L’affaire ne pouvait pas tomber plus mal. Le 21 janvier, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre des chars, conduits par l’armée turque, lancer une offensive dans la zone d’Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie, contre la milice kurde YPG, alliée des Etats-Unis. L’intervention en elle-même est déjà explosive, mais voilà que des experts allemands identifient en plus les engins : il s’agit de chars Leopard 2, grand succès d’exportation d’armement made in Germany. Ces chars, fabriqués par le groupe bavarois Krauss-Maffei Wegmann (KMW), ont été exportés depuis 2005 vers la Turquie. Celle-ci en possède aujourd’hui 354.
Les milieux pacifistes allemands – les Verts, la gauche radicale, les jeunes sociaux-démocrates – protestent. Berlin ne prétend-il pas officiellement appliquer une politique de contrôle ultrarestrictive de ses exportations d’armement ? Le Parti social-démocrate (SPD), n’a-t-il pas affirmé, au moment de participer au gouvernement de coalition dirigé par Angela Merkel, en 2013, son intention de restreindre fortement les ventes d’armes, a fortiori dans les zones de crise ? Le héraut de cette doctrine était alors Sigmar Gabriel, ancien ministre de l’économie… et actuel chef de la diplomatie allemande.
Cette polémique survient alors que le SPD est en négociations délicates avec les conservateurs pour former une nouvelle « grande » coalition gouvernementale, très critiquée par l’aile gauche du parti et par les jeunes. Le débat s’enflamme. A tel point que M. Gabriel annonce, fin janvier, le gel immédiat d’une opération de modernisation des chars Leopard, par le groupe Rheinmetall, qui avait été promise à Ankara.
Contradictions
L’épisode résume les contradictions allemandes en matière d’armement. Bien que le pays soit un leadeur mondial des matériels de défense, il assume très mal ses performances à l’export, condamnées par de larges pans de la population.