Après avoir été l’un des membres fondateurs d’Al-Qaïda, Aimen Dean l’a espionné pour les services de renseignements britanniques MI5 et MI6 à partir de 1998, après une crise de conscience. Récemment interrogé par la BBC, il est revenu sur ses années de travail en Afghanistan puis à Londres où il était devenu l’un des indicateurs les plus utiles à l’Occident dans la lutte contre le terrorisme islamique.
Né en Arabie Saoudite, Aimen Dean s’engage dans les années 1980 dans le djihad contre l’occupation soviétique en Afghanistan. Il est tout naturellement parti, alors qu’il était adolescent, pour défendre les musulmans bosniaques contre les nationalistes serbes. Il s’était alors engagé avec un de ses amis, Khalid al-Hajj, qui devait par la suite prendre la tête d’Al-Qaïda en Arabie-Saoudite.
Aimen Dean n’avait qu’un but : mourir martyr pour servir l’islam
Ce rassemblement de combattants venus du monde entier avec l’islam pour seul point commun reste pour lui une belle expérience, en plus de lui avoir donné une formation militaire sans équivalent possible.
La mort ne l’effrayait pas, et de moins en moins à mesure que le combat se rapprochait : Aimen Dean voulait mourir martyr, pour la cause.
A la fin du conflit en Bosnie, Aimen Dean note parmi ses camarades une haine croissante à l’égard de l’Occident et de la mondialisation : ils étaient persuadés que les pays occidentaux s’étaient lancés dans une guerre contre l’islam. Les moudjahidines deviennent alors des terroristes, se souvient-il.
C’est en Bosnie que les responsables d’Al-Qaïda repéraient les meilleurs, parmi lesquels Aimen Dean
La Bosnie servait d’« école » où de très nombreux et talentueux chefs d’Al Qaïda sont sortis du rang, parmi lesquels Khalid Sheikh Mohamed, accusé d’avoir été la tête pensante des attentats du 11 septembre 2001. Les responsables du mouvement venaient en Bosnie repérer les « meilleurs ». Ils étaient recrutés pour poursuivre le combat, qui changeait de nature.
Il n’était plus question de défendre des musulmans mais de lutter contre tout gouvernement laïque qui ne respectait pas la sharia…
Aimen Dean comprend alors qu’il s’agit désormais de détruire tout intérêt américain dans la région. Les jeunes engagés ne sont plus appelés à être des soldats, mais des terroristes.
En Afghanistan, Aimen Dean devient professeur de théologie pour les nouvelles recrues d’Al-Qaïda
C’est à Kandahar qu’Aimen Dean prête allégeance au mouvement, en présence d’Osama Ben Laden.
Fin connaisseur de la théologie islamique, il est chargé de l’enseigner aux nouvelles recrues d’Al-Qaïda en Afghanistan. C’est l’occasion pour lui de comprendre les différentes motivations et parcours de radicalisation des djihadistes : certains étaient très religieux, d’autres voulaient trouver une manière de racheter une vie dissolue. Mais Aimen Dean insiste : tous recherchaient le martyre, même si certains rêvaient de faire couler le plus de sang possible avant d’y parvenir.
C’est le bombardement des ambassades de Nairobi et de Dar es Salaam qui a retourné Aimen Dean. 12 civils américains et 240 autochtones sont morts dans ces attaques ; il y a eu en outre 5.000 blessés. Aimen Dean demande alors quelle justification religieuse peut avoir un tel acte puisque l’ambassade était certes celle de l’ennemi, mais sa destruction allait entraîner des dommages collatéraux immenses…
L’assassinat de centaines de civils musulmans justifiés par une fatwa du XIIIème siècle
La réponse des « théologiens » l’interpelle : ces attaques étaient « permises » par une fatwa vieille de 800 ans qui avait autorisé les musulmans d’Asie Centrale à tuer d’autres musulmans pris en otages et utilisés comme boucliers humains par les Mongols.
Aimen Dean n’a vu aucune ressemblance possible entre la situation d’urgence devant un danger mortel et imminent considérée par cette fatwa et l’attaque systématique de tout symbole américain entraînant la mort de milliers d’innocents. C’est alors qu’il a décidé de quitter le mouvement.
Prétextant un traitement médical, Aimen Dean est retourné en Arabie Saoudite, bien décidé à ne jamais revenir en Afghanistan. C’est alors qu’il a été approché par les services secrets anglais.
De retour en Arabie Saoudite, Aimen Dean est recruté par les renseignements britanniques
Il accepte immédiatement la mission, bien décidé à lutter contre ce mouvement devenu fou.
Il repart donc en Afghanistan au terme de 7 mois de formation à Londres pour reprendre ses activités, avec un tout autre but derrière la tête.
Un membre fondateur d’Al-Qaïda parmi les espions de Sa Gracieuse Majesté
Aimen Dean fait régulièrement des allers-retours entre l’Afghanistan et l’Angleterre, et les responsables d’Al-Qaïda restent persuadés qu’il mène dans les deux pays sa mission de formation et de recrutement pour le djihad (ce qu’il fait effectivement d’ailleurs).
Mais Aimen Dean aide également les services de renseignement britanniques à déjouer des attentats, forts de ses contacts et de la confiance que l’organisation terroriste a toujours placée en lui.
C’est en 2007 que sa double vie prend soudainement fin, alors que les révélations d’un écrivain américain le dévoilent totalement.