Grèce : taxons les pauvres, ils sont tellement plus nombreux

Pascal Roussel, analyste au sein de la Banque Européenne d’Investissement, auteur de l’ouvrage : « Divina Insidia », livre son analyse sur la Grèce.

Dans Le Diable rouge une pièce de théâtre écrite par Antoine Rault, on peut trouver une conversation entre Colbert ( ministre des finances sous Louis XIV) et Mazarin. La teneur de cet échange est un fait historique.

Colbert : «Pour trouver de l’argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus. J’aimerais que Monsieur le Surintendant m’explique comment on s’y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu’au cou…»

-Mazarin : «Quand on est un simple mortel, bien sûr, et qu’on est couvert de dettes, on va en prison mais l’État… L’État, lui, c’est différent. On ne peut pas jeter l’État en prison. Alors, il continue, il creuse la dette! Tous les États font cela.»

-Colbert : «Ah oui? Vous croyez? Cependant, il nous faut de l’argent et comment en trouver quand on a déjà créé tous les impôts imaginables?»

-Mazarin : «On en crée d’autres».

-Colbert : «Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà».

-Mazarin : «Oui, c’est impossible».

-Colbert : «Alors, les riches?»

-Mazarin : «Les riches, non plus. Ils ne dépenseraient plus. Un riche qui dépense fait vivre des centaines de pauvres».

-Colbert : «Alors, comment fait-on?»

-Mazarin : «Colbert, tu raisonnes comme un fromage ! Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres, ni riches… Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres! C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus! Ceux là! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser… C’est un réservoir inépuisable.»


350 ans plus tard, cette affirmation cynique est plus que jamais d’actualité en Grèce. Le pensionné grec qui va voir sa pension mensuelle passer de 1300 euros à 800 euros sans jamais avoir profité du moindre cent des fameux 13 swaps de devises mis au point par Goldman Sachs, se demande pourquoi il est si lourdement frappé.

Et tandis que la nouvelle cure d’économies consistant en coupes claires dans les dépenses de l’Etat Grec, alourdissement de la fiscalité et privatisations, pour un montant global de 28 milliards d’euros vient d’être voté par le parlement grec, le Pentagone, quant à lui, vient de révéler la facture annuelle de l’air conditionné pour les troupes en Irak et Afghanistan : 20 milliards de USD…

On lit que les banques ont été gavées de liquidités par les banques centrales et donc qu’elles vont bien. Il s’agit là d’une grave erreur qui provient du fait que lorsqu’un prêt ou un instrument financier à l’actif du bilan d’une banque fait défaut, la perte influence négativement le capital de cette banque. Or la banque doit obligatoirement détenir en toute circonstance un niveau minimal de capital par rapport à ses dettes en application du principe
de réserve fractionnée que j’ai souvent décrit.

Qu’est-ce que le capital ? Pour donner une image c’est une dette envers les actionnaires mais qui ne devrait jamais être remboursée. Lorsque les choses tournent mal et que les banques ne peuvent emprunter, pour éviter la faillite, elles doivent convertir leurs dettes en capital. Mais alors ceci se fait au détriment des actionnaires initiaux qui détiennent, après cette conversion, un plus faible pourcentage du capital de la banque.

Donc pour résumer, pour éviter que des investisseurs ne subissent des pertes, les banques Grecques n’envisagent pas de convertir leurs dettes en capital et l’Etat préfère s’endetter encore plus plutôt que d’annoncer un défaut de paiement. Et c’est la population qui va devoir payer. On voudrait créer le chaos que l’on ne s ‘y prendrait pas autrement.

Mais à part de la Grèce, l’Italie vient elle aussi d’être mise sous le feu des projecteurs. Contrairement à ce que pourrait croire l’homme de la rue, les grands acteurs financiers n’agissent pas sur les bourses réglementées comme celle de New York totalement dominée par des algorithmes financiers. L’Etude récente de la société Themis Trading montre que 70% des échanges se font sur des « dark pools ». Un « dark pool » est une bourse privée qui ne communique aucune information sur les échanges ni sur les cours et qui obéit à ses propres règles. Cette bourse secrète permet d’acheter ou de vendre des instruments financiers tout en restant anonyme. Certains « dark pools » sont d’ailleurs contrôlés par des grandes banques. C’est le cas de Goldman Sachs qui a récemment été contraint de publier des informations sur les échanges qui s’effectuent sur son «dark pool » (Sigma X) et curieusement, depuis plusieurs jours, les plus gros échanges se font sur les actions de trois banques Italiennes : Banca Monte dei Paschi di Siena, Unicredit and Intesa Sanpaolo.
Le 24 juin dernier les échanges sur Unicredit et Intesa Sanpaolo avaient d’ailleurs dû être interrompus suite à une chute de 8% sur la bourse officielle de Milan. Ce qui fait dire à certain que ces chutes sur les bourses secrètes et publiques seraient annonciateur de gros problèmes pour l’Italie…

Source : LIESI

3 commentaires concernant l'article “Grèce : taxons les pauvres, ils sont tellement plus nombreux”

  1. J’ai bien aimé Divina Insidia. J’ai pu enfin comprendre comment fonctionnait l’économie mondiale. Je trouve le concept du livre vraiment bien, il arrive à rendre vraiment abordables, compressives à n’importe qui des choses vraiment complexes.
    Et puis comme c’est une sorte de thriller, on peut le prêter à des gens qui ne se rende pas vraiment compte, et les amener à s’informer sans les brusquer.

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