Asia Bibi attend depuis dix ans le couloir de la mort. Parler de couloir est abusif, c’est un cagibi sans fenêtres. Sans contact avec les autres détenus. En comparaison, les moines à la trappe vivent au Club Med. Deux papes se sont mobilisés, le parlement européen, la ville de Paris, le monde entier sauf les Femen.
Asia Bibi est devenue une icône.
Dix ans sans voir grandir ses enfants. Dix ans avec l’angoisse d’être empoisonnée. Son bourreau serait traité en héros. Et la vie à l’ombre entre quatre murs, elle, la paysanne qui travaillait aux champs sous le cagnard du Pendjab. Un jour, elle a bu l’eau du puits dans la timbale d’une musulmane qui s’est dite souillée.
Le lendemain, le mufti l’a accusée de blasphème. Une vendetta de village, on dirait du Maupassant.
Mais on est au Pakistan. Le tribunal l’a condamnée, la cour d’appel l’a condamnée, et il n’y a qu’une condamnation pour blasphème, article 295C, la mort.
Les islamistes du TLP aussi trouvent que dix ans, c’est long. Ils veulent la voir au bout d’une corde. Avec ce programme, ils ont obtenu 2 millions de voix aux élections.
La Cour a gardé secrète sa décision mais un juge a dit qu’il n’avait pas vu trace de blasphème dans le dossier. Un autre a relevé des erreurs de procédure. Surtout, la presse a reçu consigne de se taire.
Comme s’il fallait gagner du temps pour mettre Asia Bibi à l’abri, à l’étranger.
Alors, les fanatiques appellent à manifester. La dernière fois, ils ont bloqué la capitale pendant trois semaines, avec dix morts, des centaines de blessés. Ils se réjouissent à l’idée de recommencer demain !
Ils sont prêts à mourir.
Si Asia Bibi s’était convertie à l’Islam, elle aurait été aussitôt libérée.
Si les juges libèrent la femme innocente, ils risquent leur peau.
Pakistan, cela veut dire le pays des purs. C’est en tout cas une terre de martyrs.
Source : Europe 1