Paru dans le n°3397 de Rivarol (30 octobre 2019) :
« A la mort du général Franco, le 20 novembre 1975, des funérailles grandioses lui furent organisées mais l’ampleur du cérémonial n’était pas l’essentiel, sinon la participation émue de centaines de milliers d’Espagnols qui lui rendaient ainsi hommage.
Le dimanche 23 novembre 1975 le cortège funèbre du général Franco partait de la Plaza de Oriente face au palais royal pour parcourir les 60 km qui séparent Madrid de la basilique de la Valle de los Caídos où l’attendait une foule d’environ 60 000 personnes dont beaucoup de phalangistes.
Près de quarante-quatre ans après cet hommage, un jour d’infamie lui succède, ce 23 octobre 2019, où vient d’avoir lieu l’exhumation de Franco de cette même basilique et sa réinhumation dans un lieu imposé par l’État contre la volonté de la famille.
Le 11 octobre, la garde civile avait investi la Basilique et l’avait fermée au culte, les moines eux-mêmes ne pouvant accéder à l’édifice. Tout fut ensuite mise en scène dans une volonté d’humilier post mortem l’ancien chef de l’État et sa famille. La basilique était isolée par la police pour empêcher tout participation populaire, les 22 membres de la famille autorisés durent passé par un portail scanner et remettre leur téléphone portable. Seule la télévision publique avait été autorisée à retransmettre l’événement. La famille porta le cercueil lors de la sortie sur une esplanade déserte, il lui avait été interdit de le recouvrir du drapeau espagnol… Le cercueil fut transféré en hélicoptère au cimetière du Pardo contre le souhait de la famille de l’inhumer dans le caveau familial de la cathédrale de la Almudena. Cet impudique cirque médiatique de propagande guerreciviliste avait réuni le non-respect de l’inviolabilité du lieu de culte, une exhumation à caractère profanatoire et enfin la dénégation d’un droit naturel élémentaire, qu’une famille puisse choisir le lieu d’inhumation de son défunt.
UNE EXHUMATION PROFANATOIRE
Comment a-t-on bien pu en arriver là ? La question mérite d’être posée quand on sait que la transition du régime franquiste à la démocratie libérale n’a pas été le résultat d’une poussée révolutionnaire mais a été hélas organisée par le régime lui-même, « de la loi à la loi ».
Franco aurait évidemment souhaité le maintien de son régime, mais le fait est qu’il n’a pas su créer les conditions nécessaires à sa continuation. La base idéologique du régime était une sorte de national-catholicisme, mais celui-ci avait été ébranlé dans ses fondements après le Concile Vatican II et son abandon du principe d’un État confessionnel. L’option fascisante de la Phalange n’avait, elle, jamais été vraiment prise au sérieux.
Le nouveau régime de monarchie parlementaire et sa Constitution de 1978 fonctionnent au début assez bien, au moins en apparence, bien que les principes qui en sont à l’origine soient mauvais, notamment l’illusion démocratique, et les déchirements de la période républicaine semblent oubliés. Pour autant deux facteurs de déséquilibres vont peser de plus en dans le jeu politique : la poussée continue des séparatismes régionalistes d’une part et, tout aussi grave, la montée persistante d’un désir de revanche idéologique et mémorielle de la gauche d’autre part. Tout cela aurait pu être contenu si la droite parlementaire s’était opposée résolument à ces dérives. Ce ne fut pas le cas, bien au contraire. Son principal parti, le Parti Populaire, provenait de la fusion du Centre Démocratique d’Adolfo Suarez, ancien secrétaire général du Movimiento (parti “unique” du franquisme composé de différentes familles idéologiques) et de l’Alliance Populaire de Manuel Fragua, ancien ministre de Franco. Au pouvoir avec Aznar, ce parti avait trouvé politique, et politiquement correct, de condamner en 2002 le soulèvement national contre le Frente Popular du 18 juillet 1936 ! Cette trahison de ses origines allait l’entraîner dans un cycle interminable de concessions et d’excuses.
Le plus grave allait être l’arrivée au pouvoir du socialiste Zapatero en 2004. Avec lui commence la remise en cause de ce qu’avait signifié la transition vers la démocratie dans un esprit de concorde nationale. Il fait voter une machine de guerre idéologique intitulée Loi de la mémoire historique dont l’objectif est d’imposer une histoire officielle fondée sur la démonisation du franquisme. Le socialiste Pedro Sanchez aggrave la loi et cela va aboutir au vote de l’exhumation de Franco de la Valle de los Caídos le 14 septembre 2018. Cette volonté de profaner la tomber de Franco est un acte d’une bassesse répugnante et obéit à une logique de guerre civile. Que fit le Parti Populaire ? Il s’abstint…
TRAHISONS DE LA “DROITE”, DE LA “HIÉRARCHIE” MODERNISTE ET DE JUAN CARLOS
La trahison de la droite a été décisive dans ce processus, il lui aurait pourtant été facile de contre-attaquer tant les crimes du Front Populaire sont nombreux et bien documentés. Elle ne l’a pas fait, pensant probablement comme le disait Rajoy que l’essentiel c’est l’économie…
Il faut malheureusement parler aussi d’autres trahisons.
L’attitude de la hiérarchie “catholique” (conciliaire) espagnole et particulièrement de l’actuel occupant du siège de Pierre (Bergoglio) a été d’un pharisaïsme répugnant. Ils ont laissé profaner une basilique et le tombeau de l’homme qui a sauvé l’Église catholique d’une des plus grandes persécutions qu’elle ait subies, celle du Front Populaire en 1936. Ont-ils donc oublié l’incendie des églises et des couvents, les persécutions, et l’assassinat d’environ 7 000 religieux, dont 13 évêques auxquels il faut ajouter quelque 3 000 laïcs catholiques assassinés ? Mais qu’attendre d’autre de la part de fieffés modernistes qui n’ont de cesse de trahir l’être historique de l’Eglise catholique et qui détruisent la foi, la morale et le culte ?
Enfin n’oublions pas Juan Carlos. Il devait tout à Franco qui avait restauré la monarchie et l’avait choisi, bien à tort, (en remplacement de son père, jugé indigne du fait de son comportement politique déloyal). Lui qui présidait aux cérémonies funéraires lors de l’enterrement de Franco et signa le décret pour l’inhumation à la Valle de los Caídos laisse commettre la profanation du tombeau de celui à qui il doit tout, sans émettre la moindre condamnation. Cela alourdira le bilan détetable de son “règne”.
Mais terminons par ce misérable Pedro Sanchez. Ce socialiste avait organisé cette exhumation profanatoire en espérant en tirer un bénéfice électoral pour les futures élections législatives du 10 novembre. Il espérait aussi que cela ferait oublier sa complicité avec les séparatistes catalans qui mettent à feu Barcelone depuis une semaine. Un récent sondage indique que 41,9 % des Espagnols sont pour l’exhumation et 42,1 % contre (admirez la précision des chiffres, à la décimale près !), et que 16 % ne savent pas ou ne répondent pas. Dans les tranches d’âge qui n’ont pas connu le franquisme, la majorité est pour… Le rouleau compresseur de la propagande antifranquiste qui avance depuis une quarantaine d’années a beaucoup arasé mais n’a pas encore réussi à faire disparaître toutes résistance. Cette opération de propagande ne semble pas avoir convaincu le peuple espagnol et risque de se retourner contre son instigateur.
UNE MACHINE INFERNALE
Il n’empêche que cette machine infernale doit être arrêtée, car la gauche revancharde ne compte pas s’en arrêter là. Elle veut aussi déplacer la tombe de José Antonio, à terme en finir avec l’Abbaye et la Basilique de la Valle de los Caídos et abattre la gigantesque croix qui la surmonte. Il s’agit au final d’éradiquer la mémoire de l’Espagne nationale et catholique et d’y substituer celle du Front Populaire en une sorte de grand remplacement mémoriel. Franco était lucide quand, dans son testament, il disait « N’oubliez pas que les ennemis de l’Espagne et de la civilisation chrétienne sont aux aguets ».
Depuis Zapatero le parti socialiste remet en cause le compromis qui est à la base de la transition du régime autoritaire de Franco vers une démocratie libérale. On ne peut forcer cette gauche revancharde à renoncer à ses erreurs idéologiques et à sa vision du passé, mais cette liberté est conditionnée au respect de ses adversaires politiques, de leur vision du monde et de leur histoire. Le Parti Populaire a perdu toute crédibilité à incarner une droite nationale en Espagne par son absence de réaction face à cette profanation.
Vox seul a répliqué à la gauche en rappelant les crimes du Front Populaire et sa responsabilité écrasante dans le déclenchement de la guerre civile. On peut lui reprocher une trop grande timidité quant à Franco et à son régime. Il est vrai qu’en acceptant le système de la démocratie libérale, il craint qu’une évaluation trop positive du régime antérieur ne le fasse passer pour opposé à la démocratie. La meilleure réponse à ses attaques serait de montrer que le passé des socialistes, et des sécessionnistes, a été riche en violences et en dérives tyranniques. Et de rappeler que c’est grâce aux quarante années du régime de Franco que l’Espagne est sortie des divisions, de la pauvreté, formant enfin une société prospère et réconciliée enfin capable de jouir d’une plus grande liberté politique. Cette thèse peut être défendue et serait la meilleure réponse à la propagande antifranquiste, même s’il faut reconnaître que le retour à la démocratie a finalement conduit l’Espagne à la décadence et à la négation d’elle-même.
Vox ne deviendrait une vraie alternative à la fausse droite du Parti Populaire que s’il n’hésitait pas à s’opposer sans concession aux mensonges et aux agressions de la gauche revancharde dans le domaine historique. On lui fera crédit d’être le seul parti parlementaire à avoir souligné que cette profanation et l’imposition d’un lieu de sépulture à la famille sont contraires aux principes les plus élémentaires du droit naturel. Et aussi d’avoir fait remarquer que, par-delà cette ignominie, il y avait une remise en cause de l’esprit de la transition, aussi contestable soit ce dernier, et à terme une remise en cause de la monarchie.
Si l’alliance des socialistes et des sécessionnistes reste au pouvoir après les élections, l’Espagne s’enfoncera davantage encore dans les divisions territoriales et politiques, et cela alors que la crise financière menace et que la montée de l’immigration atteint des niveaux inquiétants. Pauvre Espagne ! […] »
Robert NEBOIT.
Source Jeune-Nation