Ci-dessous l’analyse, non dénuée d’intérêt, de Bruno Mégret sur cette affaire.
« Avec l’affaire Leonarda, le pouvoir socialiste ainsi que la classe médiatique ont donné la pleine mesure de leur nullité. Voici en effet un événement des plus mineurs qui fait la une de l’actualité politique pendant près de dix jours, mobilisant ténors, reporters et manifestants de tout poils. Jamais sans doute n’avait-on vu un tel décalage entre la réalité de l’événement et l’agitation politico-médiatique qu’il a provoquée. Et jamais le caractère artificiel et manipulé de la scène publique n’était apparu aussi clairement.
Un non-événement
Car de quoi s’agissait-il ? Une famille de Roms présente illégalement en France est sous le coup d’une mesure d’expulsion devenue irrévocable après que tous les recours possibles auprès des juridictions administratives et judiciaires ont été épuisés. Rien donc que de très normal et de très légal.
Le père, qui avait quitté sa famille, est expulsé le 8 octobre et les services de police organisent l’expulsion de la mère et de ses six enfants pour le 9 octobre. Ils se présentent au domicile de la famille Dibrami à 6 h 30 pour constater l’absence de la jeune Leonarda qui n’a pas dormi chez elle et qui est partie pour la journée en excursion scolaire. La gendarmerie demande alors par téléphone à l’enseignante en charge de la sortie d’arrêter le bus sur le parking d’un collège. La jeune Leonarda en descend, accompagnée d’un professeur qui la conduit dans la cour de l’établissement à l’abri des regards.
Et c’est là qu’elle est prise en charge par la voiture de police qui la ramène auprès de sa mère. Et c’est cette banale histoire qui déchaîne les médias et la classe politique, comme si un crime avait été commis, comme si une ignominie avait été perpétrée. Aussitôt le choeur des bonnes âmes se met en marche, des manifestations sont organisées, les déclarations se multiplient. Et, pour couronner le tout, le président de la République en personne s’adresse sur ce sujet à la nation par une déclaration solennelle.
Une pitoyable affaire révélatrice de l’état de déliquescence du système politique français.
La manipulation par l’émotion
D’abord elle démontre que le pouvoir et l’opposition ne sont pas mus par la réalité des faits mais par des émotions mises en scène artificiellement par les médias. Il ne s’est rien passé, mais le système journalistique a monté en épingle cette action de police de routine pour susciter une émotion et une indignation collective.
Et cette affaire n’est qu’un révélateur car, de façon moins flagrante, c’est en permanence que le système fonctionne de cette manière : se saisir d’un fait divers dont on fait le battage médiatique pour déclencher la compassion et pousser les autorités du pays à modifier leur politique dans le sens recherché. Les médias manipulent en permanence l’opinion et les gouvernants en usant de l’émotion pour aller toujours plus loin dans le sens du politiquement correct.
La faiblesse pitoyable du politique
Cette affaire révèle par ailleurs l’extraordinaire faiblesse des hommes politiques et tout particulièrement celle du pouvoir socialiste et de M. Hollande en particulier. Au lieu de résister à cette sollicitation compassionnelle des médias, ils se précipitent en effet pour en rajouter dans le registre de l’émotion et des sentiments.
C’est à celui qui sera le plus indigné et le plus généreux. Pis, le président de la République s’en mêle, ridiculisant sa fonction au point d’être placé sur le même plan que la désormais fameuse Leonarda. Et l’on voit des journaux disposer sa photo à côté de celle de la jeune fille pour illustrer leur dialogue : «Tu peux revenir seule». «Non, je ne reviendrai pas sans ma famille». Car, plus grave que tout, le chef de l’Etat s’engage personnellement pour désavouer les forces de l’ordre et offrir le retour à l’intéressée tout en le refusant à sa famille pour couper la poire en deux en un lamentable et dérisoire arbitrage.
Cet épisode navrant montre aussi à quel point la manipulation fonctionne, notamment auprès des jeunes. Il est en effet étonnant de voir avec quelle rapidité certaines organisations politisées d’extrême gauche ont pu susciter des manifestations lycéennes à Paris et dans plusieurs villes de France. Et cette mobilisation, qui fonctionne pratiquement comme le réflexe de Pavlov, montre combien la jeunesse ou, à tout le moins une partie de celle-ci, est aujourd’hui privée de tout sens critique et, semble-t-il, inaccessible au simple bon sens, dominée qu’elle est par des mots d’ordre et des émotions. Cela pose d’ailleurs de façon inquiétante le problème de l’école qui ne forme plus des êtres libres capables de juger par eux-mêmes et de raisonner justement en s’appuyant sur les faits.
L’impuissance des autorités
Enfin, on mesure à cette occasion combien les procédures d’expulsion sont devenues aujourd’hui compliquées. En lisant le rapport de l’Inspection générale de l’administration du ministère de l’Intérieur, on apprend en effet que la famille de Leonarda était sous le coup d’une procédure d’expulsion depuis de nombreuses années. Quand enfin toutes les voies de recours ont été épuisées,
il a fallu s’y reprendre à trois fois avant que le père ne soit effectivement reconduit au Kosovo. Les deux premières tentatives avaient échoué parce que l’intéressé avait refusé de monter dans l’avion. On apprend aussi que, pour expulser le reste de la famille, les services de la gendarmerie et ceux de la police aux frontières ont été mobilisés. Une réunion de préparation a même été organisée deux jours plus tôt avec les directeurs concernés de la préfecture du Doubs. Et ce sont dix gendarmes et trois policiers qui sont présents le jour J pour réaliser l’opération d’expulsion.
Or, il ne s’agissait que d’une femme et de ses enfants !
Quand on sait que les immigrés clandestins se comptent par dizaines de milliers on comprend mieux le degré d’impuissance des autorités françaises face à la marée migratoire.
Au moment où les socialistes imposent aux Français, à travers des taxes, des impôts et des règlements toujours plus coercitifs, une véritable cure d’appauvrissement, il est scandaleux de voir à quel point le pouvoir, ignorant les souffrances de son peuple, se mobilise pour la défense d’une cause aussi artificielle que dérisoire.
Finalement, l’affaire Leonarda est bien une affaire d’État, non par ce qu’elle est mais par ce qu’elle révèle. »
Article paru dans le Chêne. Source : Synthèse nationale