Trouvé sur Le Parisien : Alors que le lobby de la Culture a réussi à maintenir ses avantages fiscaux, le député La République en Marche et rapporteur général du budget à la commission des Finances, est en colère.
Joël Giraud, député La République en Marche (LREM), pousse un coup de gueule contre les lobbys de la Culture qui sont parvenus à maintenir les avantages fiscaux du secteur dans le budget pour 2019. Pour le rapporteur général du budget à la commission des Finances, ces crédits d’impôts sont exorbitants, d’autant que leur efficacité n’est jamais évaluée.
Dans le projet de Budget 2019, le gouvernement a détricoté vos amendements pour encadrer davantage les crédits d’impôts de la Culture. Êtes-vous furieux ?
JOËL GIRAUD. Oui. Il y a quelques mois, j’avais passé au crible les crédits d’impôts dédiés au secteur de la Culture. Le constat est accablant, avec une envolée exponentielle ces dernières années. Même si ces aides ont une utilité, leur taux a explosé et leurs plafonds ont été revus à la hausse sans évaluation précise de leur efficacité. Inacceptable !
Qu’aviez-vous proposé ?
Je voulais que les dés ne soient plus pipés ! Qu’on sorte du fonctionnement où le Centre national du cinéma (CNC) commande une évaluation de ces crédits d’impôts à un cabinet qu’il rémunère lui-même. Il faut que l’évaluation soit indépendante. Voilà pourquoi je proposais, via un amendement, que ces niches fiscales soient limitées à quatre ou cinq ans avant de faire l’objet d’un contrôle puis d’un renouvellement.
Quels abus avez-vous constaté ?
Lors du tournage d’un film étranger, si la production fait appel à un jet privé pour transporter telle ou telle star, cette dépense entre dans l’assiette du crédit d’impôt « cinéma international ». Idem pour des frais de bouche, qu’ils soient exorbitants ou non. Si Gérard Depardieu va manger chez Ducasse entre deux prises, la note pourra aussi entrer dans l’assiette du crédit d’impôt. Alors que les frais d’hôtels sont plafonnés, je ne vois pas pourquoi les repas et les transports ne le sont pas également.
Toutes ces dépenses ne permettent-elles pas de booster l’économie locale du lieu de tournage ?
Peut-être. Mais ne pas plafonner ces dépenses, c’est n’importe quoi !
Que s’est-il passé finalement ?
Sous la pression des acteurs de la Culture, le gouvernement a déposé un contre amendement pour faire échouer ma proposition. Les crédits d’impôts liés au cinéma international et aux jeux vidéo restent donc illimités dans le temps, sans aucune évaluation indépendante. Mais ce n’est pas tout ! Deux amendements ont été adoptés malgré l’avis défavorable de la Commission des Finances : l’un augmente le taux du crédit d’impôt des films à « fort effet visuel » et l’autre augmente une nouvelle fois celui dédié au cinéma international, qui passe de 9 millions d’euros en 2012 à 46 millions d’euros aujourd’hui.
En quoi est-ce inadmissible ?
Certaines productions tournent deux ou trois scènes en France, dans des lieux que l’on n’identifie même pas et qui ne valorisent pas le territoire, pour bénéficier du crédit d’impôt cinéma international. C’est scandaleux ! Quant au crédit d’impôt « effets spéciaux », créé à l’époque de « Valérian » (NDLR : le film de Luc Besson), il profite aujourd’hui à de nombreux films où n’y a pourtant qu’un semblant d’effets spéciaux.
Le lobby de la culture est-il si puissant que cela ?
Oui ! Des spécialistes parisiens du secteur se précipitent à Matignon et à l’Elysée, où ils trouvent une oreille attentive, pour pleurer dès qu’ils ont l’impression qu’on leur veut du mal ! Quant au patron du CNC, il est même présent dans l’hémicycle à l’Assemblée pendant le vote des crédits pour s’assurer que tout se passe bien. Si le président de l’association des Joyeux Pétanqueurs était présent au conseil municipal de Trifouillis-sur-Gazon lors du vote de la subvention, la délibération serait annulée !
Qu’envisagez-vous désormais ?
Dans le rapport d’application sur la loi fiscale, que je rendrai au printemps, je compte bien avoir épluché les factures de certains films, une à une.