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Les députés ont voté hier soir les mesures de contrôle et de surveillance
individuelles. Dans le lot, a été adoptée l’obligation pour une personne au
comportement suspect de fournir l’intégralité de ses identifiants aux
autorités administratives.
Le projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le
terrorisme poursuit sa route à l’Assemblée nationale. Les députés ont voté
tard dans la nuit l’article 3 du projet de loi où se nichent les mesures de
surveillance individuelle comme le port d’un bracelet électronique ou
l’obligation de pointer une fois par jour au commissariat du coin,
outre l’obligation de résider dans un périmètre déterminé.
Une autre mesure concerne tout particulièrement le domaine des nouvelles
technologies. C’est l’obligation de fournir ses identifiants. Comme relatée
dans notre panorama
,
elle avait été prévue dès le projet de loi initial, mais avait sauté au
Sénat. À l’Assemblée, en appui d’une confortable majorité, Gérard Collomb a
réinjecté la mesure.
Cette contrainte pèsera là encore sur la personne « *à l’égard de laquelle
il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue
une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics*
».
Ce n’est à dire vrai qu’une première condition puisque les autorités
devront aussi démontrer que celle-ci est entrée « *en relation de manière
habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou
participant à des actes de terrorisme* » ou bien a soutenu, diffusé
ou
adhéré «* à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou
faisant l’apologie de tels actes *».
Ceci fait, la personne au comportement et relations louches aura
l’obligation de déclarer tous ses « *identifiants techniques de tout moyen
de communication électronique dont elle dispose ou qu’elle utilise *».
Un seul identifiant oublié, trois ans de prison et 45 000 euros d’amende
Le moindre oubli sera lourdement sanctionné : jusqu’à trois ans
d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Hier, en séance, un seul
amendement
sur le
sujet a été examiné.
Déposé par des députés de la Gauche démocrate et républicaine il visait à
supprimer cette déclaration au motif qu’elle « *porte une forte atteinte
aux libertés constitutionnelles : respect de la vie privée, secret des
correspondances et droits de la défense* ».
Selon ses auteurs, comme d’ailleurs les sénateurs, « *nul n’est tenu de
participer à sa propre incrimination *». Et ceux-ci de revenir sur la
décision du Conseil constitutionnel du 4 novembre 2016 qui a rappelé « *le
principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de
se taire *».
Autre argument : cette mesure viendrait heurter le principe de nécessité
puisque la loi sur le renseignement prévoit depuis le 24 juillet 2015 une
armada de mesures pour « *récupérer les identifiants techniques de
connexion, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement ou du juge administratif, qu’il s’agisse de
l’accès aux données de connexion (article L. 851‑1 du Code de la Sécurité
intérieure) ou du recueil en temps réel des données de connexion (article
L. 851‑2 du Code de la Sécurité intérieure) *».
Enfin, les députés GDR ont jugé « *paradoxal *» d’inscrire cette obligation
dans le droit commun alors qu’elle n’est pas prévue dans le cadre de l’état
d’urgence, censé être plus sécuritaire que sécuritaire.
Une obligation adoptée « pour des raisons opérationnelles »
En fin de route, vers une heure du matin, le rapporteur a exprimé un « *avis
défavorable* » expliquant rapidement que l’obligation devait être
adoptée «* pour
des raisons opérationnelles* ». Et Gérard Collomb de se délester d’un même
« *avis défavorable* », sans autre explication.
La commission des lois avait déjà expliqué que ces informations, qui ne
concernent pas les mots de passe, seront « *très utiles aux services de
renseignement *» puisque ces derniers pourront alors suivre à la trace et
en temps réel les personnes concernées. Soit un véritable pont dressé avec
la loi sur le renseignement.
En séance, juste avant le vote rejetant cet amendement de suppression, Ugo
Bernalicis (FI) a fait cette mise au point : « *Donc, je résume : on est
suspect, on n’a pas de preuve, on est suspect. On peut se voir poser un
bracelet avec le consentement, on doit sinon pointer une fois par jour et
puis en plus, on doit communiquer ses identifiants, numéro de téléphone,
etc. *(…)* C’est aller très loin dans la remise en cause des libertés
individuelles (…) ou alors les principes évoqués de se taire (…) ne
veulent plus rien dire dans cette ère d’infrasoupçon* ». (3:46:00 de la
vidéo
).
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