Lu sur le blog de Jeanne Smith :
Cet article du Los Angeles Times est emblématique. Dernier d’une série de cinq enquêtes autour de la population mondiale, il vise à rendre l’Eglise catholique responsable du nombre inacceptoable de bébés qui naissent aux Philippines « à cause » du refus de légaliser le remboursement de la pilule contraceptive. Trop de bébés, c’est plus de pauvreté, plus de misère, des conditions indignes que « 70 % » des Philippins, catholiques à 80 %? rejettent en récusant l’enseignement de l’Eglise catholique et l’opposition – jusqu’ici efficace – de celle-ci à la loi de santé reproductive qu’institutions internationales et ONG féministes aimeraient voir adoptée dans ce pays. Les méchants d’un côté, les bons de l’autre – et au milieu les victimes, les habitants des bidonvilles qui peinent à nourrir 6, 8 ou 10 bouches et qui se privent de leurs propres repas pour assurer le minimum aux enfants.
Comment ne pas haïr cette Eglise rétrograde et machiste qui est donc responsable, forcément responsable de ces maternités répétées ?
L’article est très habilement menée. Zoom sur Yolanda, enjambant des tas d’enfants accroupis au petit matin dans les ruelles de son quartier tout encombrées d’ordures. Elle va tenter de persuader ses voisins d’acheter de petits paquets de shampooing, un commerce misérable qui lui permettra d’acheter juste ce qu’il faut pour acheter un maigre déjeuner, pris dans la petite salle où son mari et leurs huit enfants vivent, mangent et dorment. Elle a dû cesser la pilule depuis que, sous la pression de l’Eglise, le maire de Manille a interdit la distribution publique de contraceptifs.
Après un rappel apocalyptique de la situation – on passe par cet hôpital de Manille où naissent 17.000 bébés par an, par la décision de George W. Bush de ne plus financer les contraceptifs dans ce pays depuis 2008, et par un évêque qui a osé dire que la pilule contraceptive peut provoquer des avortements très précoces – retour chez Yolanda. Elle a accepté de faire partie d’un groupe de 20 femmes pauvres défiant les autorités pour demander, devant la justice, l’accès aux différents contraceptifs. Elle sera « toujours catholique », mais « elle n’est pas d’accord avec les prêtres sur tout ».
Au passage, on a droit à un couplet sur les avortements clandestins qui approcheraient le demi-million tous les ans, et même à une interview d’une « faiseuse d’anges » qui distribue du Cytoctec et provoque des avortements en invoquant sa foi en Dieu – puisque c’est pour aider, et qu’elle ne fait pas payer cher !
On ricane devant l’ancien maire de Manille, José « Lito » Atienza qui a osé dire qu’une population forte est une richesse économique : il évoque l’esprit d’entreprise des vendeurs de rues et les 10 millions d’expatriés qui envoient de l’argent au pays, l’importante force de travail, la plus grande base pour les cotisations sociale, la consommation boostée et la production itou : « C’est tout le cycle de l’économie qui va plus vite. »
Ce qu’il dit n’est pourtant pas si idiot : la Chine, par exemple, doit évidemment son insolente croissance à la richesse de sa population, et se prépare des lendemains qui déchanteront dur avec le vieillissement accélérée de la même, et l’élimination des petites filles.
Le problème des Philippines est moins la croissance de la population que la pauvreté, le manque d’infrastructures : éliminer la population ne résoudra rien sur le long terme.
Le problème des Philippines n’est pas de ne pas avoir accès à des contraceptifs mécaniques ou hormonaux, avec leurs effets parfois ou souvent abortifs, leurs risques pour la santé et leur évident intérêt pour les grands laboratoires pharmaceutiques qui les produisent et qui cherchent avant tout à les vendre. Il est d’opter pour la culture de vie, qui passe par le respect du plan de Dieu pour la famille. Et qui n’exclut pas, loin s’en faut, la régulation naturelle des naissances.
La fondamentale malhonnêteté de l’article du LA Times est de présenter la position de l’Eglise sur le contraception sans préciser que l’Eglise catholique aux Philippines approuve et promeut la « planification familiale naturelle », comme disent les Anglosaxons. Non seulement cela, mais cette « NFP » connaît une prévalence exceptionnelle parmi la population, les paroisses organisent depuis longtemps et bénévolement des formations, le tout dans un grand respect des couples et de leurs choix personnels, et sans surtout rapporter un centime aux fabricants de pilules et autres implants.
Dans un récent article universitaire, des Philippins évaluaient la fiabilité d’un nouveau système de régulation naturelle des naissances basée sur l’abstention aux jours féconds du cycle. L’institut est l’Ecole Loyola de Théologie (LST) de l’université Ateneo de Manille ; les auteurs deux archevêques, Mgr Paciano qui apporte sa caution en tant que président de la commission épiscopale sur la famille et sur la vie, Mgr Antonion J. Ledesma, évêque de Cayagan de Oro.
On y souligne que la méthode en question, celle des « jours standard », simple d’utilisation mais inadaptée à certains couples, est jugée 100 % efficace par les couples lorsqu’elle est bien utilisée. On souligne que c’est aux couples de faire leur choix de méthode – la régulation naturelle n’en manque pas. Et on rappelle que Benoît XVI, lors de la visite ad limina des évêques de Mindanao en février 2011, avait approuvé l’intérêt de l’Eglise catholique pour cette méthode qu’on lui présentait en disant : « Oui, les méthodes simplifiées sont bonnes pour les gens simples. »
De fait, l’Institute for Reproductive Health de Georgetown University, qui l’a développée, affirme que bien utilisée, elle est efficace à 95 % pour éviter une conception – à rapprocher des quelque 50 % des avortements consécutifs à une conception sous contraceptif ou préservatif enregistrés en France… (Voir cet article de l’INED). Il est caractéristique que la méthode des jours standard exige l’abstinence aux jours féconds pour fonctionner : le recours au préservatif ou à d’autres « méthodes barrière » aux jours féconds fait fortement diminuer sa fiabilité, parce que ce sont ces méthodes qui ne sont pas fiables !
Alors, l’Eglise est-elle rétrograde et prône-t-elle l’épuisement des femmes et la misère de tous au nom des naissances obligatoires et imposées ? Ou sont-ce tout simplement les marchands et colporteurs de l’industrie pharmaceutique, les racistes « anti-pauvres » et les contempteurs de la dignité de chaque homme fait pour le bonheur éternel qui crachent leur venin ?