« C’est le rat égaré dans le labyrinthe. C’est le cochon sur une échelle. C’est la poule devant un couteau. C’est François Fillon en campagne. Et ce n’est pas un canular, malgré les apparences.
Comment se sortir du piège dans lequel il s’est fourré tout seul comme un grand ? Bien sûr, il peut encore évoquer le harcèlement médiatico-judiciaire ; mais ce dernier commençant désormais à se pencher sur les éventuelles turpitudes d’Emmanuel Macron, l’argument pourrait bientôt perdre de sa pertinence.
La vérité est que, prisonnier du socle électoral catholique et conservateur l’ayant fait roi à la primaire, François Fillon voudrait désormais élargir son assise – dans les urnes et pas au palais de justice, on précise –, mais comment ? En allant braconner sur les terres lepénistes ? Cela ne dérangerait pas forcément les militants de Sens commun, mais aurait tout d’un casus belli vis-à-vis de ses nouveaux ralliés, rescapés du juppéisme et autres survivants du club NKM.
Contre toute logique, mais en parfaite adéquation avec son manque flagrant de convictions profondes et au mépris de ses promesses de campagnes, l’ancien Premier ministre a donc décidé d’humilier les premiers pour tenter de complaire aux seconds, avec la création d’un « mouvement gay pro-Fillon »…
La belle idée que celle-là, et tellement originale, avec ça ! À la tête du comité Théodule en question, pas n’importe qui : Benoît-Olivier Boureau, banquier chez Rothschild, lequel Boureau serait, à en croire Le Figaro, en cheville avec un certain Pierre Danon, ancien patron de Numéricable, vaisseau amiral de l’empire de Patrick Drahi, l’un des principaux soutiens d’Emmanuel Macron.
Voilà qui fleure bon la France des sacristies, des clochers et devrait ravir celle qui s’est ruée en masse sur la place du Trocadéro, le dimanche 5 mars dernier. Cédric Rivet-Sow, président des Jeunes avec Fillon, ne dissimule d’ailleurs pas sa joie : « C’est une très bonne chose, ça devrait permettre d’élargir notre audience, alors qu’on essaie de faire passer Fillon pour un extrémiste en arguant de la radicalisation de sa campagne. »
De son côté, Frigide Barjot exulte : « C’est vraiment bien ! » Ça, c’est de l’analyse, chère madame Prosper Yop la boum…
On notera, dans le même registre d’entente cordiale, que l’ancienne égérie de la Manif pour tous est, depuis, brouillée avec Ludovine de La Rochère, qui lui a succédé à la tête de cette association, mais aussi avec Madeleine de Jessey, de Sens commun, sans oublier Béatrice Bourges, du Printemps français. Qui a osé évoquer des querelles de fifilles ?
Pour affiner son lifting progressiste, François Fillon, une fois de plus, ne regarde pas à la dépense : il y a des malades qui décèdent en bonne santé. Lui, au moins, s’il meurt électoralement, ce sera en toute modernité.
Quoi que… Quoi que rien ne semble être si sûr. Ainsi, Catherine Michaud, présidente du mouvement GayLib et, par ailleurs, élue de l’UDI, s’agace-t-elle en ces termes à propos de cette possible concurrence sur le marché du lobbying homosexuel : « Ça fait joli dans la vitrine, ça devait lui manquer. […] Je ne comprends pas qu’une personne homosexuelle puisse soutenir un candidat qui propose de hiérarchiser les familles et de conditionner la protection des enfants selon l’orientation sexuelle des parents. »
Ou de l’art de se fâcher avec tout le monde, surtout avec les plus fidèles – jusqu’à quand ? – de ses alliés. Rat égaré dans son labyrinthe, cochon sur une échelle, poule devant un couteau ? Tant qu’à demeurer dans la métaphore animalière, celle du canard sans tête errant sur la banquise serait finalement plus appropriée. Sacré Fillon ! À quand un DVD compilant ses meilleurs sketchs ? Bientôt en vente dans toutes les FNAC et les meilleurs magasins de farces et attrapes. »
Nicolas Gauthier, sur Bvd Voltaire