Nous vous proposons une présentation des textes liturgiques propres à ce dimanche (rite catholique traditionnel, tel que le suivait nos ancêtres).
« Le démon, auteur du mal, sème dans l’ombre l’ivraie, pernicieuse et déconcertante. La séparation nécessaire est retardée jusqu’au temps de la moisson (Év.). Souvenons-nous de cet enseignement. Laissons à Dieu tout jugement et, dans le présent, usons comme lui de bonté, de douceur et de patience. Admis, par pure miséricorde, à entrer dans la paix du Christ, vivons dans la joie et l’action de grâces, en faisant régner parmi nous cette charité divine dont nous devons être non seulement les bénéficiaires mais les témoins ((ép.). »
Dom G. Lefebvre
Aujourd’hui seuls l’épître et l’Évangile sont commentés par Dom Guéranger. Aussi, nous mettons d’abord tous les textes propres à cette messe, suivis des commentaires du célèbre bénédictin et de ceux du bhx Cardinal Schuster et de Dom Pius Parsch.
« Introït (Ps, 96, 7-8.) :
Adorez Dieu, vous tous ses Anges, Sion a entendu et s’est réjouie, et les filles de Juda ont tressailli de joie.
Ps. ibid., 1 Le Seigneur est roi ; que la terre tressaille de joie, que toutes les îles se réjouissent.
V/. Glória Patri.
Collecte :
Nous vous en supplions, Seigneur, gardez votre famille avec une constante bonté afin que celle qui s’appuie sur l’unique espérance de votre grâce céleste, soit toujours munie de votre protection.
Lecture de l’Epître de Saint Paul Apôtre aux Colossiens (Col. 3, 12-17) :
Mes frères : comme élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, et patience, vous supportant les uns les autres et vous pardonnant réciproquement, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre. Comme le Seigneur vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. Mais surtout revêtez-vous de la charité, qui est le lien de la perfection. Et que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés de manière à former un seul corps, règne dans vos cœurs ; soyez reconnaissants. Que la parole du Christ demeure en vous avec abondance, de telle sorte que vous vous instruisiez et vous avertissiez les uns les autres en toute sagesse : sous l’inspiration de la grâce que vos cœurs s’épanchent vers Dieu en chants, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels. En quoi que ce soit que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces à Dieu le Père.
Graduel (Ps. 101, 16-17) :
Les nations craignent votre nom, Seigneur, et tous les rois de la terre votre gloire.
V/. Parce que le Seigneur a bâti Sion et qu’il sera vu dans sa majesté.
Allelúia, allelúia.
V/. (Ps. 96,1.) Le Seigneur est roi : que la terre tressaille de joie, que toutes les îles se réjouissent. Alléluia.
Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu (13, 24-30) :
En ce temps là : Jésus proposa aux foules cette parabole : « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé de bonne semence dans son champ. Or, pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sema de l’ivraie au milieu du froment par dessus, et il s’en alla. Quand l’herbe eut poussé et donné son fruit, alors apparut aussi l’ivraie. Et les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : « Maître, n’avez-vous pas semé de bonne semence dans votre champ ? D’où (vient) donc qu’il s’y trouve de l’ivraie ? » Il leur dit : « C’est un ennemi qui a fait cela. » Les serviteurs lui disent : « Voulez-vous que nous allions la ramasser ? » Et il leur dit : « Non, de peur qu’en ramassant l’ivraie vous n’arrachiez aussi le froment. Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : Ramassez d’abord l’ivraie, et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au froment, amassez-le dans mon grenier. »
Offertoire (Ps 117, 16-17) :
La droite du Seigneur a fait éclater sa puissance, la droite du Seigneur m’a exalté. Je ne mourrai point, mais je vivrai et je raconterai les œuvres du Seigneur.
Secrète :
Nous vous offrons, Seigneur, ces hosties de propitiation, afin que, dans votre miséricorde, vous nous pardonniez nos fautes et que vous dirigiez nos cœurs chancelants.
Préface de la Sainte Trinité.
Communion (Luc 4, 22) :
Tous admiraient les paroles qui sortaient de la bouche de Dieu.
Post-communion :
Nous vous en supplions, Dieu tout-puissant, accordez-nous les faveurs dont, par ces mystères, nous avons reçu le gage.
COMMENTAIRE DE DOM GUÉRANGER
(dans l’Année liturgique – disponible ici avec ses autres livres)
ÉPÎTRE.
Instruit à l’école de l’Homme-Dieu, qui a daigné habiter cette terre, le chrétien doit s’exercer à la miséricorde envers ses frères. Ce monde, purifié par la présence du Verbe incarné, deviendra pour nous l’asile de la paix, si nous savons mériter les titres que nous donne l’Apôtre, d’élus de Dieu, saints et bien-aimés. Cette paix doit remplir d’abord le cœur de chaque chrétien, et l’établir dans une joie continuelle qui aime à s’épancher dans le chant des louanges de Dieu. Mais c’est principalement le Dimanche, que les fidèles, en s’unissant à la sainte Église, « dans ses psaumes et ses cantiques », accomplissent ce devoir si cher à leur cœur. Dans l’usage ordinaire de la vie, souvenons-nous aussi du conseil que nous donne l’Apôtre, à la fin de cette Épître, et songeons à faire toutes nos actions au nom de Jésus-Christ, afin d’être agréables en tout à notre Père céleste.
ÉVANGILE.
Le royaume des cieux dont parle ici le Sauveur est son Église militante, la société de ceux qui croient en lui Néanmoins, ce champ qu’il a cultivé avec tant de soins, est parsemé d’ivraie ; les hérésies s’y sont glissées, les scandales s’y multiplient : devons-nous pour cela douter de la prévoyance de celui qui connaît tout, et sans la permission duquel rien n’arrive ? Loin de nous cette pensée. Le Maître nous apprend lui-même qu’il en doit être ainsi. L’homme a reçu la liberté du bien et du mal ; c’est à lui d’en user, et c’est à Dieu de faire tourner tout à sa gloire. Que l’hérésie donc s’élève comme une plante maudite, nous savons que le jour viendra où elle sera arrachée ; plus d’une fois même on la verra sécher sur sa propre tige, en attendant le jour où elle doit être arrachée et jetée au feu. Où sont aujourd’hui les hérésies qui désolèrent l’Église à son premier âge ? Où seront dans cent ans d’ici celles qui, depuis trois siècles, ont causé tant de maux sous le beau nom de réforme ? Il en est de même des scandales qui s’élèvent au sein même de l’Église. Cette ivraie est un fléau ; mais il faut que nous soyons éprouvés. Le Père de famille ne veut pas que l’on arrache cette herbe parasite, dans la crainte de nuire au pur froment. Pourquoi ? Parce que le mélange des bons et des mauvais est un utile exercice pour les premiers, en leur apprenant à ne pas compter sur l’homme, mais à s’élever plus haut. Pourquoi encore ? Parce que telle est la miséricorde du Seigneur, que ce qui est ivraie peut quelquefois, par la grâce divine, se transformer en froment.
Ayons donc patience ; mais, parce que l’ennemi ne sème l’ivraie que pendant le sommeil des gardiens du champ, prions pour les pasteurs, et demandons pour eux à leur divin Chef cette vigilance qui est la première garantie du salut du troupeau, et qui est signifiée, comme leur première qualité, par le nom que l’Église leur a imposé.
Commentaire du Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum
Le Lectionnaire romain de Würzbourg n’énumère que quatre semaines après l’Épiphanie ; aussi, la lecture de l’épître aux Romains étant terminée durant la semaine même de Noël, commence-t-on aussitôt celle aux Galates le dimanche suivant. Le missel actuel conserve encore la lecture ad Galatas le dimanche dans l’octave de Noël ; pourtant les dimanches suivants il reprend la lettre aux Romains qui avait été interrompue, la poursuivant jusqu’aujourd’hui, où commence la lettre aux Colossiens, assignée au second dimanche après Noël dans le texte de Würzbourg. Comme l’on voit, ce sont deux systèmes de lectures, qui se sont fondus l’un dans l’autre, et qui révèlent bien la haute antiquité de notre liturgie du Siège apostolique.
Après le cri d’angoisse du dimanche précédent, voici un acte de confiance sereine exprimé dans la collecte de ce jour. « Gardez, Seigneur, votre famille, avec une miséricorde inépuisable ; et puisqu’elle s’appuie uniquement sur l’espérance de la grâce céleste, protégez-la toujours par votre défense. »
Le passage qui se lit ensuite, de l’épître aux Colossiens (III, 12-17), est un petit traité de vie intérieure, où l’on recommande la patience et l’amour mutuels, la prière continuelle, l’admonition réciproque, et, ce qui est plus grand encore, l’union intime avec Jésus, dont nos actions doivent tirer leur suc vital.
Il est remarquable que la liturgie romaine parcourt les épîtres des Apôtres en en lisant seulement des passages fort courts à la messe. Il est probable pourtant qu’avant saint Grégoire les lectures étaient plus longues, et que la partie scripturaire omise était suppléée lors des vigiles nocturnes et des synaxes des IVe et VIe fériés.
La lecture évangélique de saint Mathieu (XIII, 24-30) nous redit la parabole de l’ivraie. Le problème de l’origine du mal a exercé de tout temps les esprits les plus pénétrants. Unde habet zizania ? Personne cependant ne l’a résolu d’une façon aussi décisive que Jésus dans la lecture de ce jour. Hoc fecit inimicus homo, c’est-à-dire : c’est un effet de l’envie du démon, de celui qui ne persévéra pas dans la vérité et devint dès le commencement homicide de tout le genre humain. Le père de famille laisse l’ivraie croître avec le bon grain, pour ne pas endommager la moisson. Mais au temps de la récolte, quand les impies auront accompli leur mission, qui est de servir d’instruments de purification pour les justes, quand ils auront reçu leur récompense par les consolations de ce monde, et que la sanctification des élus sera achevée, alors les anges de Dieu extirperont l’ivraie, et l’Église, sans ride et sans tache aucune, célébrera ses noces éternelles avec l’Époux divin et immaculé.
Dans la prière sur les oblations, en offrant au Seigneur l’Hostie de propitiation, nous le prions de faire que nos anciennes fautes étant effacées, nos esprits instables soient dirigés dans le sentier du salut.
Dans l’Eucharistia après la sainte Communion, nous supplions aujourd’hui le Seigneur de nous conduire à ce salut éternel dont il nous donne le gage dans le banquet sacré.
Combien profonds sont les mystères de la Providence ! Si le Seigneur ne punit pas dès maintenant et n’extermine pas les impies, c’est pour ne pas confondre les bons dans la même peine, eux qui sont attachés aux pécheurs par les liens du sang, de la cité, de la patrie. Le monde ne réfléchit point à cette très importante mission des saints, dont les mérites éloignent de la terre des châtiments pourtant bien mérités.
Commentaire de Dom Pius Parsch,
dans le Guide dans l’année liturgique
Le Roi vient comme un Juge sage.
La manifestation du divin Roi devant le monde demande aussi qu’il se manifeste dans sa puissance et son action : Il se montre d’abord comme Sauveur (3e dimanche), comme médecin des âmes lépreuses dans le royaume duquel sont reçus les pécheurs et les Gentils. Il apparaît ensuite comme vainqueur des flots de l’Enfer (4e dimanche). Sa victoire pascale se poursuit dans l’Église et dans l’âme. Enfin il se montre aujourd’hui comme juge sage et patient (5e dimanche). Il laisse croître et mûrir la bonne et la mauvaise semence, Il ne veut pas intervenir violemment, il peut attendre. Ce n’est qu’à la fin du monde qu’aura lieu sa dernière et grande « Épiphanie » ; alors tous paraîtront devant son tribunal pour être jugés. Alors le psaume du jugement, le ps. 96 que nous chantons, maintenant, trois fois tous les dimanches (Introït, Alléluia, Communion) se réalisera pleinement.
1. La messe (Adorate Deum). — Nous connaissons déjà les chants psalmodiques. Nous les avons chantés le troisième et le quatrième dimanche. Ils sont caractéristiques du temps après l’Épiphanie : le Seigneur a bâti Sion et y paraît dans sa gloire.
L’Oraison voit, dans la société chrétienne, la famille de Dieu. Le rôle continuel de Dieu est de la garder, de la protéger, de la défendre. Cette famille ne s’appuie pas sur ses propres forces, mais uniquement sur la grâce de Dieu. Il faut maintenant que cette prière se réalise à la messe. Notre préparation est la confiance, le fruit du Sacrifice est la protection divine.
Les lectures nous montrent deux tableaux opposés de l’Église, un tableau aimable et un tableau sombre. Dans l’Épître, saint Paul nous décrit l’idéal de la vie de l’Église : une communauté de saints, que pare toute une couronne de vertus. La charité y domine en reine et, dans son cortège, on voit la paix du Christ. Saint Paul nous fait entrevoir la vie cultuelle et la vie privée de cette communauté, où la parole de Dieu a toute sa richesse. Nous l’entendons chanter des psaumes et des cantiques spirituels et, chez eux, les fidèles vivent, en tout, au nom de Jésus. L’Évangile nous montre le tableau opposé. Nous voyons encore une communauté chrétienne, mais on y remarque des faiblesses humaines, des péchés et même de graves scandales, de la tiédeur, de l’indifférence, de la jalousie, de la part des chrétiens. Cela nous fait de la peine, mais le Sauveur nous aide à résoudre l’énigme du mal dans l’Église et dans l’âme.
Voici d’après l’Évangile quel sera notre programme de la semaine : pour ce qui nous concerne, nous essayerons de réaliser en nous l’idéal ; pour ce qui concerne les autres, nous apprendrons à imiter la patience de Dieu vis-à-vis du mal et à ne pas nous en scandaliser. L’Évangile nous fait pénétrer dans les mystères du royaume de Dieu et nous montre la croissance mystérieuse et souvent inexplicable du royaume de Dieu dans l’Église et dans l’âme. Ce mystère est la permanence du mal dans l’Église. Le mal est la semence du démon, il peut et doit se développer librement et parvenir à maturité. La liberté est accordée sur la terre au bien et au mal. Le mal lui-même a un rôle à jouer dans le plan de Dieu : il doit purifier le bien, éprouver sa fermeté, il est dans la main de Dieu une férule pour le bien. A proprement parler, il ne peut pas nuire au royaume de Dieu et c’est là une consolation pour nous quand nous voyons tant de mal sur la terre. Appliquons aussi l’Évangile à notre âme. Le divin semeur jette aujourd’hui, dans notre âme, le bon grain de l’Eucharistie ; ce grain doit lever dans la semaine. Sans doute, dans la semaine, le démon sèmera aussi son ivraie parmi ce bon grain. Mais il faut que, par notre pénitence, nous détruisions l’ivraie. Que le Sacrifice d’aujourd’hui, le Sacrifice de la « réconciliation » fasse disparaître cette ivraie et raffermisse nos « cœurs chancelants » (Secrète). L’Eucharistie est le « gage » de l’accomplissement de notre salut. Pour employer le symbole de l’Évangile, le divin moissonneur rentre déjà nos gerbes mûres dans les greniers célestes.
2. Le Psaume directeur 96. — Aux Matines de l’Épiphanie, nous avons vu, pendant toute une semaine, la manifestation du Christ devant le monde, dans le tableau que nous donne ce psaume et, les dimanches après l’Épiphanie, ce psaume est chanté à trois reprises à la messe (Intr. Grad. Comm.) pour rendre hommage au divin Roi qui fait une visite festivale dans sa ville. Il convient donc que nous essayions de connaître plus à fond ce psaume :
Le psaume appartient à la série des psaumes royaux (92, 94-98) qui chantent le Dieu qui a fait alliance avec Israël comme le Roi du monde entier et le vainqueur des Gentils. Quelques-uns de ces psaumes commencent par l’acclamation : le Seigneur est Roi (Dominus regnavit).
Dans notre psaume, l’avènement messianique est représenté sous l’aspect, cher au psalmiste, d’un orage, terrible et dévorant pour les méchants, purifiant et rafraîchissant pour les bons. Ce cantique énergique est divisé en deux strophes de plan assez semblable. La première strophe décrit l’apparition de Dieu pour le jugement, la seconde décrit le jugement lui-même.
Ce qu’Israël, aveuglé en partie par des préjugés nationalistes, n’a vu qu’obscurément, le Christ en a fait pour nous une réalité. Le Dieu de l’alliance qui doit venir, recouvert du manteau de l’orage, pour juger le monde, c’est Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Sans doute, extérieurement, il paraît vêtu du manteau de l’humilité, mais, en réalité, il est « le plus fort » ; il est venu dans le monde pour vaincre le « fort ». le prince de ce monde et, avec lui, les idoles et les idolâtres. Les Juifs attendaient la venue du Messie, pour juger, pour anéantir les nations et pour établir la domination d’Israël sur le monde. Comme les choses se sont passées différemment ! Le Christ est bien venu pour juger, mais d’une toute autre manière. Le jugement messianique, chacun l’exécute en soi-même : « celui qui croit en lui ne sera pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé (Jean III, 18). Maintenant, dans le temps qui suit l’Épiphanie, nous avons l’hôte divin dans nos murs, c’est pourquoi notre âme est toujours joyeuse et les « nombreuses îles » elles-mêmes se réjouissent (ce sont les Gentils, dont les Mages furent les prémices). La venue du Seigneur est la préparation de son dernier avènement « en grande puissance et gloire » pour l’effroi des méchants et la joie des « filles de Sion » (c’est-à-dire des enfants de l’Église) ; à la messe, il est environné de ses anges et, à la communion, » il garde les âmes de ses saints et les délivre de la main des pécheurs. »
3. Lecture d’Écriture (1. Tim. 1, 1-16). — Saint Paul a écrit trois Épîtres à ses disciples préférés : deux à Timothée et une à Tite. Comme ces lettres contiennent surtout des avis sur les devoirs des pasteurs d’âmes, on les appelle volontiers les Épîtres pastorales. Elles sont d’abord pour les prêtres un guide précieux dans la direction des âmes, mais tous les chrétiens appelés à l’apostolat laïc, peuvent trouver, dans ces Épîtres, d’édifiantes leçons. Elles nous font connaître aussi la tendresse humaine de l’Apôtre et son amour surnaturel pour ses chers disciples.
« Je rends grâces à Notre Seigneur Jésus-Christ qui m’a donné la force, de ce qu’il m’a jugé fidèle et m’a destiné à son ministère, moi qui jadis étais un blasphémateur, un persécuteur et un insulteur. Mais j’ai trouvé la miséricorde de Dieu, parce que j’agissais sans savoir, dans l’incrédulité. Or la grâce de Notre-Seigneur a surabondé en moi, avec la foi et l’amour dans le Christ Jésus. Sûre et digne de toute créance est la parole : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs dont je suis le premier. Mais j’ai obtenu miséricorde, afin que, d’abord en moi, Jésus-Christ montrât sa patience. Je devais être un exemple pour ceux qui croiront en lui et parviendront à la vie éternelle. A lui, le Roi des siècles, l’Immortel, l’Invisible, le seul Dieu soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. » « Avant toutes choses j’insiste pour qu’on fasse des supplications, des invocations, des prières pour tous les hommes, pour les rois et toutes les autorités, afin qu’ils mènent une vie tranquille et paisible en toute piété et chasteté. Ceci en effet est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient, sauvés et parviennent à la reconnaissance de la vérité. Car il n’y a qu’un Dieu et un seul médiateur entre Dieu et les hommes : l’Homme, le Christ Jésus. Il s’est donné lui-même comme rançon pour tous les hommes et cela a été connu en son temps. C’est pourquoi j’ai été établi prédicateur et Apôtre — je dis la vérité, je ne mens pas — comme docteur des Gentils dans la foi et la vérité. »
4. Le péché. — C’est la pensée essentielle de ce dimanche. Quel rôle joue le péché dans le royaume de Dieu ? Comment les textes liturgiques traitent-ils le péché ? Si nous feuilletons le missel et si nous examinons les lectures (Épîtres et Évangiles) de l’année, nous n’entendrons que très rarement parler du péché. Même dans les messes de Carême, l’Église parle peu du péché. En dehors du Carême, il n’y a peut-être que trois dimanches dans lequel l’Église fasse un exposé un peu plus long sur le péché. Ce sont : le dimanche d’aujourd’hui, le quatrième dimanche après la Pentecôte, où il est question de l’amour de Dieu qui va à la recherche du pécheur et le neuvième dimanche, qui traite de l’enfer. C’est là la première notion du péché que nous puisons dans la liturgie. La liturgie aime peu parler du péché et elle ne le fait que rarement. Elle veut justement élever les chrétiens ; elle veut être l’Évangile, c’est-à-dire la bonne nouvelle ; elle aime donc mieux parler du bien, des biens et des trésors de l’Église.
La liturgie suit l’exemple du Seigneur, qui, lui non plus, n’aimait pas parler du péché. Certes il ne prend pas le péché à la légère, il est mort pour le péché ; mais ; il ne fait pas beaucoup de bruit à propos de chaque péché particulier. Dès qu’il voit que le péché a été exclu de la volonté humaine, il n’existe plus pour lui : « Je ne te condamnerai pas, ne pèche plus. » C’est la seule parole qu’il adresse à la femme adultère. Et nous le voyons toujours faire preuve de douceur envers les pécheurs ; par ex. : envers la Samaritaine, le bon larron, sur la croix, la Madeleine. Cette douceur apparaît sous son jour le plus beau dans la parabole de l’Enfant prodigue. Le Seigneur n’a pas de rancune pour le péché, tout est oublié dès que le repentir a chassé le péché du cœur.
Agissons de même. Ne voyons dans les hommes que ce qu’il y a de bon et fermons les yeux sur leurs défauts et leurs faiblesses et surtout ne les menaçons pas de châtiments et d’enfer. Aimons à trouver des excuses pour les faiblesses des hommes. « Ils ne savent pas ce qu’ils font. » A quoi bon se lamenter sur les péchés du monde actuel ? Que nous sert-il de lancer l’interdit contre les adversaires de notre foi ? Cela ne fait qu’élargir le fossé entre eux et nous. N’y a-t-il pas du bon, même chez nos adversaires ? Ceci nous fait apercevoir immédiatement une différence profonde entre la piété liturgique (objective) et la piété moderne (subjective). Cette dernière part de l’homme, examine particulièrement les actions des hommes et, par suite, s’occupe beaucoup du péché. On peut dire que toute son attention tend à éviter le péché. Ces chrétiens ressemblent à ces hommes méticuleux qui passent toute leur journée à faire disparaître de leurs vêtements la moindre trace de poussière. « Pourvu qu’il n’y ait pas de péché ! », c’est leur devise. Dominés par la conscience du péché, ces gens n’arrivent jamais à la vraie joie du christianisme. Leur piété consiste en examens de conscience, en examens particuliers, en inscriptions de manquements, en gains d’indulgences, en confessions, en retraites, en récollections. Ils sont incapables d’arriver à un travail positif dans leur vie religieuse.
Que fait la piété liturgique ? Elle part de Dieu. Elle sait que, malgré nos défauts et nos faiblesses, Dieu nous a élus et choisis et nous a donné la grâce. Or il s’agit d’ouvrir son cœur tout grand à la grâce. La vie doit croître et se nourrir. Là où il y a la vie, il y a joie, mouvement, santé. C’est là un travail positif. La piété liturgique garde davantage « ce qui est en haut ». Certes elle ne prend pas le péché à la légère. Le péché est justement une maladie, un danger pour la vie divine. Ce serait insensé de ne pas tenir compte de la maladie ; il faut se procurer des remèdes. Mais que, comme un neurasthénique, on pense continuellement à la maladie, au risque d’empoisonner sa vie, cela ne peut pas être la volonté du Créateur. Jouissons de la vie, j’entends la vie divine ; nourrissons-la du pain céleste ; faisons-lui porter des fleurs et des fruits par les bonnes œuvres, tel est le résumé de la piété liturgique.
Assurément il y a des temps où nous devons penser aux maladies et à leur guérison. Mais ces temps sont les plus rares de l’année et de la vie. Ayons l’impression que nous sommes des hommes rachetés du péché. Aujourd’hui cependant l’Église nous dit quelques paroles très importantes sur le péché : 1. Le péché est. une semence du diable. Le diable est toujours en jeu. Sur la terre, c’est toujours un maître puissant ; ne sous-estimons pas sa force. 2. Sur la terre, nous avons la liberté pour le bien et le mal. Le péché lui aussi peut se répandre. C’est un fait avec lequel il nous faut compter. 3. Ce n’est qu’à la fin qu’il y aura une sanction juste. Alors le péché non expié recevra son châtiment. Quel calme et quelle certitude ne nous donne pas l’Évangile de ce dimanche ! »