Le chroniqueur Eric Zemmour est l’objet d’un lynchage en règle pour une interview parue en Italie au mois d’octobre sur les questions que posent l’immigration et les musulmans, à l’occasion d’un mot qu’il n’a pas prononcé, déportation. La même presse et les mêmes hommes politiques, qui tordent le nez devant une photo de Closer, utilisent, pour abattre un homme, les plus usés et les plus immoraux des procédés totalitaires.
Qu’a dit Eric Zemmour au Corriere della Serra qui l’interrogeait ? Ceci d’abord, que les musulmans ont leur propre loi, le Coran, et qu’ils vivent à part, dans les banlieues, d’où les autochtones ont été obligés de partir. Que tout cela risque de finir par une guerre civile. Mais alors, que faire, lui demande le journaliste Stefan Montefiori ? Qu’ils s’en aillent ? A quoi notre provocateur répond : « Je sais, c’est irréaliste mais l’Histoire est surprenante. Qui aurait dit en 1940 qu’un million de Pieds-noirs, vingt ans plus tard, seraient partis d’Algérie pour revenir en France ? Ou bien qu’après la guerre, 5 ou 6 millions d’Allemands auraient abandonné l’Europe centrale et orientale où ils vivaient depuis des siècles ? »
Pas plus de déportation que de beurre à la cuisine
Sur le fond, il y aurait bien des choses à dire, et notamment que c’est la charia la loi musulmane, plus que le Coran proprement dit, que les musulmans ne vivent pas tous en banlieue, que certains ne croient ni ne pratiquent plus et ont commencé à s’intégrer. Mais ce qui retient ici l’attention est la manière de procéder des uns et des autres. Zemmour, pour commencer. Il s’est bien gardé de parler de déportation et il n’est pas le seul à l’affirmer haut et fort : le journaliste du Corriere della Serra le confirme nettement et officiellement. Non seulement il n’a pas parlé de « déporter » qui que ce soit, mais Montefiori ne l’avait pas utilisé dans la question, ce n’est que lors de la rédaction de l’article que le journaliste a écrit, par un malheureux souci de synthèse, « déporter ».
Les mauvais procédés des officiels musulmans
L’affaire Zemmour, toute parisienne, est partie du blog de Jean-Luc Mélanchon, où elle paraît le douze décembre pour gagner ensuite toute la grande presse. L’AFP, France Info, l’Express, le Nouvel Observateur, tout le monde a titré sur le fait, présenté comme un fait certain, sans conditionnel aucun, que Zemmour envisageait, imaginait, recommandait, préconisait la « déportation des musulmans ». L’observatoire de l’islamophobie, organisme officiel qui dépend du Conseil français du culte musulman, a annoncé à grands cris son intention de porter plainte, notamment pour incitation à la haine raciale. Il justifie ainsi son action : « Ces propos viennent s’ajouter à une litanie de déclarations abjectes et sans fondement de ce prêcheur de haine patenté à l’encontre de l’islam et des musulmans ». En ajoutant : « Que font les pouvoirs publics devant le déferlement de tant de haine ? » SOS Racisme annonce lui aussi son intention de porter plainte, et Egalité et Réconciliation, d’Alain Soral, aussi. Contre Zemmour, les ennemis mortels se réconcilient dans une même condamnation.
Lynchage médiatique, lynchage d’Etat
Chose plus surprenante encore, le tranquille Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur franc-maçon et souvent impavide, s’est ému lui aussi. Il a condamné « avec une extrême fermeté » Eric Zemmour pour des propos qu’il n’avait pas tenus, estimant les musulmans « odieusement attaqués ». Voilà tout le procédé du lynchage : un militant d’extrême gauche, le sénateur Mélenchon, découvre en Italie une vieille « pépite » (c’est le terme du nouvel Obs), ne vérifie rien, lance le mot, il est repris, toujours sans vérification ni réserve, par la grande presse et un homme se trouve jeté en pâture aux « chiens », pour reprendre le mot de François Mitterrand. C’est odieux et stupide.
Zemmour, c’est Le Pen trente ans après
Alors, il ne s’agit pas ici de faire la promotion de l’œuvre d’Eric Zemmour, ni de justifier toutes ses thèses ou déclarations à l’emporte-pièce. Un livre qui vient de paraître, A poil Zemmour, montre, avec beaucoup de finesse et une bonne connaissance de l’envers du décor, à la fois les limites et les faiblesses du personnage, et les procédés totalitaires, et la manœuvre politique, de ses adversaires. Le système politico-médiatique, comme d’habitude, met en valeur ce qu’il combat, et inversement. Eric Zemmour, en montrant du doigt le déclin de la France, les conséquences de l’immigration, celles de la mondialisation, l’Europe et la France ruinées par l’ouverture des frontières et l’angélisme, le chamboulement des mœurs, us et coutumes, la démission, voire la trahison des élites, reprend des thèmes et des observations que d’autres ont fait, souvent avec plus de précision, voilà vingt et trente ans. Si le système dénonce aujourd’hui la zemmourisation de la société comme il dénonçait dans les années quatre-vingt-dix la lepénisation des esprits, c’est parce qu’il craint que le peuple comprenne ce qu’il ne doit pas comprendre. C’est-à-dire que notre pays et notre civilisation sont engagés dans une rupture qui va tout bouleverser et sur laquelle on ne l’a pas consulté. Zemmour aujourd’hui comme Le Pen hier joue le peuple contre les élites, il a les mêmes ennemis et la même fonction : il répond au grand vide français. Vide intellectuel, vide d’espoir et de destin. Comme Le Pen il y a trente ans, il dit ce que le système interdit strictement de dire, suscitant de ce seul fait un extraordinaire engouement, même s’il ne le dit pas très bien, et s’il y mêle des bêtises. Voilà pourquoi le système le lynche, comme il a lynché Le Pen il y a trente ans. Il est vrai aussi qu’ils y mettent chacun du sien, ce qui pose d’autres questions, mais secondaires, chronologiquement.