ parisienne, puis déféré au parquet. Dans cette affaire qui remonte aux années 1990, un non-lieu a finalement été rendu en novembre 2014.
6 – Pour Klugman, les propos de Le Pen sont inspirés d’Adolf Hitler
25 avril 2002. La « peste brune » s’est abattue sur la France : Jean-Marie Le Pen est au deuxième tour de l’élection présidentielle. Au soir du 21 avril, le président du Front national a déclaré :
« Socialement je suis de gauche, économiquement de droite et, nationalement, je suis de France. »
Une phrase antisémite ? « En déclarant qu’il était socialement de gauche et nationalement de France, Jean-Marie Le Pen a repris les termes employés par Adolf Hitler en novembre 1932 dans son discours de clôture du congrès du Parti national-socialiste. Le Pen a fait son coming-out et a révélé ses convictions hitlériennes », déclare Patrick Klugman, le vigilant président de l’Union des étudiants juif de France (UEJF). Klugman a en fait donné écho a une rumeur qui s’est rapidement repandue sur Internet, puis dans les médias et les organisations antiracistes, qui ont répercuté l’info : la phrase de Le Pen est un copier-coller d’une citation du Führer du 29 novembre 1932 au congrès du parti nazi !
Sauf que le lendemain de la sortie de Klugman, on peut lire ce petit entrefilet dans Libération :
« Renseignement pris, il n’y a pas eu de congrès du NSDAP en novembre 1932, et Hitler n’a jamais prétendu que son “cœur était de gauche”, pour reprendre les termes exacts de la rumeur. »
En réalité, il ne s’est rien passé ce 29 novembre 1932, sauf une chose : la naissance d’un certain Jacques Chirac.
5 – Quand le grand rabbin de France affabule
13 octobre 2000, 8h du matin. La seconde intifada a commencé depuis deux semaines en Palestine. En direct de Jérusalem, où il s’est rendu pour assister à la fête des Cabanes, le grand rabbin Sitruk est invité à réagir sur France Inter. Il lance :
« Nous avons appris que [dans une école juive du XIXème arrondissement de Paris] des jeunes gens avaient été poignardés, six précisément. L’un d’eux est décédé des suites de ses blessures. C’est extrêmement grave. C’est la première fois qu’un juif est assassiné en France depuis la guerre, parce qu’il est juif et uniquement parce qu’il est juif. »
Le jour même, la police se rend sur place et découvre immédiatement qu’il s’agit d’une affabulation du grand rabbin Sitruk. Heureusement, Henri Tincq, « journaliste » et expert en religion du Monde, viendra à sa rescousse dans un article intitulé : « Le grand rabbin de France est victime de rumeurs » (15 octobre 2000). L’honneur est sauf, Joseph Sitruck est une « victime »…
L’article d’Henri Tincq a néanmoins le mérite de donner une explication au nombre pléthorique de fausses agressions antisémites :
« “De telles rumeurs, on en reçoit une cinquantaine par heure !”, dit-on dans les radios juives : femmes poussées sous le métro, enfants agressés à la sortie du lycée Yavné (13e arrondissement), etc. »
Et Libération (14 octobre 2000) de confirmer :
« Les fausses nouvelles se multiplient. Ainsi, le meurtre relaté vendredi par Joseph Sitruk avait déjà été “révélé” mercredi à la rédaction de Libération par un informateur qui précisait que la victime était scolarisée à Beth Ohr Joseph, une école privée du XIXème arrondissement parisien. Cette information, bien que démentie par l’école, a été colportée par des dizaines d’interlocuteurs de bonne foi. Michel Zerbib, directeur de l’information de Radio J, a reçu une cinquantaine de coups de fil pour la seule journée de mercredi : “On passe notre temps à vérifier des rumeurs presque toujours infondées.” »
4 – Les propos « négationnistes » de José Bové
3 avril 2002. José Bové mets les pieds dans le plat. De retour de Palestine, le leader de la Confédération paysanne donne une conférence de presse. Alors que quelques jours avant, des incendies de sont déclarés dans des synagogues, José Bové brise un tabou :
« Il faut se demander à qui profite le crime. Je dénonce tous les actes visant des lieux de culte. Mais je crois que le gouvernement israélien et ses services secrets ont intérêt à créer une certaine psychose, à faire croire qu’un climat antisémite s’est installé en France pour mieux détourner les regards. »
Lors de cette conférence de presse, il accuse également Israël de « purification ethnique ». Le lendemain de cette sortie, le B’nai B’rith « condamne avec la plus grande fermeté les propos de José Bové qui insinuent que la campagne menée par les Israéliens contre le terrorisme, certes brutale, s’apparente aux actes commis par les nazis. Ce qui revient ni plus ni moins à nier la Shoah. C’est une faute historique, une faute morale monstrueuse, que l’ensemble de la classe politique devrait condamner. »
Dans son communiqué, le B’naï B’rith « demande immédiatement » à José Bové de « s’excuser publiquement de la tenue de pareils propos ». Le 2 mai 2002 sur France Info, Alain Juppé l’accuse d’être « un des grands complices de M. Le Pen depuis des années ». Acculé, José Bové va s’excuser, d’abord dans Marianne, puis devant la France entière, sur France 2, le 14 septembre 2002 :
C’est à cette époque que José Bové, comme une dizaine d’autres militants antisionistes, pro-palestiniens ou modérément pro-israéliens (le militant écologiste Alain Lipietz, l’avocate et épouse de Carlos, Isabelle Coutant-Peyre, le cinéaste israélien Eyal Sivan ou le secrétaire général des Amitiés franco-irakiennes, Gilles Munier, etc.) reçoit une lettre jointe d’une balle de calibre 22 LR, accompagnée de la mention suivante : « La prochaine n’arrivera pas par la poste. »
Des plaintes sont déposées et la police ouvre une enquête, qui va déboucher sur l’arrestation d’un certain Raphaël Schoemann, un retraité de 65 ans, marié et père de deux enfants, au casier judiciaire vierge, qui voulait s’en prendre à des personnes qu’il estimait « antisémites ». Raphaël Schoemann signait ses courriers « Nadine Mouk », une formule qui signifie en arabe dialectal : « Maudite soit la religion de ta mère. » Lors de la perquisition de son domicile, les enquêteurs trouvent un véritable arsenal de guerre : un fusil à répétition SIG, un revolver Smith & Wesson, deux armes interdites à la vente en France et acquises illégalement en Suisse quelques mois après l’envoi des courriers, un fusil à pompe calibre 12, un revolver 22 LR, un fusil Winchester, une visée laser et des munitions. L’homme était inscrit à la Fédération française de tir et s’entraînait régulièrement. Lors de sa garde à vue, il assure évidemment :
« Je n’avais aucune intention de passer aux voies de fait, surtout avec des armes. »
Pour sa défense, il assure avoir été fortement marqué par l’expérience de ses parents, internés à l’arrivée des nazis en Allemagne. Pour le psychiatre, l’homme est lucide, il a l’entière responsabilité de sa conduite. S’il s’était agi d’un militant nationaliste ou d’un musulman, nul doute qu’au vu de l’arsenal et des menaces de morts proférées, menace terroriste oblige, l’affaire aurait été portée au sommet de l’État. Mais Raphaël Schoemann ne sera condamné en première instance par le Tribunal correctionnel de Paris qu’à 1 euro de dommage et intérêt à verser à chacune de ses victimes et 10 mois de prison avec sursis.
De son côté, bien qu’ayant fait Techouvah, José Bové va perdre le soutien que lui apportaient les médias. Devenu une « idole en fin de cycle » (L’Express, 1er mars 2004), il renonce à son mandat de porte-parole de la Confédération paysanne en août 2003. Après avoir fait 1,32 % lors de l’élection présidentielle de 2007, on le retrouvera en 2009 au côté de Daniel Cohn-Bendit comme député Europe Écologie les Verts de la région Sud-Ouest aux européennes. Depuis, on ne l’a plus entendu parler de la cause Palestinienne, puisqu’on ne l’a plus entendu parler du tout…
3 – Alex Moïse, victime des partisans de Dieudonné ?
9 janvier 2004. Alex Moïse se rend au commissariat de police du 18ème arrondissement. La veille au soir, il a reçu des menaces de mort et des injures racistes lors d’un appel téléphonique anonyme : « Sale youpin », « tu vas crever, sale sioniste, tu vas crever ». À la police, il explique que ces menaces sont doute dues à son combat contre Dieudonné. Un mois plus tôt, l’humoriste a joué son fameux sketch chez Marc-Olivier Fogiel sur France 3. Un sketch antisémite pour Alex Moïse, qui, du coup, à lancé un « comité citoyen antiraciste » . En tant que président de ce « comité citoyen antiraciste », Alex Moïse appelle les salles où doit se produire Dieudonné et obtient l’annulation de ses spectacles à Roanne, Deauville, Bourg-Lès-Valence. Il est également à l’origine de la pétition réclamant l’annulation du spectacle du 20 février 2004 à l’Olympia.
Cinq mois après la plainte, l’affaire de menaces antisémites se dégonfle totalement. Alex Moïse est condamné le 6 mai 2004 à 750 euros d’amendes et deux mois de prison avec sursis. Les investigations auprès de l’opérateur téléphonique ont prouvé qu’il s’était adressé à lui-même des insultes antisémites par téléphone. Rien à voir donc avec de prétendus « partisans de Dieudonné ».
Cette affaire pourrait prêter à sourire si Alex Moïse n’était qu’un marginal. Mais l’homme est un militant communautaire de premier plan. Né en 1964, il a participé dès 1980 à la création de la Fédération sioniste de France et fait partie des fondateurs de Radio Shalom, sur laquelle il anime l’émission Shalom Hebdo. « Attaché à l’idéologie du Grand Israël » (Actualité juive du 24 juillet 2008), ce porte-parole en France du Likoud figurait sur la liste RPR-UDF dans le 2ème arrondissement de Paris aux élections municipales de 1995, puis en 2001 sur la liste de Jean-Pierre Pierre-Bloch (candidat de Jean Tibéri) dans le 18ème arrondissement. Lors de son décès en décembre 2012, le président du CRIF Richard Prasquier saluera « un militant exceptionnel, recherchant toujours l’intérêt collectif avant les préoccupations d’amour-propre personnelles. Il avait l’amour d’Israël chevillé au corps, était au premier rang quand il s’agissait de lutter contre les manifestations de haine anti-israélienne. »
2 – L’Affaire du RER D
10 juillet 2004, 19h42. Une dépêche de l’AFP tombe : « Ils agressent une femme et lui dessinent des croix gammées sur le ventre. » Le récit est affirmatif et ne comporte aucun conditionnel.
La veille, vers 9h30 Marie–Léonie L., 23 ans, prend le RER D en gare de Louvres (Val-d’Oise) avec son enfant de 13 mois. Six garçons sont montés avant elle, soit à Borne-Blanche ou à Survilliers-Fosses. À en croire le récit de la jeune femme, elle « voit du coin de l’œil six loulous costauds et baraqués, qui ont l’air d’avoir entre 15 et 20 ans, descendre de l’étage et se ruer sur elle […]. Ils l’entourent et lui appuient tout de suite sur la nuque pour qu’elle garde la tête baissée en permanence. » Ils ont le look « racailles de banlieue », portent des casquettes et tiennent, pour trois d’entre eux, des poignards à la main. Elle pense « qu’il y a trois Maghrébins et trois Africains ».
Ils s’en prennent aussitôt à sa poussette et lacèrent le sac à langer posé sur le bébé avant de s’en prendre à son sac à dos, qu’ils fouillent, trouvent son argent (200 €) et sa carte bleue, puis tombent sur ses papiers d’identité. À la lecture de son adresse dans le 16ème arrondissement de Paris, ils s’énervent. « Dans le 16ème, y a que des gosses de riches, y a que des feujs », lance l’un d’eux. Ils sont persuadés qu’elle est juive. Le doute n’est plus permis : l’agression est antisémite.
Ses agresseurs, toujours selon la jeune femme, déchirent son t-shirt et mettent ses vêtements en lambeaux. Avec la pointe d’un poignard, ils la griffent sur le cou, les mains, le corps, puis sortent un feutre et dessinent sur son ventre, sous les seins jusqu’au pubis, trois croix gammées.
Au bout d’un quart d’heure de mauvais traitements, depuis Louvres, le RER arrive en gare de Garges-Sarcelles dans le Val d’Oise. Non content de lui infliger un coup de pied qui la laisse à terre, ils prennent son sac et sa carte bancaire puis « balancent la poussette sur le quai et le bébé roule sur trois mètres ». Des témoins de la scène portent alors secours à la mère et au bébé. La jeune femme appelle son compagnon, qui vient la chercher et l’accompagne au commissariat d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, où elle réside. Transportée à l’unité médico-judiciaire avec son enfant, qui n’a rien, elle se voit attribuer un arrêt temporaire de travail de dix jours. La police judiciaire de Versailles est saisie par le procureur. La police se met alors en quête de témoins et notamment les passagers installés au premier étage du wagon. Mais personne ne s’est manifesté pour témoigner de cette agression barbare.
Le soir où tombe la dépêche AFP, les réactions s’enchaînent. Dominique de Villepin, alors ministre de l’Intérieur, embraye :
« Le ministre de l’Intérieur condamne cette agression ignoble […] aggravée de gestes racistes et antisémites. »
Il donne des « instructions pour retrouver les auteurs dans les plus brefs délais ».
Dans la foulée, le président de la République, Jacques Chirac, lance ce communiqué :
« J’apprends avec effroi l’agression à caractère antisémite dont ont été victimes une jeune femme et son enfant. […] Je lui exprime ainsi qu’à tous les siens ma vive émotion et ma profonde sympathie. »
11 juillet. Nicole Guedj, secrétaire d’État aux droits des victimes (qui occupait avant sa nomination le poste d’administratrice du Consistoire israélite de France), s’entretient l’après-midi avec la jeune femme au téléphone puis lui rend visite le lendemain :
« J’ai trouvé une jeune femme digne, courageuse, très lucide, déterminée à ce qu’on mette tout en œuvre pour retrouver les agresseurs. Mais aussi une jeune femme qui craint que ses agresseurs ne la retrouvent […] Tout est insoutenable, surtout après l’appel « au sursaut » du président de la République […] Il faut que la loi soit pleinement appliquée. » (Actualité juive, 14 juillet 2004)
Claude Goasguen, député UMP du XVIème arrondissement, appelle à « modérer les discours sur Israël » :
« Dans cet acte épouvantable, il y a un mélange de racisme social, d’antisémitisme et d’antisionisme. […] Le mélange d’anticapitalisme et d’antisémitisme rappelle furieusement un passé tragique et honteux de la France. Il est grand temps que les pouvoirs publics prennent conscience que dans la politique du Moyen-Orient, Israël n’est pas forcément le coupable de tous les maux. Tous ceux qui en sont conscients doivent modérer leur discours sur Israël. […] Ce qui n’enlève rien à la nécessité de poursuites contre des éléments désormais dangereux pour la société française. »
Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, dénonce, au nom du gouvernement, le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme, « les pires dérives mortelles pour notre démocratie ». Alain Juppé, alors à la tête de l’UMP, dénonce une agression « odieuse et barbare ». Plus inattendu, Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP, dénonce un « insoutenable acte fasciste », considérant qu’un « pas supplémentaire vient d’être franchi dans l’ignominie antisémite ».
Le soir, l’affaire fait la une de tous les JT.
12 juillet. Le Figaro titre : « Le train de la haine » ; Libération : « Antisémitisme. Une historie française » ; Le Parisien : « Mobilisation contre l’antisémitisme » ; etc. La LICRA dénonce ces « nazis de banlieue (qui) défient la France ». À gauche, chacun y va de son indignation, la palme revenant sans doute à Jean-Paul Huchon, qui ouvre une réunion exceptionnelle du conseil régional d’Île-de-France par la phrase : « Les loups sont entrés dans Paris. »
Pendant ce temps, la SRPJ de Versailles cherche les coupables et recueille le témoignage spontané d’une proche de la victime. Elle souligne la mythomanie de la jeune femme. Elle raconte aux enquêteurs que celle-ci n’en est pas à son coup d’essai. Des accusations que les policiers vont prendre avec prudence dans un premier temps. Un second témoignage est plus embarrassant : la victime présumée aurait été vue montant dans le RER D à la station Louvres avant son agression, avec des vêtements déjà déchirés.
Par ailleurs, la lecture des vidéos de la SNCF pouvant aider à l’identification des agresseurs à la gare de Garges-Sarcelles, ceux-ci ayant sauté sur le quai avant de s’enfuir, ne montrent rien d’une telle scène. Puis la police découvre que la jeune femme a déjà porté plainte six fois dans les cinq dernières années dans des affaires de vol ou d’agression. Des plaintes restées sans lendemain.
13 juillet. Lors de son audition à l’antenne de police judiciaire de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) dans l’après-midi, Marie-Léonie L. est placée par ses enquêteurs face à ses contradictions et aux incohérences de son récit apparues au fil des vérifications. Elle commence par déplacer le lieu de l’agression en dehors du train, puis rapidement, finit par craquer et admet avoir tout inventé de A à Z. Placée en garde à vue pour « dénonciation de délit imaginaire », elle reconnaîtra s’être elle-même porté les marques de coups de couteau, s’être coupé une mèche de cheveux et avoir tracé les croix gammées.
Le commissaire chargé de l’enquête explique :
« Elle voulait attirer l’attention sur elle et son entourage pour qu’on s’occupe d’elle. Elle avait le bourdon, ça n’allait pas dans sa tête et dans sa vie. En fait, elle est fatiguée du cerveau et, nous, on pédale depuis deux jours entre Louvres et Aubervilliers pour vérifier sa plainte. »
Le soir, l’affaire, définitivement dégonflée, fait de nouveaux la une des JT :
17 juillet. Filmée de dos par une caméra, Marie-Léonie L. lit un cours texte :
« Je suis profondément désolée de tout ce qui est arrivé par ma faute. Je présente mes excuses au président de la République, à Nicole Guedj, aux personnes qui ont manifesté leur soutien à mon mensonge. »
1 – Le Commissaire Ghozlan, pourvoyeur de fausses agressions antisémites
L’affaire du RER D pose une question : comment une information non-vérifiée (et qui s’avère être mensongère) peut-elle, en moins de 24 heures, mobiliser toute la République et devenir le centre d’attention de la machine politico-médiatique ? L’étude du cas Sammy Ghozlan est indispensable pour comprendre comment nombre de pseudo-affaires sont montées et relayées.
Originaire de Constantine, où il a grandit avec Enrico Macias, Alain (de son vrai prénom) Ghozlan est arrivé en France en 1961.
Après avoir été instituteur, il a passé le concours de commissaire de police, avant de rejoindre l’Office central des stupéfiants. Candidat à diverses élections en Seine-Saint-Denis, il a notamment été élu conseiller municipal RPR-UDF au Blanc-Mesnil, tout en s’engageant pleinement dans la vie communautaire juive. Il a animé Génération dance sur Judaïque FM, chanté dans les mariages et les Bar Mitsvah et sa personnalité truculente a inspiré Alexandre Arcady pour le rôle de l’inspecteur de police Sam Bellamy, incarné par Patrick Bruel dans le film K, sorti en 1997 (cf. Tribune juive, 12 septembre 1996).
Commissaire de police honoraire, Sammy Ghozlan est membre de Siona (« Association d’aide aux plus démunis en France et en Israël »), du Secours français pour Israël, du Fond social juif unifié et de la loge Deborah-Sam Hoffenberg du B’naï B’rith à Vincennes. Il préside également le Conseil des communautés juives de Seine-Saint-Denis (CCJ93) et occupe la vice-présidence du Consistoire de Paris.
En mars 2002, avec les soutiens de l’Union des patrons juifs de France et de l’Association Verbe et Lumière (émanation du centre Simon Wiesenthal), le commissaire Ghozlan monte le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA). Fort de réseaux à cheval entre la communauté juive et les institutions politiques, policières et judiciaires, il obtient que le BNVCA « édite un formulaire de déclaration qui constitue une véritable saisine judiciaire de nature à compléter, voire remplacer le procès-verbal en cas de difficulté à déposer plainte auprès d’un service de police. Ces formulaires sont reconnus par les autorités judiciaires et préfectorales. »
À en croire le BNVCA, en cas d’agression antisémite, plus besoin de la police, un formulaire pré-rempli sur Internet remplacerait un procès-verbal des autorités policières et serait reconnu par les autorités judiciaires et préfectorales. Bientôt plus besoin de juge non plus ?
Avec de telles méthodes, on comprend aisément le nombre pléthorique de fausses agressions antisémites pouvant être montées en épingle. EuroPalestine (23 septembre 2010) a dénoncé le rôle du BNVCA dans l’affaire du RER D :
« En début de soirée, le BNCVA passe en effet un appel téléphonique à l’Agence France-Presse (AFP), où il a une correspondante bien disposée à son égard. Il la branche sur ce “gros coup”. La journaliste appelle alors les services de police, qui lui confirment qu’il y a bien une plaignante correspondant à ce que la journaliste leur raconte. L’AFP lance alors l’affaire, relayée en quelques dizaines de minutes par des communiqués indignés du ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, puis du président de la République, et par ricochet, de tout l’établissement politique et médiatique. »
Aussi Sammy Ghozlan a-t-il tendance à transformer de simples bagarres où des juifs sont impliqués en agressions antisémites odieuses. Comme dans l’affaire Rudy Haddad, en juin 2008, ou lors d’une bagarre dans un train au printemps 2012. À l’époque, Alain Soral avait démonté l’affaire :
Après une énième affaire de fausse agression antisémite relevée en février 2011 (une synagogue incendiée accidentellement en Tunisie s’était transformé en « saccage antijuif », cf. Actualité juive du 3 février 2011) et une plainte déposée pour antisémitisme contre Stéphane Hessel (!), le président du CRIF de l’époque, Richard Prasquier, jugeant Ghozlan « incontrôlable » (Actualité juive, 3 mars 2011), le suspend de ses fonctions au comité directeur du CRIF, où il l’avait pourtant coopté.
Malgré ses méthodes, Sammy Ghozlan reste une personnalité incontournable tant en France qu’à l’international. En juin 2006, lors d’un discours au prestigieux Forum de Crans-Montana, ce simple militant communautaire a pu, par exemple, sermonner publiquement Tariq Ramadan. Il figure dans le dernier Top 100 des personnes influençant positivement la vie juive dans le monde, établi par The Algemeiner, l’organe de référence de la communauté juive new-yorkaise (Elie Wiesel en préside le conseil de surveillance). À titre de comparaison, les autres « Français » figurant dans ce classement sont le président du CRIF, Roger Cukierman, le président du Consistoire, Joël Merghi, le grand rabbin Haïm Korsia, Jonathan Simon-Sellem, Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Patrick Drahi et Manuel Valls… En juillet 2010, Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, avait remis les insignes de Chevalier de la légion d’Honneur à ce « policier républicain ».
Pour en finir avec la mystification de l’antisémitisme, nous conseillons de voir ou revoir Defamation, le reportage d’un jeune israélien au cœur de l’Anti-Defamation League du B’naï B’rith, la plus grande organisation mondiale de « lutte contre l’antisémitisme » :
Remerciements à Emmanuel Ratier et à la revue Faits & Documents pour la documentation nécessaire à cet article. »
BONUS :
Les graffitis antisémites de Marseille en 2017 avaient fait un énorme scandale médiatique. Moins bruyante avait été la découverte, là encore, de la supercherie :