Nous vous proposons une présentation des textes liturgiques propres à ce dimanche (rite catholique traditionnel), avec commentaire.
« Rien n’est saisissant, dans la liturgie du Temps de la Passion, comme le contraste où l’Église nous montre le Christ, d’une part, dans sa butte à la haine croissante de ses adversaires, d’autre part, dans sa grandeur divine, maître des événements et réalisant notre rédemption.
L’évangile de ce dimanche le fait bien voir. L’épître également ; au seuil de ces grandes semaines, elle nous montre en Jésus non seulement la victime sans tache du sacrifice qui se prépare, mais aussi le grand prêtre de la nouvelle alliance ; porteur de son propre sang, il pénètre dans le ciel en Rédempteur triomphant. »
Dom G. Lefebvre
COMMENTAIRE DE DOM GUÉRANGER
(dans l’Année liturgique – disponible ici avec ses autres livres) :
« L’Introït est le début du Psaume 42. Le Messie implore le jugement de Dieu, et proteste contre la sentence que les hommes vont porter contre lui. Il témoigne en même temps son espoir dans le secours de son Père, qui, après l’épreuve, l’admettra triomphant dans sa gloire.
Introït (Ps 42, 1-2) :
O Dieu, jugez-moi, et séparez ma cause de celle d’un peuple impie; arrachez-moi à l’homme inique et trompeur, parce que vous êtes mon Dieu et ma force.
(Ps ibid. 3) Envoyez-moi votre lumière et votre vérité : elles me guideront et me conduiront jusqu’à votre montagne sainte et à vos tabernacles. O Dieu, jugez-moi.
On ne dit plus Gloria Patri, si ce n’est aux messes des Fêtes; mais on répète l’Introït.
Dans la Collecte, l’Église demande pour ses enfants cette complète réforme que le saint temps du Carême est appelé à produire, et qui doit tout à la fois soumettre les sens à l’esprit, et préserver l’esprit des illusions et des entraînements auxquels il n’a été que trop sujet jusqu’à présent.
Collecte :
Daignez, Dieu tout-puissant, regarder votre famille d’un œil favorable; et par vos soins paternels conduisez-la au dehors et gardez-la au dedans. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
On ajoute ensuite l’une des deux Oraisons suivantes :
Contre les persécuteurs de l’Eglise :
Daignez, Seigneur, vous laisser fléchir par les prières de votre Église, afin que toutes les adversités et toutes les erreurs ayant disparu, elle puisse vous servir dans une paisible liberté.
Pour le pape :
O Dieu, qui êtes le Pasteur et le Conducteur de tous les fidèles, regardez d’un œil propice votre serviteur N., que vous avez mis à la tête de votre Église en qualité de Pasteur ; donnez-lui, nous vous en supplions, d’être utile par ses paroles et son exemple à ceux qui sont sous sa conduite, afin qu’il puisse parvenir à la vie éternelle avec le troupeau qui lui a été confie. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
EPÎTRE.
Lecture de l’Épître de saint Paul, Apôtre, aux Hébreux (Chap. IX, 11-15) :
Mes Frères, Jésus-Christ, le Pontife des biens futurs, étant venu à paraître, est entré une fois dans le sanctuaire par un tabernacle plus grand et plus parfait, qui n’a point été fait de main d’homme, c’est-à-dire qui n’a point été formé par la voie commune et ordinaire. Il est entré une fois dans le Saint des Saints, non avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang; nous ayant acquis une rédemption éternelle ; car si le sang des boucs et des taureaux, et l’aspersion de l’eau mêlée avec la cendre d’une génisse, sanctifient ceux qui ont été souillés, et leur donnent une pureté extérieure et charnelle ; combien plus le sang du Christ qui par l’Esprit-Saint s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience de ses œuvres mortes, pour nous rendre capables de servir le Dieu vivant? Et c’est pourquoi il est le médiateur du Testament nouveau, afin que, par la mort qu’il a subie pour racheter les prévarications commises sous le premier Testament, ceux qui y sont appelés reçoivent l’héritage éternel, en Jésus-Christ notre Seigneur.
C’est seulement par le sang que l’homme peut être racheté. La majesté divine offensée ne s’apaisera que par l’extermination de la créature rebelle qui, par son sang épanché à terre avec sa vie, rendra témoignage de son repentir et de son abaissement extrême devant celui contre lequel elle s’est révoltée. Autrement la justice de Dieu se compensera par le supplice éternel du pécheur. Tous les peuples l’ont compris, depuis le sang des agneaux d’Abel jusqu’à celui qui coulait à flots dans les hécatombes de la Grèce, et dans les innombrables immolations par lesquelles Salomon inaugura la dédicace de son temple. Cependant Dieu dit : « Écoute, Israël, je suis ton Dieu. Je ne te ferai pas de reproches sur tes sacrifices : tes holocaustes s’accomplissent fidèlement devant moi ; mais je n’ai pas besoin de tes boucs ni de tes génisses. Toutes ces bêtes ne sont-elles pas à moi ? Si j’avais faim, je n’aurais pas besoin de te le dire : l’univers est à moi, et tout ce qu’il renferme. Est-ce que la chair des taureaux est ma nourriture ? est-ce que le sang des boucs est un breuvage pour moi 4 ? » Ainsi Dieu commande les sacrifices sanglants, et il déclare qu’ils ne sont rien à ses yeux. Y a-t-il contradiction ? Non : Dieu veut à la fois que l’homme comprenne qu’il ne peut être racheté que par le sang, et que le sang des animaux est trop grossier pour opérer ce rachat. Sera-ce le sang de l’homme qui apaisera la divine justice ? Non encore : le sang de l’homme est impur et souillé; d’ailleurs, fût-il pur, il est impuissant à compenser l’outrage fait à un Dieu. Il faut le sang d’un Dieu; et Jésus s’apprête à répandre tout le sien.
En lui va s’accomplir la plus grande ligure de l’ancienne loi. Une fois l’année, le grand-prêtre entrait dans le Saint des Saints, afin d’intercéder pour le peuple. Il pénétrait derrière le voile, en lace de l’Arche sainte; mais cette redoutable faveur ne lui était accordée qu’à la condition qu’il n’entrerait dans cet asile sacré qu’en portant dans ses mains le sang de la victime qu’il venait d’immoler. En ces jours, le Fils de Dieu, Grand-Prêtre par excellence, va faire son entrée dans le ciel, et nous y pénétrerons après lui ; mais il faut pour cela qu’il se présente avec du sang, et ce sang ne peut être autre que le sien. Nous allons le voir accomplir cette prescription divine. Ouvrons donc nos âmes, afin que ce sang « les purifie des œuvres mortes, comme vient de nous dire l’Apôtre, et que nous servions désormais le Dieu vivant. »
Le Graduel est emprunté au Psautier; le Sauveur y demande d’être délivré de ses ennemis, et d’être soustrait à la rage d’un peuple ameuté contre lui ; mais en même temps il accepte de faire la volonté de son Père, par qui il sera vengé.
Dans le Trait, qui est puisé à la même source, le Messie, sous le nom d’Israël, se plaint de la fureur des Juifs qui l’ont persécuté dès sa jeunesse, et qui s’apprêtent à lui faire subir une cruelle flagellation. Il annonce en même temps les châtiments que le déicide attirera sur eux.
Graduel (Ps 142, 9-10) :
Seigneur, arrachez-moi à mes ennemis : enseignez-moi à faire votre volonté.
V/. C’est vous, Seigneur, qui me délivrerez d’un peuple furieux ; vous me ferez triompher de ceux qui s’élèvent contre moi; vous m’arracherez à l’homme inique.
Trait (Ps 128, 1-4) :
Dès ma jeunesse, ils ont souvent dirigé contre moi leurs attaques.
V/. Israël peut bien dire : Dès ma jeunesse, ils ont souvent dirigé contre moi leurs attaques.
R/. Mais ils n’ont rien pu contre moi. Les pécheurs m’ont laissé la trace de leurs coups sur le dos.
V/. Ils ont continué longtemps leurs iniquités; mais le Seigneur, qui est juste, brisera la tête des pécheurs.
ÉVANGILE.
Suite du saint Évangile selon saint Jean (Chap. VIII. 46-59) :
En ce temps-là, Jésus disait à la foule des Juifs : Qui de vous me convaincra de péché? Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas? Celui qui est de Dieu, écoute la parole de Dieu. Vous ne l’écoutez point, parce que vous n’êtes pas de Dieu. Les Juifs lui dirent : N’avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain, et que vous êtes possédé du démon ? Jésus répondit : Je ne suis point possédé du démon ; mais j’honore mon Père, et vous me déshonorez. Pour moi, je ne cherche pas ma gloire ; il est un autre qui la cherchera et qui jugera. En vérité, en vérité, je vous le dis : Si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. Les Juifs lui dirent donc : Maintenant nous voyons bien que le démon est en vous. Abraham est mort, et les Prophètes aussi ; et vous dues : Si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. Êtes-vous donc plus grand que notre père Abraham, qui est mort, et que les Prophètes qui aussi sont morts ? Que prétendez-vous être? Jésus répondit : Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien ; c’est mon Père qui me glorifie. Vous dites qu’il est votre Dieu, et vous ne le connaissez pas ; mais moi je le connais. Et si je disais que je ne le connais pas, je serais comme vous un menteur. Mais je le connais et je garde sa parole. Abraham votre père a désiré ardemment de voir mon jour : il l’a vu, et il en a été comblé de joie. Les Juifs lui dirent : Vous n’avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ? Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : avant qu’Abraham fût créé, je suis. Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter; mais Jésus se cacha, et sortit du temple.
On le voit, la fureur des Juifs est au comble, et Jésus est réduit à fuir devant eux. Bientôt ils le feront mourir ; mais que leur sort est différent du sien ! Par obéissance aux décrets de son Père céleste, par amour pour les hommes, il se livrera entre leurs mains, et ils le mettront à mort ; mais il sortira victorieux du tombeau, il montera aux cieux, et il ira s’asseoir à la droite de son Père. Eux, au contraire, après avoir assouvi leur rage, ils s’endormiront sans remords jusqu’au terrible réveil qui leur est préparé. On sent que la réprobation de ces hommes est sans retour. Voyez avec quelle sévérité le Sauveur leur parle : « Vous n’écoutez pas la parole de Dieu, parce que vous n’êtes pas de Dieu. » Cependant il fut un temps où ils étaient de Dieu : car le Seigneur donne sa grâce à tous; mais ils ont rendu inutile cette grâce; ils s’agitent dans les ténèbres, et ils ne verront plus la lumière qu’ils ont refusée.
« Vous dites que le Père est votre Dieu; mais vous ne le connaissez même pas. » A force de méconnaître le Messie, la synagogue en est venue à ne plus connaître même le Dieu unique et souverain dont le culte la rend si chère ; en effet, si elle connaissait le Père, elle ne repousserait pas le Fils. Moïse, les Psaumes, les Prophètes sont pour elle lettre close, et ces livres divins vont bientôt passer entre les mains des gentils, qui sauront les lire et les comprendre. « Si je disais que je ne connais pas le Père, je serais comme vous un menteur. » A la dureté du langage de Jésus, on sent déjà la colère du juge qui descendra au dernier jour pour briser contre terre la tête des pécheurs. Jérusalem n’a pas connu le temps de sa visite; le Fils de Dieu est venu à elle, et elle ose dire qu’il est « possédé du démon ». Elle dit en face au Fils de Dieu, au Verbe éternel qui prouve sa divine origine par les plus éclatants prodiges, qu’Abraham et les Prophètes sont plus que lui. Étrange aveuglement qui procède de l’orgueil et de la dureté du cœur ! La Pâque est proche ; ces hommes mangeront religieusement l’agneau figuratif; ils savent que cet agneau est un symbole qui doit se réaliser. L’Agneau véritable sera immolé par leurs mains sacrilèges, et ils ne le reconnaîtront pas. Son sang répandu pour eux ne les sauvera pas. Leur malheur nous fait penser à tant de pécheurs endurcis pour lesquels la Pâque de cette année sera aussi stérile de conversion que celle des années précédentes ; redoublons nos prières pour eux, et demandons que le sang divin qu’ils foulent aux pieds ne crie pas contre eux devant le trône du Père céleste.
A l’Offertoire, le chrétien, plein de confiance dans les mérites du sang qui l’a racheté, emprunte les paroles de David pour louer Dieu, et pour le reconnaître auteur de cette vie nouvelle dont le sacrifice de Jésus-Christ est la source intarissable.
Offertoire (Ps 118, 17 et 107) :
Seigneur, je vous louerai de tout mon cœur ; répandez votre grâce sur votre serviteur, et je vivrai, et je garderai vos commandements. Donnez-moi la vie. Seigneur, selon votre parole.
Le sacrifice de l’Agneau sans tache a produit deux effets sur l’homme pécheur : il a brisé ses chaînes, et il l’a rendu l’objet des complaisances du Père céleste. L’Église demande, dans la Secrète, que le Sacrifice qu’elle va offrir, et qui est le même que celui de la Croix, produise en nous ces mêmes résultats.
Secrète :
Que cette offrande, Seigneur, nous dégage des liens de notre malice, et nous concilie les dons de votre miséricorde. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
Contre les persécuteurs de l’Eglise :
Protégez-nous, Seigneur, nous qui célébrons vos mystères, afin que, nous attachant aux choses divines, nous vous servions dans le corps et dans l’âme. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
Pour le pape :
Laissez-vous fléchir, Seigneur, par l’offrande de ces dons, et daignez gouverner par votre continuelle protection votre serviteur N., que vous avez voulu établir Pasteur de votre Église. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
L’Antienne de la Communion est formée des paroles mêmes de Jésus-Christ instituant l’auguste Sacrifice qui vient d’être célébré, et auquel le Prêtre et les fidèles viennent de participer, en mémoire de la divine Passion, dont il a renouvelé le souvenir et le mérite infini.
Communion (1 Cor. 11, 24 et 25) :
Ceci est mon corps, qui sera livré pour vous : ceci est le calice de la nouvelle alliance en mon sang, dit le Seigneur. Faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous recevez ces choses.
Dans la Postcommunion, l’Église demande à Dieu de conserver dans les fidèles les fruits de la visite qu’il a daigné leur faire, en entrant en eux par la participation aux Mystères sacrés.
Postcommunion :
Assistez-nous, notre Dieu : Seigneur et défendez par votre continuel secours ceux que vous venez de nourrir par vos mystères. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
Contre les persécuteurs de l’Eglise :
Nous vous supplions, Seigneur notre Dieu, de ne pas laisser exposés aux périls de la part des hommes, ceux à qui vous accordez de participer aux mystères divins.
Pour le pape :
Que la réception de ce divin Sacrement nous protège, Seigneur ; qu’elle sauve aussi et fortifie à jamais, avec le troupeau qui lui est confié, votre serviteur N., que vous avez établi Pasteur de votre Église. Par Jésus-Christ notre Seigneur. »
COMMENTAIRE DE DOM PIUS PARSCH
dans son Guide dans l’Année Liturgique
« Station à Saint Pierre
Le Grand Prêtre entre dans son sanctuaire.
L’Église déroule devant nos yeux trois images, trois images de la Passion du Seigneur : une image figurative, une image historique et une image dominant les temps.
“Ce sont des jours que vous devez sanctifier en leur temps,
Le quatorzième jour au soir commence la Pâque du Seigneur,
Le quinzième jour vous célébrerez la grande fête pour le Seigneur Très-Haut. ”