Avec une descente modérée et une trajectoire linéaire conduisant l’avion directement sur les montagnes, les experts et pilotes pointent un comportement inexplicable de l’équipage de l’Airbus A320 de Germanwings qui s’est écrasé mardi dans le sud-est de la France.
Que nous apprend la trajectoire de l’avion?
L’avion s’est mis en descente modérée qui exclut un décrochage ou une descente d’urgence. L’appareil a manifestement continué à avoir de la portance (la force permettant à l’appareil de se maintenir en altitude, ndlr), expliquent des commandants de bord et anciens enquêteurs du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) interrogés par l’AFP.
Une mise en descente de l’appareil résulte nécessairement d’une action de l’équipage. L’avion est resté sur sa trajectoire horizontale. Il a poursuivi son plan de vol excepté pour l’altitude, selon les données fournies par le serveur Flightradar24.
« Or aller tout droit en direction des montagnes n’a aucun sens. Tout ceci correspond à une action anormale de la part de pilotes professionnels parfaitement en possession de leurs moyens ou alors à une absence de réaction d’un équipage », explique un commandant d’une grande compagnie européenne.
Comment peut-on expliquer ce comportement anormal ou cette absence de réaction de l’équipage?
« Si les pilotes n’ont pas empêché l’avion d’aller s’écraser contre les montagnes, c’est que soit ils étaient inconscients ou morts, soit ils ont décidé de mourir, soit on les a obligés à mourir », résume un des experts. « L’une des hypothèses est qu’il y a eu une dépressurisation lente et que le masque à oxygène n’ait pas fonctionné. Dans un tel cas, les pilotes se seraient retrouvés très vite en état d’hypoxie (diminution du taux d’oxygène dans le sang, ndlr) », avancent plusieurs pilotes et anciens enquêteurs du BEA.
Non sans rappeler le cas du crash d’un Boeing 737 de la compagnie chypriote Hélios, le 14 août 2005 qui avait fait 121 morts. Le jour du crash, des mécaniciens avaient fait un test de pressurisation et ont oublié de remettre la manette de pressurisation sur le mode automatique. Lors de son ascension, l’avion n’a pas été pressurisé et l’oxygène est venu à manquer. Les pilotes sont tombés inconscients. L’avion qui était sur pilote automatique s’est écrasé après avoir épuisé ses réserves de carburant. Des avions de chasse l’avaient escorté et avaient assisté impuissant à sa perte.
Pour l’heure, on ne peut pas exclure non plus le suicide d’un pilote qui aurait dû alors neutraliser son collègue ou l’intervention d’une tierce personne dans le cockpit. Il est donc crucial de pouvoir lire l’enregistreur de vol retrouvé mardi.
L’exploitation du Cockpit voice recorder (CVR), l’une des deux boîtes noires retrouvée mardi mais endommagée, est-elle possible?
« Endommagé ne signifie pas inexploitable », souligne Jean-Paul Troadec, ancien directeur du BEA. « La carte mémoire, semblable à celle que l’on trouve dans les ordinateurs, est particulièrement bien protégée. Or cette carte mémoire est la partie utile du CVR », dit-il. « On peut récupérer une boîte noire apparemment très endommagée mais dont la carte est intacte. Cela est fait pour résister à des chocs extrêmement violents », ajoute-t-il. Dans le cas de connections rompues, le BEA dispose d’une grande expertise pour les reconnecter, relève-t-il.
Quels éléments concrets apporte une lecture du CVR?
« On devrait apprendre qui était aux commandes. Si le commandant était seul dans le cockpit ou pas. S’il y avait d’autres personnes que le commandant et son copilote. Si oui, il est probable que des conversations aient été échangées », explique M. Troadec. Le CVR permet aussi d’entendre les bruits de la porte qui s’ouvre et se referme, le bruit des différentes commandes et interrupteurs. Tous les petits cliquetis peuvent donner des informations précieuses pour la compréhension de l’accident. Si des alarmes (incendie, dépressurisation, etc.) ont retenti, elles devraient aussi être audibles.
Y a-t-il eu explosion avant impact?
L’avion a été vu par des témoins. Il était entier. La zone d’impact étant en outre assez limitée, les experts estiment que l’avion est probablement arrivé intact avant impact.