Bab-el-Oued, laboratoire de la répression pour Misrata et Jisr al-Choughou
par Jacques Langlois
« C’est grand, c’est généreux la France », disait Charles de Gaulle.
290 millions d’euros, c’est donc la somme que nous allons verser aux rebelles libyens du Conseil national de transition (CNT), annonçait le 9 juin notre ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, à l’issue de la réunion, à Abou Dhabi, du groupe de contact sur la Libye, depuis quelques jours pilonnée par une noria d’hélicoptères de l’OTAN.
« Une nouvelle phase qui devrait accélérer la fin de Kadhafi, prédisait l’hebdomadaire Valeurs actuelles, qui ajoutait avec fierté́ : « Avec une trentaine d’appareils engagés chaque jour », qui réalisent « en moyenne 20% des sorties et 30% des attaques au sol », « la France est la première contributrice. »
Comme elle avait été la première à reconnaître le CNT, à ameuter la «communauté internationale » contre le régime de Muammar Kadhafi, puis à militer au Conseil de Sécurité de l’ONU pour le vote d’une résolution autorisant le recours à la force contre les troupes régulières libyennes, sous prétexte de « protéger les populations civiles » — celles de la turbulente province de Cyrénaïque, depuis plus de deux millénaires en lutte contre sa voisine et rivale, la Tripolitaine, comme l’a expliqué l’africaniste Bernard Lugan. Le vote de cette résolution (n° 1973) étant intervenu le 17 mars 2011, la France était, aussi, la première à lancer, deux jours plus tard, des raids aériens contre la Libye.
Les conjectures n’ont pas manqué (voir les très nombreux articles consacrés au sujet sur Metamag) quant aux raisons profondes de cet acharnement. Circonvenu par Bernard-Henri Lévy, le Che Guevara de Saint-Germain des Prés se substituant en l’occurrence à Alain Juppé pour conduire les affaires extérieures, Nicolas Sarkozy avait-il vu dans cette croisade le moyen de se représidentialiser avant une campagne électorale aléatoire ?
Souhaitait-il reconquérir les bonnes grâces de l’Américain Obama en se faisant son bras armé contre Tripoli ? Voulait-il faire payer à Kadhafi les humiliations à répétition, mais aussi les déceptions, dont un refus catégorique d’acquérir nos Rafale, que le Libyen lui avait infligées pendant son séjour officiel de décembre 2007 à Paris ?
Toujours est-il que c’est contre la Libye que les Rafales dédaignés entrèrent les premiers en action. Ce dont Juppé, peu rancunier, se réjouit aussitôt. Et le voici qui, aujourd’hui, propose au Conseil de Sécurité de l’ONU un nouveau projet de résolution. Condamnant, cette fois, la Syrie dont le gouvernement utilise hélicoptères et blindés contre les insurgés, notamment ceux de Jisr al Chougour, en majorité kurdes.
La France a également employé la terreur envers ses populations
Comme son président, beaucoup de ses collègues et une grande partie de la majorité parlementaire actuelle, Alain Juppé est — ou se dit — gaulliste. Les autorités françaises sont-elles donc bien placées pour traquer et punir les manquements aux droits de l’homme où qu’ils se produisent quand on se souvient comment, au printemps 1962, et avec le soutien de la Gauche, le régime gaullien usa de la terreur pour éradiquer le « mouvement de contestation » des Français d’Algérie ? Après tout, aussi légitime que le sont aujourd’hui ceux des « printemps arabes ».
Le vendredi 23 mars 1962, quatre jours après la signature des Accords d’Evian livrant l’Algérie au Front de libération national algérien (FLN), dont le ministre des Affaires étrangères officieux était Abdelaziz Bouteflika, le président de Gaulle avait mandé en effet à Michel Debré : « Mon cher Premier Ministre, tout doit être fait sur-le-champ pour briser et châtier l’action criminelle des bandes terroristes d’Alger et d’Oran. Pour cela, j’ai, sachez-le, entièrement confiance dans le gouvernement, dans le haut-commissaire de la République et dans les forces de l’ordre. Veuillez le dire aux intéressés. Bien cordialement. Charles de Gaulle. »
Ces « bandes terroristes » étaient les partisans de l’Algérie française. L’ordre de l’Elysée fut immédiatement exécuté. Le jour même, prenant prétexte d’un accrochage, commença le blocus de Bab-el-Oued, quartier très populaire, et très populeux (50 000 habitants, presque tous ouvriers) d’Alger. « Des milliers de soldats, gendarmes et C.R.S. encerclèrent le quartier », raconte l’historien José Castano. « Des barrages de fils de fer barbelés furent dressés. Bab-el-Oued était isolée du reste du monde…
Le quartier serait privé de renforts et de ravitaillements… Bab-el-Oued, le symbole de la résistance en Algérie, allait recevoir le châtiment qu’elle méritait depuis longtemps déjà. ». 150 « activistes » y étaient retranchés. Contre eux, le général Ailleret et le haut commissaire Christian Fouchet recoururent aux blindés et même à l’aviation, hélicoptères et chasseurs T6. « La puissance de feu était telle, » poursuit M. Castano, « que les quelques officiers aguerris qui se trouvaient là, se croyaient “revenus à la seconde guerre mondiale”… . Les balles de mitrailleuses 12/7 et les obus occasionnaient dans les murs des trous énormes.
Des troupes respectueuses des droits de l’homme
De toutes parts les blindés affluaient, vomissant leurs nappes de feu et d’acier… Suivaient les forces de l’ordre qui, aussitôt, investissaient maison après maison, se livrant à de sauvages perquisitions (…) et à l’arrestation systématique de tous les hommes en âge de porter une arme. Des milliers d’Européens furent ainsi arrêtés… Pour compléter l’isolement, on coupa les 8 000 téléphones qui reliaient encore les assiégés au reste du monde, ainsi que la lumière et un couvre-feu permanent fut établi sur-le-champ. Les forces de l’ordre reçurent la consigne de tirer à vue sur « tout ce qui bougeait » et on interdit l’accès du quartier aux médecins…
Dans les appartements dévastés, on pleurait les morts et on s’efforçait de soigner les blessés. Beaucoup de ces victimes n’avaient en rien participé au combat… Nicolas Loffredo, maire de Bab-El- Oued témoignera à ce sujet : “Nous sommes intervenus auprès des autorités en faisant remarquer que des bébés étaient en train de mourir. Un officier de gendarmerie me répondit : « Tant mieux ! Plus il en crèvera, mieux ça vaudra ! Il y en aura moins pour nous tirer dessus ». Et comme nous demandions qu’on enlève au moins les morts, il a éclaté : « Vos cadavres, mangez-les ! »”
Pour autant, le calvaire des habitants européens n’était pas fini… Pendant quatre jours, Bab-el-Oued sera isolée du reste du monde, sans ravitaillement et sans soins…» C’était le premier acte de la « normalisation », selon l’expression qu’utiliserait Moscou en août 1968 lors de la répression du « printemps de Prague ». Répression que Michel Debré, rétrogradé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Georges Pompidou, son successeur à Matignon, devait qualifier de simple « incident de parcours », sans incidence sur les bonnes relations entre de De Gaulle et la « chère et puissante Russie ».
Des victimes par milliers
Le deuxième acte de la tragédie eut lieu le 26 mars 1962. Pour protester contre le blocus inhumain de Bab el-Oued, des centaines d’Algérois se réunirent pacifiquement rue d’Isly. Où des unités de tirailleurs algériens, amenés des Aurès sur l’ordre du général Ailleret, ouvrirent le feu. On recensa 84 cadavres et des dizaines de blessés, dont beaucoup décédèrent ensuite. Un crime d’Etat qui ne fut jamais jugé.
Le troisième acte se joua avec la complicité du FLN, qui entreprit les massacres de harkis (75 000 victimes selon l’hypothèse la plus basse) pour épouvanter tous les musulmans loyalistes, et dont des éléments prétendument incontrôlés procédèrent à l’enlèvement de près de 3 000 Européens, enfants compris, afin de porter la terreur à son paroxysme et d’accélérer ainsi l’exode vers la France.
Sur ordre supérieur, l’armée française, pourtant encore présente en force, resta l’arme au pied devant ces atrocités, refusant de venir en aide aux kidnappés alors même que l’emplacement de certains camps de rétention, où la plupart des malheureux enlevés — parmi lesquels non seulement des « colons » mais aussi des médecins, des enseignants et même de hauts fonctionnaires et des militaires — devaient disparaître sans recours, était connu. Une honte dont certains officiers et sous-officiers, même hostiles aux « activistes », ne se sont jamais remis.
Les harkis : 75 000 victimes
Les héritiers du général sont-ils vraiment qualifiés pour s’ériger en champions des « populations civiles » des pays arabes ? Ou, plus exactement, de certains d’entre eux : ceux dont le potentat a cessé de plaire à l’oligarchie mondialiste. « Pourquoi l’Algérie reste à l’écart des révolutions », titrait le 6 juin Le Parisien, en constatant que les tares dont souffre ce pays — verrouillage du champ politique, laminage de l’opposition, prolifération d’une administration arrogante et corrompue — sont celles-là mêmes qui ont provoqué les révoltes arabes.
Mais, au contraire de Ben Ali et de Moubarak, Bouteflika a étouffé dans l’œuf la colère populaire. Toute manifestation a été, d’emblée, interdite et le 23 mars, rappelle le quotidien, la répression de la première explosion fit « plus de cent blessés ». Un avertissement compris par la population, encore traumatisée par la terrible guerre civile (200 000 morts) entre le FLN et les islamistes, vainqueurs des législatives de 1991 aussitôt annulées, qui embrasa l’Algérie pendant la dernière décennie du XXème siècle.
Tout étant donc rentré dans l’ordre, le terrible M. Sarkozy, l’ennemi numéro un de Kadhafi et demain de Bachar el-Assad, pouvait inviter, le 27 mai, son homologue Bouteflika au sommet du G20, à Deauville. Et Alain Juppé s’est rendu, le 15 juin, à Alger. «Une visite importante entre deux pays partenaires (sic) depuis si longtemps, entre deux acteurs du Sud et du Nord de la Méditerranée », s’est félicité́ le chef de notre diplomatie.
Source : Metamag
La république fit aussi tirer sur des civils Français en Juin 1848 et en Février 1934.
En d’autres occasions, aussi, mais pas en Vendée. Là ils se contentaient de noyer, torturer, violer, rôtir à la broche…pas de coup de feu contre des civils donc.
« La République gouverne mal, mais elle se défend bien! »
« La République gouverne mal, mais elle se défend bien! »
Même pas.
Pas contre un adversaire à sa taille.
Les républicains sont des révolutionnaires. Donc rien d’étonnant.
Le malheur, c’est que les français n’ont pas de mémoire.
J’imagine le traitement réservé aux indigènes depuis 1830…
Pour les « indigènes »?
2,5 millions en 1830, 12 en 1960.
Comme « génocide » on fait mieux.
Le « traitement » consistait en écoles, dispensaires, hjôpitaux, infrastructures en tout genre que l’Algérie indépendante a été incapable de gérer ensuite. En revanche, sur le sort des pieds noirs, il y a pas mal à dire. Tout comme sur le sort que le FLN réservait à ses propres citoyens.