« Le médecin colonel Jean-Louis Rondy nous a quitté.Véritable légende au sein de la grande famille militaire, il a rejoint ses compagnons d’armes à 94 ans.
Fils d’un héros de la grande guerre, qui était médecin comme lui, il s’engage à 18 ans en 1944 dans la 2ème DB après avoir participé aux combats de la libération de Paris en tant qu’infirmier. Il ira de Paris à Berchtesgaden avec le régiment de marche du Tchad. L’âge requis pour l’engagement étant de 21 ans, il mentira sur son âge afin de pouvoir combattre.
A son retour en France, il décide de devenir officier et essaye de rentrer à Saint Cyr, mais déçu par la mentalité de l’encadrement, il choisit de reprendre ses études de médecine abandonnées suite à son départ pour la guerre.
Il se dirigera vers la médecine militaire et rejoint Bordeaux où se trouve l’école de la Santé Navale. L’officier qui les reçoit donne le ton : « les Français à droite ! Les gaullistes à gauche ! » la marine française n’ avait toujours pas pardonné Mers el Kebir !!
Il sera repéré par Massu qui recherche au sein des anciens de la 2ème DB des volontaires pour l’Indochine.
-« Tu es volontaire parachutiste ? Réponds, Oui mon colonel ! »
– « Oui mon colonel ! »
– « Bon ça va. J’ai besoin de cadres et nous n’avons pas de médecin breveté parachutiste. »
En 1952, après avoir passé son doctorat en médecine, il entre à l’école d’Application du Service de Santé des troupes coloniales à Marseille. Enfin, le 15 septembre 1953, il embarque pour l’Indochine où il pourra exercer ses talents des rizières du delta aux boues de Dien Bien Phu. Il laisse alors sa jeune femme épousée un an plus tôt et son tout jeune fils.
Arrivé à Saïgon, l’officier qui le reçoit lui propose le 1er Bataillon Étranger de Parachutiste, après lui avoir retracé rapidement l’histoire des 3 médecins du bataillon : le premier, fait prisonnier à Cao Bang car il ne voulait pas abandonner ses blessés et les deux autres gravement blessés lors de furieux combats.
Jean Louis Rondy connaît bien les légionnaires et il respecte autant leurs qualités guerrières que la richesse et la diversité de leurs personnalités. Alors, le 1er BEP, pourquoi pas !
Fouilles de villages, opérations de ratissage et embuscades seront son quotidien jusqu’au départ pour Dien Bien Phu en novembre 1953.
Vont tour à tour se succéder, l’opération Pollux et ses combats très meurtriers et un calme( relatif ) qui durera jusqu’au début de la bataille.
Profitant de cette accalmie, il fait construire une infirmerie blockhaus à toute épreuve capable d’accueillir plus d’une quarantaine de blessés couchés. Cette initiative fait ricaner dans le camp retranché, car aucune artillerie ne menace véritablement Dien Bien Phu, mais Rondy se souvient des terribles préparations d’artillerie allemandes, il ne veut rien laisser au hasard. Son infirmerie blockhaus ne sera bientôt plus un sujet de plaisanterie, mais l’un des rares sanctuaires du champ de bataille.
Rondy prendra en charge le capitaine Cabiro lors des combats de la cote 781 immortalisés par Pierre Shoendoerffer, il lui fabriquera une attelle avec la crosse d’un pistolet mitrailleur pour soutenir son pied et le garder relié à la jambe, le capitaine conservera son pied.
A Dien Bien Phu, Jean Louis Rondy prendra tous les risques pour sauver ces anonymes qui ne réclament rien et sont prêts à tout, mais il n’aura que mépris pour les autres.
Un jour, un légionnaire arrive, une balle lui a traversé le poumon :
⁃« Qu’est ce que c’est que ça ? »
– « Oh c’est juste une balle qui m’a traversé le poumon. Vous bouchez devant, vous bouchez derrière et je reprends mon boulot. Quand j’étais en Russie on ne faisait pas tant d’histoires pour une blessure comme celle là ! »
Ces comportements héroïques le marqueront profondément jusqu’à la fin de ces jours. Le médecin prendra soin de ses soldats jusqu’au bout, jusqu’au 7 mai 1954 lorsqu’il sera fait prisonnier par le Vietminh.
Lors des marches vers les camps, il s’en prendra à un commissaire politique, lui réclamant de meilleures conditions de vie, car trop d’hommes mourraient de faim et de fatigue, la réponse sera …. une véritable dérouillée !!! La marche durera 6 semaines avant d’atteindre le camp n°1. La faim, la maladie,la rééducation et les séances d’autocritiques rythment le quotidien des camps. Il devra attendre fin août 1954 pour être libéré, beaucoup de ses camarades ne reviendront jamais.
A son retour, il pèse 43 kg et mettra de nombreux mois à se remettre d’un état physique déplorable.
Son retour en France est difficile, son état de santé est encore très fragile, il doit subir de la chirurgie esthétique car son visage est très marqué et….. l’administration lui pose de nombreux problèmes.
En effet, il est menacé d’un redressement fiscal pour avoir omis de produire sa déclaration de revenue. Rondy explique au contrôleur des impôts qu’il ne pouvait pas étant donné qu’il était à Dien Bien Phu puis en camp. Mais voici la réponse :
– « Ce n’est pas mon problème » répliquera le contrôleur.
⁃ « Vous voyez ça ? » menace Jean Louis Rondy en brandissant une de ses béquilles, « je vais vous casser la gueule avec ! »
⁃ « Monsieur, cela relèvera de la correctionnelle ! »
⁃ « Et vous, vous relèverez de la grande chirurgie ! »
⁃ « Heu… Laissez moi appeler le directeur.. »
Jean Louis Rondy continuera sa carrière dans l’armée dans divers régiments et ira dans les nombreux pays où la France est intervenue, il y vivra d’autres aventures et sauvera d’autres vies jusqu’à sa retraite en 1980.
Une retraite qu’il consacre largement aux anciens combattants et à ses camarades de Dien Bien Phu puisqu’il s’occupe bénévolement des dossiers de pension des anciens légionnaires, parachutistes, FFL ou ancien de la 2ème DB. Il traitera plus de 5000 dossiers.
Il continuera de veiller sur ses camarades jusqu’au bout. »